Il est de ces couples dont on prédit la fin avant même qu'ils ne l'officialisent. Donald Trump et Elon Musk sont de ceux-là. L'été dernier, alors que le républicain bat toujours campagne et passe à un cheveu de mourir sous les balles d'un adolescent déséquilibré, Elon Musk rejoint officiellement son navire et devient le soutien financier le plus prolifique, à coup de centaines de millions de dollars. Un rapprochement qui fait hausser les sourcils... et laisse prédire le pire.
Les paris sont ouverts. Quand est-ce que les égos surdimensionnés de ces deux businessmen milliardaires, à la soif inextinguible de pouvoir et d'attention médiatique, finiront-ils par entrer en collision? A quand l'inévitable déflagration?
En coulisses, la présence constante d'Elon Musk à Mar-a-Lago, sa proximité immédiate avec Donald Trump et son comportement imprévisible suscite rapidement frustrations et jalousies. Certains nourrissaient le rêve privé qu'une fois Donald Trump réinstallé dans le Bureau ovale, son nouveau copain perdrait de son influence et de son attrait. Il n'en a rien été.
Plus épris que jamais, Donald Trump a veillé en personne à ce qu'Elon Musk ait librement accès à l'aile ouest et à un bureau dans un immeuble à côté de la Maison-Blanche.
Toutefois, comme deux amants fougueux après quelques semaines de «lune de miel» et de cohabitation, les premiers signes de dissension ont émergé, somme toute, assez vite.
Avant même que Donald Trump ne soit officiellement investi ce 20 janvier, son «first buddy» avait déjà fait capoter à lui seul un accord de dépenses avec les démocrates, menaçant de provoquer un shutdown du gouvernement au milieu des fêtes de Noël. Selon des proches du président auprès de Politico, Elon Musk aurait agi seul et sans l'aval du président.
Quelques semaines plus tard, au moment pour Donald Trump d'annoncer un vaste projet d'intelligence artificielle à hauteur de 500 milliards de dollars, Elon Musk n'a pu s'empêcher de critiquer l'autre homme au cœur de l'accord, Sam Altman, son rival de longue date de la Silicon Valley - sapant sérieusement l'effet d'annonce du patron et provoquant la fureur de ses conseillers.
Les tensions ont atteint leur paroxysme début mars, lors d'une réunion du cabinet durant laquelle le président américain aurait fini par désavouer le responsable du DOGE, du nom de l'organisation interministérielle temporaire créée pour alléger et rationaliser le gouvernement fédéral.
Selon la presse américaine, Donald Trump aurait affirmé au cours de cette réunion avec les hauts responsables de son administration qu'Elon Musk - présent dans la salle - était seulement habilité à formuler des recommandations aux ministères, mais surtout pas à prendre des décisions politiques.
La première mesure significative visant à restreindre le mandat du, jusqu'ici, tout-puissant «first buddy».
C'est peu de dire que les premières semaines de son mandat ont été agitées. Rythmées par les licenciements massifs, les mails de menaces, les coupes (parfois accidentelles) dans les effectifs de l'administration fédérale et un climat général de tension et de profonde incertitude.
Les efforts d'allégement de l'homme le plus riche du monde se sont heurtés à une farouche résistance devant les tribunaux - deux procès sont en cours pour contester les décisions de Musk, jugées inconstitutionnelles étant donné qu'il n'est pas formellement un fonctionnaire du gouvernement confirmé par le Sénat.
C'est sur fond de ce bilan mitigé que survient l'article de Politico, ce mercredi. Selon la journaliste politique Rachael Bade, Donald Trump aurait «déclaré à son entourage, y compris aux membres de son cabinet, qu'Elon Musk se retirerait dans les semaines à venir de son rôle actuel».
Un éloignement qui s'explique. Du côté de Donald Trump, le président serait de plus en plus soucieux des élections de mi-mandat de l'année prochaine et il a été sensible, glissent des initiés, à l'indignation massive suscitée par les coupes du DOGE. Un récent sondage de l'université Marquette montre qu'une majorité d'Américains désapprouvent le personnage d'Elon Musk, tout comme son travail au sein de l'organisation.
Malgré tout le dégoût qu'il peut inspirer, Elon Musk, lui, a traversé des mois difficiles. En assumant les aspects les plus controversés du programme de Donald Trump, c'est lui qui a encaissé les coups. «Elon, je veux te remercier, je sais que tu as traversé beaucoup d'épreuves», a reconnu le président lui-même, pourtant peu réputé pour son empathie, au sujet des menaces de mort et la campagne de destruction contre les voitures Tesla en cours ces dernières semaines.
Un rôle de «paratonnerre» auquel s'ajoute l'effet dévastateur du rôle d'Elon Musk dans l'administration. La plupart des analystes de Wall Street s'accordent sur le fait que les récents problèmes de Tesla et la baisse drastique de vente de ses voitures électriques peuvent être imputés aux activités politiques controversées de son PDG.
Là encore, Donald Trump en est conscient. Pas plus tard que ce lundi dans le Bureau Ovale, il reconnaissait, non sans un soupir: «Un jour, Elon voudra retourner dans son entreprise.»
Or, rappellent les médias de droite et les alliés de Donald Trump suite à la publication de ce «scoop» de Politico, le dernier jour d'Elon Musk à la Maison-Blanche est un fait établi depuis le début, conformément aux réglementations fédérales.
La porte-parole n'a pas tort. Elon Musk, qui évoquait en février auprès d'investisseurs un départ «dans environ quatre mois», a été officiellement embauché en tant qu'«employé spécial du gouvernement». Un rôle créé par le Congrès en 1962 qui permet au pouvoir exécutif ou législatif d'embaucher des employés temporaires pour des initiatives spécifiques à court terme - 130 jours maximum, pour être exact.
Ce qui, dans le cas de Musk, fixerait son départ au 30 mai, 130 jours après l'investiture du 20 janvier. Quant au DOGE, l'organisation devrait être dissoute le 4 juillet 2026, conformément au décret présidentiel.
Plus qu'une hypothèse donc, la fin de la collaboration entre Trump et Musk est une certitude que l'un et l'autre évoquent de plus en plus souvent en public. Jeudi dernier, lorsqu'un journaliste de Fox News rappelle au responsable du DOGE l'échéance fatidique et lui demande s'il pense «continuer au-delà», la réponse du milliardaire fuse:
Avant d'inscrire le dernier jour du patron de X à la Maison-Blanche dans notre agenda, cependant, prudence. Outre les personnalités tout sauf stables et prévisibles de ce couple hors du commun, des responsables de la Maison-Blanche et leurs alliés ont prédit en mars qu'Elon Musk était «là pour rester» et que le président trouverait certainement un moyen de contourner le délai de 130 jours.
Selon un haut responsable de l'administration auprès de Politico, Elon Musk conservera probablement un rôle de conseiller informel et continuera d'être un visage occasionnel dans les couloirs de la Maison-Blanche - quand un autre initié prévient que quiconque pense que le milliardaire disparaîtra complètement de l'orbite du président se «trompe».
Du côté de Donald Trump lui-même, qui continue publiquement à couvrir son «best buddy» de compliments, rien ne laisse supposer qu'il est prêt à couper le cordon. D'autant que ses éloges sont sincères, selon des «sources proches du dossier». Malgré leur relation mouvementée, tout le monde insiste sur le fait que le président gardera «toujours une place spéciale pour Musk dans son cœur».
Comme toute passion destructrice, la saga amoureuse entre les deux hommes les plus puissants des Etats-Unis ne fait peut-être... que commencer.