Agir vite et frapper fort. En quelques heures, Donald Trump a jeté des noms dans l'arène politique, comme de la viande avariée dans la gueule de la démocratie américaine. Le casting de ce qui est censé représenter la prochaine administration Trump est si improbable que les commentateurs et les élus de tous bords hésitent entre pleurer du sang et pouffer d'effroi.
Le recrutement a été mené avec un tel empressement qu'on ne sait plus où donner de la tête. La «petite fille de Poutine» (Tulsi Gabbard) à la tête des agences de renseignement? Le Ken militaire et télégénique (Pete Hegseth) à la Défense? La poupée au lance-flamme (Kristi Noem) pour les frontières? Le poseur de bombe d'extrême droite qui collectionne les photos de mineures (Matt Gaetz) au sommet de la Justice? L’antivax au «cerveau rongé» à la Santé? Oui, c'est beaucoup d'informations en une petite semaine.
Bien sûr, la grosse majorité des toutous du milliardaire n'ont pas la légitimité et encore moins les compétences nécessaires pour assumer la tâche qui les attend. Donald Trump n'a pas attendu les analyses horrifiées de ceux qui savent mieux que lui pour s'en rendre compte. Leur plus grand talent? La loyauté envers sa propre personne. Une entreprise de fidélisation de son entourage qu'il dirige comme une secte depuis près de quatre ans, en vue d'emménager à la Maison-Blanche une deuxième fois.
Tout comme lui en 2016, ces étranges ministres en devenir n'ont aucune idée du fonctionnement de l'administration fédérale. Un détail. Tel le bricoleur du dimanche, Trump croit en l'adage qui voudrait que, pour connaître quelque chose, il faut le démonter et le remonter. Et si tout se déroule selon son plan, la machine à laver américaine promet d'avoir une sale tronche en janvier prochain.
Vengeance et chaos. On le sait au moins depuis l'annonce de sa candidature, Donald Trump est guidé par des émotions qui ne disent rien qui vaille, lorsqu'on prend finalement la tête de la plus grande puissance mondiale. Ingérable? Inconsistant? Narcissique? Belliqueux? Manipulateur? Pour ceux qui auraient dormi ces vingt derniers mois, le casting qu'il vient de proposer à l'Amérique n'est que la première incarnation de ce qu'il promet (menace?) d'entreprendre depuis sa défaite en 2020.
Ces pseudos ministres, qu'on croirait tout droit débarqués d'un cirque désaffecté, ont d'abord aidé Donald Trump à vaincre Kamala Harris. Leur faire miroiter un département revient à féliciter un chiot pour avoir déféqué au bon endroit. Car soutenir Trump jusqu'à l'os était un pari risqué. Suffisant pour pousser des carrières dans l'oubli. Une victoire des démocrates le 5 novembre et tous ces apôtres n'auraient sans doute eu droit qu'à un coup de fouet du parti républicain.
En choquant volontairement ses ennemis (y compris à l'intérieur de son camp), le futur président des Etats-Unis dégaine un coup de pression. Trump a pissé sur la moquette du Bureau ovale avant même d'y ranger ses Diet Coke. Désire-t-il sincèrement s'entourer de cette armée de clowns pour diriger le pays? Oui, sans doute. Y tient-il plus que tout? Of course, not. Lui seul compte.
C'est pour cette unique raison que la menace d'une levée de boucliers du Sénat à ce casting improbable n'aura jamais les conséquences que les anti-Trump espèrent déjà. Certains feront long feu, d'autres des dégâts. Si la chambre haute a effectivement de bonnes chances de s'opposer à plusieurs nominations, y compris des républicains, le milliardaire a bien assez d'apôtres qui campent à Mar-a-Lago depuis deux semaines pour se retourner sans risquer la crise existentielle.
On pourrait même parier que les élus les plus improbables ont été remerciés par un cadeau empoisonné, histoire de détourner l'attention du vrai danger: ceux qui devraient passer la rampe devant le Sénat et ceux qui n'auront qu'un (puissant) rôle de consultant. Du futur directeur de la CIA et principale plume du «Projet 2025», John Ratcliffe, à Elon Musk, le nouvel amant de Donald Trump qui promet d'éventrer l'administration américaine comme il a purgé les effectifs de Twitter.
Si cet affreux musée des erreurs, digne des infréquentables de la série The Boys, est une suite logique à la campagne et à l'élection du milliardaire républicain, il n'est sans doute pas le danger le plus sérieux pour la pérennité des institutions américaines.