«L'humiliation finale.» C'est en des termes ô combien délicats que le Daily Mail titrait ce week-end sur la mission de Kamala Harris ce lundi. Une simple formalité qui relève surtout de la cérémonie. La dernière étape du processus d’élection d’une nouvelle administration. Mais aussi un (très) mauvais moment à passer pour l'ancienne prétendante à la présidence: la certification du vote du Collège électoral, qui doit entériner la victoire de Donald Trump.
En effet, en vertu du douzième amendement, c'est au vice-président des Etats-Unis qu'il incombe de certifier l’élection, en sa qualité de patron du Sénat. Kamala Harris a donc dû non seulement certifier sa propre défaite, mais aussi le triomphe de la personne qu'elle apprécie le moins sur Terre - Donald Trump.
Des circonstances «douloureuses et gênantes» pour une candidate qui avait passé sa campagne à dénoncer son concurrent comme une menace urgente pour la démocratie américaine, commente sobrement la BBC.
Kamala Harris rejoint ainsi un club restreint et, avouons-le, plutôt misérable, des vice-présidents contraints d'entériner leur échec. Une triste coïncidence qui ne s'était pas produite depuis vingt ans, lorsque le vice-président Al Gore, perdant face à George W. Bush, était monté à la tribune de la Chambre des représentants pour certifier la victoire de son rival, le 6 janvier 2001.
Un moment d'autant plus cruel pour le démocrate qu'il avait remporté le vote populaire. Un unique Etat, la Floride, avait permis de faire basculer le vote du Collège électoral.
Pour ne pas avoir à subir cette humiliation, en 1969, le vice-président démocrate Hubert Humphrey avait refusé de se présenter à la cérémonie de certification de son adversaire, Richard Nixon, préférant refiler cette corvée à un président pro tempore désigné pour l'occasion.
Avant lui, en 1960, le même Richard Nixon (alors vice-président de Dwight D. Eisenhower) avait dû signer les résultats de sa défaite face à John F. Kennedy.
En ce qui concerne Kamala Harris, la vice-présidente de Joe Biden ne s'est pas défilé. La porte-parole de la Maison-Blanche a affirmé à la presse vendredi qu'elle s'attendait à ce que Kamala Harris participe à la session conjointe du Congrès, ce lundi. «Je crois que c’est son plan.»
Ses assistants ont également insisté sur le fait qu'elle accomplirait son devoir constitutionnel et légal avec «sérieux et grâce».
En effet. On a tendance à l'oublier, mais si cette certification relève de la «routine», il existe de nombreuses occasions de déstabiliser le processus. En particulier si la personne en charge de cet acte ministériel y voit un enjeu beaucoup plus «personnel». Ce fut le cas en 2020, lorsque le président Donald Trump a fait pression sur son vice-président, Mike Pence, pour qu’il annule les résultats et le déclare vainqueur face à Joe Biden.
Le refus de ce dernier de torpiller l'élection présidentielle avait fini par jeter une foule de trumpistes et de manifestants en colère sur le Capitole, le 6 janvier 2021, jour de la certification de la victoire de Joe Biden.
Interrompue pendant plusieurs heures, la séance de certification avait finalement pu reprendre qu'aux premières heures du jour, confirmant la victoire électorale de Joe Biden un peu après 3h30 du matin. Cette sinistre expérience avait poussé le Congrès à mettre à jour la loi sur le décompte des voix, pour clarifier un point: le vice-président n'a pas le pouvoir de trancher les litiges concernant les électeurs et n'est là que pour annoncer le résultat.
De même, Kamala Harris entendait bien accomplir son devoir en 2025. Un respect des institutions qui n'a pas rendu pas la cérémonie plus facile pour la vice-présidente et bonne perdante - qui médite d'ores et déjà sur la possibilité de retenter sa chance en 2028.