Le cybertruck de Tesla était censé, à terme, remplacer le pick-up. Mais la révolution a tourné au fiasco. Sur les 250 000 unités prévues, moins de 40 000 ont été vendues l'an dernier, soit 84% de moins. Et il ne faut pas s'attendre à une amélioration. Les chiffres de janvier et février sont pires encore. Le magazine Forbes parle déjà du «plus grand flop de l'industrie automobile» depuis des décennies. Et il y a de bonnes raisons à cela.
Si le cybertruck n'a jamais vraiment convaincu, il devient désormais de plus en plus embarrassant. Huit rappels en treize mois - dont le dernier à cause d'une chute de pièces de carrosserie - n'ont pas arrangé l'image de Tesla. Le design a été un point de discorde dès le début: on trouvait la voiture trop grande, trop encombrante, trop peu fonctionnelle.
Elon Musk lui-même, a avoué ne pas avoir réalisé d'étude de marché - une grave erreur. Un pick-up doit être pratique et fiable pour transporter des charges. Celui-ci, en revanche, ressemble à un monolithe massif et ne tient pas compte des besoins de son propriétaire.
Elon Musk ne voulait ni vernis ni peinture ni d'éléments «m'as-tu-vu» - et il a obtenu ce dont il rêvait. De l'inox partout. Ce qui a été présenté comme une manœuvre intelligente pour réduire les coûts n'a pas porté ses fruits. L'inox peut paraître robuste, mais il s'avère plus difficile à travailler que prévu. Les opérations de pliage, pressage et d'ajustement reviennent finalement très cher.
L'entreprise a investi environ 900 millions de dollars dans la Gigafactory d'Austin (Texas), spécialement transformée pour le nouveau modèle. Les objectifs de production n'ont toutefois pas été atteints. Il a donc déjà fallu licencier par manque de commandes. Le problème, c'est que le cybertruck est un ovni dans la gamme de la marque. Il ne partage aucune plate-forme, aucun composant avec les autres. Conséquence: aucune synergie, pas de flexibilité possible. Et apparemment pas de plan B.
La présentation 2019 s'est terminée en véritable comédie burlesque. Deux tirs de billes d'acier et la fenêtre soi-disant blindée vole en éclats. La réaction d'Elon Musk est devenue un mème. L'événement a coïncidé avec le début d'une longue série de pannes.
Autre erreur d'appréciation: le prix. Au lieu des 39 900 dollars annoncés, le tarif s'élève à plus de 82 000 dollars (environ 67 000 francs) - bien trop au regard des ventes prévues.
Aux Etats-Unis, les pick-ups ne sont pas seulement des véhicules, mais aussi des outils de travail et de transport. Ils symbolisent tout un style de vie. Le cybertruck, quant à lui, est un corps étranger futuriste, sans réelle utilité. Des vidéos montrent comment il s'enlise, alors que le Ford F-150 ou le GM Silverado - ses concurrents directs - progressent sans problème dans un terrain boueux. Et chacune de ces séquences enfonce le clou un peu plus encore.
Elon Musk semble ne pas avoir compris pourquoi les gens achètent des pick-ups: il leur faut quelque chose de pratique. A la place, il a matérialisé ses propres représentations. Pas étonnant en définitive que les prix des cybertrucks d'occasion baissent et que Tesla se retrouve avec environ 200 millions de dollars d'invendus. Les stocks se remplissent tandis que les showrooms se vident.
Le cybertruck pourrait devenir le plus grand échec de l'histoire de l'automobile, non pas en raison de son design contestable, mais en raison du décalage entre de grandes attentes et une triste réalité.
De quoi se remémorer un raté qui remonte à plus de 60 ans déjà: le lancement de la Ford Edsel en 1958 avec des espoirs similaires. Deux ans plus tard, elle était déjà insignifiante. Ford comptait sur 200 000 ventes par an, mais seuls 63 000 exemplaires ont trouvé preneur au total. L'Edsel est ainsi devenue le plus grand flop de l'histoire de l'automobile à ce jour.
Mais ça, c'était avant le cybertruck.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)