Une séquence filmée à la Maison-Blanche a récemment suscité l’attention des internautes et des médias. On y voit une personne saisir un objet et le jeter par la fenêtre, sous le regard de caméras de surveillance et alors que le bâtiment est supposé être hautement sécurisé.
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— Silvano (@Silvano29360) September 1, 2025
What are they throwing out of the White House windows???
Donald Trump flew out the window. Or was he thrown out? That is the question.
Donald Trump, sans même avoir regardé la vidéo au préalable, a immédiatement déclaré qu’il s’agissait probablement d’une création générée par l’intelligence artificielle.
Pourtant, le service de presse de la Maison-Blanche avait confirmé le jour d'avant que la vidéo était authentique. Selon le communiqué, il s'agissait simplement d'un «entrepreneur effectuant des travaux de maintenance réguliers pendant l'absence du président».
SO! Donald Trump is claiming that the viral video showing a trash bag being thrown out of the White House window was “probably A.I. generated.”
— Lucas Sanders 💙🗳️🌊💪🌈🚺🟧 (@LucasSa56947288) September 2, 2025
Is he LYING? 🤨
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La sortie de Donald Trump s’inscrit dans une stratégie plus large du président, qui semble avoir trouvé une nouvelle astuce pour remettre en question certains faits. L'excuse «C’est de l’IA» pourrait-elle être la fake news 2.0 de Donald Trump?
Boris Vejdovsky, professeur de littérature et de culture américaine à l’Université de Lausanne, identifie une nuance entre les deux formulations:
Depuis près d’une décennie, Donald Trump s’illustre par son habitude de brouiller les frontières entre info et intox. Dès 2016, l’expression devenue culte incarnait déjà sa volonté de délégitimer certains propos. Cette stratégie lui a permis non seulement de décrédibiliser ses adversaires politiques et une partie de la presse (en qualifiant par exemple Hillary Clinton de menteuse chronique et en taxant CNN de «fake news»), mais aussi d’imposer son propre cadre narratif dans l’espace public.
Pour Boris Vejdovsky, cette stratégie n’a rien d’étonnant: «On voit déjà cette tendance dans beaucoup de régimes autoritaires. Le pouvoir, c’est l’autorité sur l’information et la réalité. Le chef parle et c’est vrai: il est l’émanation de la vérité, il est le mot, la parole devenue chair».
Mais alors, quels sont les risques lorsqu’une IA est utilisée comme bouclier contre la vérité? Selon le spécialiste, le vrai danger réside dans le décalage entre la lenteur de la vérification et la rapidité de diffusion des contenus générés par IA.
Pascal Wagner-Egger, chercheur en psychologie sociale à l’Université de Fribourg et spécialiste des théories du complot, souligne les difficultés à venir pour le grand public:
Il affirme en outre que «l’IA va changer notre manière de consommer l’information. Les partisans complotistes de Trump continueront d’exploiter des contenus douteux ou d’en être les victimes, mais cette prolifération pourrait aussi rendre le public plus prudent».
Si la nouvelle fake news s’arme désormais de l’IA pour décupler sa force, le public doit aussi faire face à une zone grise inédite: celle où l’authenticité d’un contenu peut être contestée (encore plus facilement) d’un simple revers de main.
Dans ce contexte, Donald Trump a choisi de miser sur l’intelligence artificielle non seulement comme une menace, mais aussi comme un moteur économique. En lançant des projets massifs, comme Stargate, une nouvelle infrastructure IA estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars, ou encore son plan d’action visant à accélérer l’innovation et la construction de centres de données, il présente cette technologie comme une clé pour créer des emplois et affirmer la puissance des États-Unis sur la scène mondiale.
Cette approche traduit une double stratégie politique: tirer parti de l’engouement pour l’IA, dans le but de stimuler l’économie du pays, tout en se servant de cet outil pour contester ou réinterpréter des faits jugés encombrants.
Reste une question centrale: quel rôle jouera l’IA dans l’évolution de notre futur rapport à l’information? Pascal Wagner-Egger relativise les craintes pour l’avenir:
Toutefois, le spécialiste souligne l’importance des stratégies de «pré-bunking», qui consistent à sensibiliser en amont le public aux dangers de la manipulation par l’IA. «Cela ne résout pas tout, mais peut limiter l’impact de la désinformation.»