Donald Trump a coché la date de ce 2 avril 2025 sur son calendrier. Le «Liberation Day», comme l’appelle le président américain, une journée censée marquer la fin de ce qu’il nomme la «soumission américaine aux importations étrangères».
Réélu en novembre 2024, le président américain a promis un retour au protectionnisme agressif en imposant des droits de douane massifs sur les importations en provenance de Chine, du Mexique et même de certains alliés européens jugés «déloyaux». Certaines taxes pourraient atteindre 60%, une mesure sans précédent depuis des décennies.
De quoi faire trembler les marchés mondiaux et raviver de très mauvais souvenirs dans les livres d’histoire économique. Car si Trump vante une politique qui favoriserait ainsi l’industrie et les travailleurs américains, beaucoup d’experts y voient un dangereux précédent: celui du tarif Smoot-Hawley de 1930, une décision protectionniste qui a contribué à enfoncer les Etats-Unis – et accessoirement le reste du monde – dans la Grande Dépression.
Retour sur une erreur historique que personne n’a envie de voir se répéter.
Pour comprendre ce qui fait si peur aujourd’hui, il faut remonter un siècle en arrière. Les années 1920 aux Etats-Unis sont marquées par une croissance fulgurante, mais aussi par d’immenses déséquilibres.
La production industrielle explose, mais les inégalités se creusent, car la surproduction menace: l’Europe, qui s’est nourrie de l’agriculture américaine pendant la Première Guerre mondiale, a repris son agriculture en main et n’a plus besoin des produits américains. En conséquence, les agriculteurs américains souffrent de la baisse des prix des matières premières.
Puis survient le krach boursier d’octobre 1929. Wall Street s’effondre, déclenchant une réaction en chaîne: des banques font faillite, les entreprises licencient en masse, la consommation s’effondre, et l’économie américaine plonge dans une crise sans précédent.
Le président Herbert Hoover, qui veut protéger les industries locales et les emplois américains, adopte alors une solution radicale: taxer massivement les importations étrangères.
C’est ainsi qu’est votée en juin 1930 la loi Smoot-Hawley, une mesure qui augmente les droits de douane sur plus de 20 000 produits importés, certaines hausses dépassant les 60%. L’objectif? Rendre les produits étrangers hors de prix pour pousser les Américains à acheter local. Mais l’effet est catastrophique.
Loin d’avoir sauvé l’économie américaine, cette mesure protectionniste l’a plongée encore plus profondément dans la dépression.
Après plusieurs années d’errance économique, les Etats-Unis commencent à se redresser. L’élection de Franklin D. Roosevelt en 1932 marque un tournant avec la mise en place du New Deal, un programme de relance économique basé sur les grands travaux, l’intervention de l’Etat et la protection sociale.
En plus de cette mesure, en 1934, le Congrès adopte le Reciprocal Trade Agreements Act, qui met progressivement fin à la logique du Smoot-Hawley en négociant des accords commerciaux bilatéraux pour réduire les barrières douanières.
Et puis, un événement extérieur va rebattre les cartes et donner un peu d’air aux Américains: la Seconde Guerre mondiale. L’effort de guerre stimule la production industrielle, réduit le chômage et relance l’économie. En 1945, les Etats-Unis sortent du conflit en position de force, devenant la première puissance économique mondiale.
Alors, Donald Trump est-il en train de rejouer la même partition, avec les mêmes erreurs à la clé? Evidemment, le contexte de 2025 est différent de celui de 1930.
L’économie mondiale est plus interconnectée, et les Etats-Unis ne sont plus la seule puissance à avoir un impact au niveau mondial. Mais plusieurs dangers guettent, avec les projets du président américain:
Alors certes, l’histoire ne se répétera de toute évidence pas à l’identique. Mais il serait prudent de se souvenir de ce qu’il s’est passé il y a un peu moins d’un siècle. Car si les années 1930 ont un enseignement à offrir, c’est que fermer son économie au reste du monde n'est jamais une décision anodine. Même pour une puissance telle que les Etats-Unis.