L'Hypomesus transpacificus fait suer l'extrême droite américaine. Mieux connu sous le nom d'éperlan du delta, ce petit poisson donne carrément de l'urticaire à Donald Trump, qui en fait une affaire personnelle depuis bientôt dix ans. S'il ressort les branchies de l'eau ces derniers jours, c'est que cet osmeridae serait responsable de la «gestion calamiteuse» des incendies de Los Angeles par les démocrates. Jugez plutôt:
Entre deux départs d'incendies, le gouverneur de Californie s'est effectivement retrouvé au cœur d'une campagne de haine politique, accusé par les trumpistes d'avoir mis en place une politique de protection de l'éperlan du delta, qui affecterait la quantité d'eau pouvant être pompée hors du delta de Sacramento-San Joaquin.
Alors que les trois réservoirs d'eau de Los Angeles ont été mis à rude épreuve pendant trois jours, à cause d'une forte demande localisée, les militants MAGA se sont contentés de s'acharner sur ce petit poisson «sans valeur», emblème d'une défaillance démocrate chronique.
This is the fish Gavin Newscum burned California down in order to save. pic.twitter.com/4y3iRtBZ3t
— Roger Stone (@RogerJStoneJr) January 9, 2025
Pourquoi? Parce que Donald Trump n'a pas complètement tort. Une partie de l'eau qui provient des rivières de Sacramento et de San Joaquin est conservée jalousement dans le nord du Golden State pour chouchouter la biodiversité et... notamment, l'éperlan du delta. Un poisson que les scientifiques connaissent encore très peu, mais qui est en voie d'extinction.
C'est ensuite que le raisonnement MAGA trébuche, car l'eau qui ne peut pas être pompée n'assoiffe pas la région de Los Angeles et n'est pas responsable du chaos actuel. Le Washington Post est allé jusqu'à déranger un ingénieur du Public Policy Institute of California pour s'en assurer.
Pour les scientifiques, sachez que ce poisson mesure entre 5 à 7 cm et que son espèce est «indicatrice de la santé globale de l'écosystème du delta». En gros, si l'éperlan va bien, son habitat aussi. Le problème, c'est que les administrations successives n'ont évidemment pas les mêmes objectifs, en ce qui concerne les animaux en voie de disparition, mais aussi la distribution l'eau. Si Donald Trump avait assoupli la réglementation en 2019, Joe Biden a très récemment resserré la vis.
En réalité, ce n'est pas que par empathie pour les réservoirs de Los Angeles que l'extrême droite américaine grogne. Dans la guerre de l'eau qui fait rage en Californie, les agriculteurs sont tout aussi remontés contre l'éperlan avec lequel ils sont contraints de partager l'or bleu. Des rednecks qui partagent d'ailleurs l'avis de Trump sur ce poisson qui «ne sert à rien». En résumé, la gestion de l'eau est un marronnier politique en Californie, dans lequel trois politiques se tirent la bourre: agricole, environnementale et gestion des incendies.
Parmi les fantasmes de Donald Trump au sujet de la Californie, il y a aussi un système de canalisation qui... n'existe pas. Dans son esprit, un immense toboggan, qui partirait du nord-ouest du Pacifique pour atterrir au sud de la Californie, est volontairement maintenu fermé par les autorités démocrates.
Selon le futur président des Etats-Unis, ce gros robinet permettrait d'armer la Cité des anges contre les incendies: «Il n’existe en effet aucun système de dérivation de ce type et aucun n’a été sérieusement proposé à ma connaissance», répondait un climatologue de l'Etat de l'Oregon, dépêché par la chaîne Koin 6. De son côté, Tricia Stadnyk, professeure en génie environnemental à l'Université de Calgary, avait considéré à l'époque, sur CTV News, que Donald Trump «ne comprend pas le fonctionnement de l'eau et qu'il ne saisit pas les subtilités de sa répartition».
Le fait que le clan du milliardaire s'acharne sur les politiques démocrates avec des informations inexactes pourrait lui jouer des tours. Car Gavin Newsom et la Californie, comme toujours lors d'une catastrophe, ne sont pas à l'abri d'une enquête qui révélerait de véritables erreurs ou manquements dans la gestion de l'incendie le plus dévastateur de l'histoire de Los Angeles. Brandir un poisson, mais également le wokisme pour justifier le désastre et les morts, n'aidera personne à y voir plus clair ces prochaines semaines.