C'est un des rêves d'Elon Musk, dont il parle ouvertement depuis plus de dix ans maintenant: envoyer des humains sur Mars. La planète rouge l'obsède et il ne la cache pas. Le patron de SpaceX a prévu d'envoyer les premiers vaisseaux spatiaux Starship vers Mars dans deux ans, d'abord sans équipage.
Puis, si les atterrissages — ou plutôt, amarsissages — réussissent, des vols habités sont prévus. Ils pourraient avoir lieu dans les quatre ans. A partir de là, le «nombre de vol devrait croître de manière exponentielle», explique Musk. Le but? Voir la première colonie autosuffisante sur Mars d'ici à environ 20 ans.
Mais tous ces plans titanesques sont-ils vraiment réalisables? Un fact-checking avec le planétologue Nicolas Thomas, du Space Research & Planetary Sciences de l'université de Berne.
Mars présente de nombreuses conditions qui en feraient un bon endroit pour la colonisation, voire le seul endroit possible dans le système solaire en dehors de la Terre. Elle se situe à 225 millions de kilomètres du soleil, a à peu près la même durée journalière que la terre et est bien éclairée par notre étoile.
Il y a en outre de l'eau gelée sur la planète, qui pourrait être utilisée pour produire de l'eau potable et même du carburant pour les fusées. Plusieurs autres éléments chimiques pourraient être extraits et exploités, notamment le carbone, l'hydrogène, l'azote, l'oxygène, le phosphore et le soufre.
Conclusion: réaliste, du moins à court terme.
Le vaisseau spatial Starship et la fusée Super-Heavy de SpaceX sont réutilisables. Ce lanceur, le plus puissant du monde, peut transporter jusqu'à 150 tonnes en tant que fusée réutilisable et 250 tonnes en tant que fusée jetable.
Les voyages de la Terre vers Mars seraient possibles tous les deux ans, car la distance entre les deux planètes varie fortement. Selon Nicolas Thomas, il serait judicieux d'établir tout d'abord le fret et le transport de provisions en orbite lunaire, avant de les acheminer de manière échelonnée vers Mars.
Conclusion: réaliste
Starship pourrait utiliser des véhicules-citernes en orbite lunaire basse pour ravitailler Starship avant son départ pour Mars. Ce remplissage en orbite permettrait de porter la capacité de transport jusqu'à 100 tonnes vers Mars. Selon Nicolas Thomas, ce scénario est tout à fait plausible.
Conclusion: réaliste
Le module d'amarsissage entrerait dans l'atmosphère martienne à une vitesse de 7,5 kilomètres par seconde et devra alors fortement ralentir. Le bouclier thermique du vaisseau est alors extrêmement sollicité. SpaceX assure cependant qu'il pourrait supporter plusieurs amarsissages.
Pour Nicolas Thomas, cela ne pose pas non plus de problème. De précédents alunissages de rovers et de missions sur Titan, la lune de Saturne, l'ont prouvé. Les entreprises suisses Apco et Contraves ont par ailleurs participé à ces boucliers thermiques.
Conclusion: réaliste
Pour les colons martiens, les radiations sont un ennemi invisible, mais redoutable. Nicolas Thomas, spécialiste en sciences spatiales, explique que l’exposition aux radiations commence dès le voyage vers Mars, où elle est encore plus problématique que sur la planète rouge elle-même. Actuellement, des recherches sont en cours pour développer des solutions innovantes, comme des médicaments anti-radiations, des compléments alimentaires pour préserver la santé osseuse en apesanteur ou encore des combinaisons spéciales favorisant la circulation sanguine.
Sur Mars, la situation ne s’améliore pas vraiment. Contrairement à la Terre, où la magnétosphère et une atmosphère dense nous protègent des radiations cosmiques, la planète rouge n’offre qu’une atmosphère 100 fois moins dense et aucune magnétosphère globale pour bloquer ces rayonnements nocifs. Selon notre expert, l’une des solutions envisageables serait d’utiliser le relief naturel de Mars pour se protéger. Les astronautes pourraient également construire des abris artificiels équipés de systèmes de protection contre les radiations.
Sur Mars, le rayonnement pourrait être possible localement en utilisant le terrain local et des blindages artificiels, affirme Thomas. La biologiste américaine Kelly Weinersmith a passé au crible la vision martienne de Musk dans le magazine spécialisé New Scientist. Elle écrit que les Martiens devraient probablement s'installer dans des grottes creusées par des coulées de lave. Ou construire des abris avec des matériaux qui en proviennent. Ce matériau de construction provenant de la Terre martienne, appelé régolithe, est toutefois chargé de produits chimiques nocifs, des perchlorures.
Conclusion: irréaliste
Le réchauffement de l'atmosphère, nous le connaissons bien sur Terre avec les gaz à effet de serre. Thomas renvoie à une étude de Chris McKay du «Nasa Ames Research Center», qui est arrivé à la conclusion que l'utilisation de perfluorocarbures pourrait réchauffer l'atmosphère de Mars. Il s'agit de super gaz à effet de serre qui, selon McKay, pourraient réchauffer Mars de la manière la plus pratique qui soit et comprimer son atmosphère de manière à ce que l'eau liquide reste stable à la surface.
Selon SpaceX, réchauffer l’atmosphère du «Mars glacial» serait la clé pour rendre la planète habitable à long terme. Une idée soutenue par une étude de Chris McKay du NASA Ames Research Center, qui propose l’utilisation de perfluorocarbures (PFC), des gaz à effet de serre surpuissants. Leur diffusion pourrait augmenter la température martienne et densifier son atmosphère au point de permettre la présence stable d’eau liquide à la surface.
Le hic? Beaucoup d’experts jugent cette idée de «terraformation» irréaliste. Pourquoi? Le processus nécessiterait la fonte des calottes polaires martiennes pour libérer le CO₂ qu’elles contiennent. Mais même en exploitant tout ce gaz, il n’y aurait pas assez de CO₂ sur Mars pour un effet significatif.Conclusion : Réchauffer Mars, c’est irréaliste, sauf à très petite échelle, dans des environnements clos.
Conclusion: réchauffer Mars, c’est irréaliste, sauf à très petite échelle, dans des environnements clos.
SpaceX affirme qu’il serait possible de cultiver des plantes sur Mars. En théorie, c’est réalisable dans des systèmes fermés, où l’eau et une atmosphère locale plus dense pourraient être créées à partir des ressources martiennes. Mais il y a un vrai problème, explique Nicolas Thomas:
Ces perchlorures présents dans le sol martien provoquent des problèmes de thyroïde. Et les plantes qui grandissent dans un sol contenant du perchlorure intègrent les polluants. L'eau et le sol martien devraient donc toujours être décontaminés avant d'être utilisés.
Conclusion: réaliste, mais uniquement dans des systèmes écologiques fermés
Après le premier atterrissage de la sonde Viking sur Mars en 1976, on parlait déjà de missions habitées dans les 30 années à venir. Entre-temps, la technologie a certes beaucoup évolué, mais les coûts ont explosé. Mettre une personne en orbite autour de la Terre coûte actuellement entre 50 et 100 millions de dollars. «C'est un non-sens», dit Nicolas Thomas.
Mais pour qu'une mégapole devienne autosuffisante, il faudra surmonter bien d'autres obstacles, comme:
Conclusion: impossible
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)