C'était un score fabuleux, éclatant, écrasant, pétaradant, exorbitant, ahurissant. Bref, un score qui dépassait même ses propres attentes. Si implacable, irrévocable, qu'on aurait bien pardonné (pour une fois) à Donald Trump d'envoyer une poignée de piques assassines et moqueuses à ses concurrents. Loin, très loin derrière lui. Nikki Haley et Ron DeSantis.
Eh bien, pas du tout. Rien. Nada. Pas même un petit surnom moqueur. Pas l'ombre d'un «Nikki cervelle d'oiseau» ou d'un «Ron boulette de viande». Au contraire, c'est un discours au ton inhabituel, presque magnanime, qu'a prononcé le candidat républicain après l'annonce des résultats du premier caucus de l'Iowa.
Un ton que nous n'irons pas jusqu'à qualifier de «rassembleur» - on connait le sens du trolling de Donald Trump et ce petit sourire narquois qui en dit long. Il n'a toutefois échappé à personne que l'ancien président a évité soigneusement de plonger tête la première dans son flot d'insultes habituelles, contre l’un ou l’autre de ses concurrents.
Si le speech initial prévoyait des attaques plus saillantes dans la mâchoire et l'ego de ses adversaires, un changement notable a été décidé à la dernière minute, selon des initiés. C'est Donald Trump lui-même qui a choisi d'adapter son discours, avec quelques notes à la main. «Il avait préparé quelques remarques, et il les a abandonnées pour ce discours-là», glisse un conseiller de la campagne Trump au Daily Beast.
Donald Trump a bien compris l'utilité de maintenir et d'encourager deux adversaires à rester dans la course – en se gardant, surtout, de concentrer l'attention sur l'un d'eux.
Pour l'instant, c'est du gâteau. Ron DeSantis, tout comme Nikki Haley, refusent obstinément de lâcher l'affaire. Faute de pouvoir viser une première place parfaitement inaccessible, tous deux se disputent avec acharnement la médaille d'argent.
Encouragée par de timides poussées dans les sondages au cours des dernières semaines, la campagne de Nikki a dépensé des centaines de millions de dollars dans l'Iowa. Sans grand succès. «L'équipe de Nikki est devenue cupide. Ils ont commencé à déraper et à commettre des erreurs. Et ils ont rouvert la porte à Ron», juge avec satisfaction un conseiller de Ron DeSantis.
Résultat: avec 21% des voix pour lui et 19% pour elle, les deux concurrents pour la seconde place du classement ont terminé dans un mouchoir de poche. Une petite victoire dont chacun s'est réjoui de son côté. Un maigre encouragement.
Avant de se retrouver à court de soutiens et de financement, Nikki Haley et Ron DeSantis sont déterminés à poursuivre la campagne jusqu'au bout. Prêts à se disputer les faveurs des mêmes électeurs républicains, sceptiques ou las devant le chaos de Donald Trump. Quitte à se saboter tous les deux et priver les républicains d'un autre choix. Un seul, un vrai, à même de remporter la nomination du parti républicain.
Dommage. En Iowa, il aurait fallu de peu pour déstabiliser l'avance écrasante de Donald Trump. Si Nikki Haley avait émergé comme la seule alternative du côté républicain, l'histoire aurait pu être très différente dans le prochain Etat de la primaire, le New Hampshire, où Donald Trump ne bénéficie «que» 47% d'opinion favorable chez les électeurs potentiels. Une brèche dans laquelle aurait pu s'engouffrer Haley. C'est sans compter que, depuis sa victoire, Ron DeSantis a nettement progressé, pour se poser à la seconde place dans les intentions de vote de l'Etat conservateur.
Les deux éternels seconds semblent condamnés à se disputer les miettes. Pendant ce temps, Donald Trump s'assure de s'épargner un désagréable face-à-face avec un concurrent. En attendant la primaire du New Hampshire le 23 janvier, il n'a qu'à laisser Haley et DeSantis se chamailler dans la cour de récré, pendant qu'il se concentre sur les Etats suivants.
Et il semble déjà de plus en plus probable que Ron DeSantis et Nikki Haley finissent à une faible distance de frappe l’un de l’autre, la semaine prochaine. Ce sera autant d'énergie perdue si tous deux décident de poursuivre dans un troisième Etat, la Caroline du Sud, le 24 février.
A supposer qu'un vainqueur finisse enfin par sortir, ce candidat aurait moins de deux semaines pour se concentrer sur Donald Trump avant le «Super Tuesday». L’un de ses principaux atouts. Ce 5 mars, près d'une dizaine d'Etats voteront simultanément pour leur candidat favori. Autant d'Etats où, pour le moment, Donald Trump règne sans partage dans les sondages. La voie ouverte vers une nomination officielle et l'élection présidentielle... Et ce, avant même qu'on assiste à une véritable course en tête-à-tête.