The Palisades, «Pali», pour les surfeurs et les locaux, c'est la promesse d'une oasis. «Le meilleur des deux mondes», soufflait en 2020 Dan Urbach, un agent immobilier et résident du quartier, au New York Times.
Jugez plus tôt: un écrin de verdure sillonné de canyons et de falaises à la végétation luxuriante, doté de sources souterraines, de ruisseaux sinueux et de recoins préservés regorgeant d'animaux sauvages. Un climat délicieux. L'un des rares quartiers de Los Angeles à offrir à la fois un accès direct aux montagnes et à la plage, à des sentiers de randonnée et à des spots de surf.
Une «cité-dortoir discrète», à l'ambiance feutrée de petite-ville, où les voisins se rassemblent pour la parade annuelle du 4 juillet, pour le barbecue le vendredi soir et pour échanger des potins au marché fermier le dimanche. Une ville à taille humaine de 24 000 habitants, suffisamment loin de la mégapole pour rester sereine, mais suffisamment proche pour profiter des plaisirs de la Cité des Anges.
Pacific Palisades, c'est aussi un petit centre-ville piéton (une rareté, à LA), avec ses boutiques, ses cafés, ses épiceries et ses restaurants italiens en abondance, disséminés autour d'un point d'ancrage, le Palisades Village, un centre commercial tout neuf ouvert en 2018, qui fait la joie des adolescents après les cours.
Un calme presque ronronnant qui n'empêche pas Pacific Palisades de conserver son attrait culturel. Refuge pour de nombreux artistes juifs allemands et autrichiens dans l'Allemagne d'avant-guerre, ses rues servent encore fréquemment de décor pour des productions hollywoodiennes. Ses célèbres vagues ont été célébrées par les Beach Boys dans Surfin' USA. Le comédien Jerry Lewis y a vécu et en a été maire honoraire, et la série télévisée éponyme Pacific Palisades a été produite par Aaron Spelling.
Quant à son lycée, Palisades Charter High School, il a abrité les tournages du film d’horreur Carrie en 1976, Freaky Friday en 2003 et, plus récemment, la série Teen Wolf, au début des années 2010.
Ici, tout le monde se sent bien. A commencer par les célébrités en quête de protection et de vie privée dans un coin moins exposé que les quartiers de Brentwood, Malibu ou de Bel Air. Derrière les hautes haies taillées au rasoir, Reese Witherspoon, Ben Affleck, Jennifer Garner, Steven Spielberg, Billy Crystal ou encore le chef de file du groupe Maroon 5, Adam Levine, ont tous trouvé refuge.
Car le paradis sur Terre se paie rubis sur l'ongle. La valeur moyenne d'une maison à Pacific Palisades est de 3,4 millions de dollars. Avant la catastrophe, près de 16 maisons sur le marché étaient évaluées à 10 millions de dollars ou plus à Pacific Palisades, selon le Wall Street Journal. La plus chère, une villa contemporaine, était estimée à près de 60 millions de dollars.
Ce qui n'est pas pour décourager les familles aux revenus plus «modestes», prêtes à mettre un ou deux millions sur la table pour s'offrir le luxe d'emmener leurs enfants à pied à l'école dans une bonne école publique. A l'instar de Nathan Miller et Emily Kane Miller, jeunes parents et entrepreneurs, qui, à l'aube de la pandémie de Covid-10, en février 2020, confiaient au New York Times leur joie à l'idée de s'établir dans la ville.
L'histoire ne dit pas où se trouvaient les Miller et leurs enfants, ce 7 janvier 2025, lorsque le premier incendie d'une série de quatre s’est déclenché entre les collines de Pacific Palisades. Un quartier préservé où aucun feu de forêt n'avait été enregistré depuis des décennies.
36 heures plus tard, la plupart des bâtiments du paradis ont été rasés du sol au grenier. L'incendie n'aura épargné aucun bâtiment, des habitations aux commerces, en passant par les églises.
Plus de 1100 infrastructures ont été détruites par l'incendie «le plus destructeur de l'histoire de Los Angeles», selon les données de CalFire. Ainsi que le plus coûteux, ajoute le climatologue à l'Université de Californie Daniel Swain, sur CNN.
La maison d'Anthony Hopkins, 87 ans, résident de longue date de Pacific Palisades, a été réduite à un tas de décombres. Un court de tennis est tout ce qui reste sur la propriété de Billy Crystal, 76 ans, selon des photos publiées par Page Six.
«C’était la paralysie totale», témoigne Garret Gray, président d'une société d'assurance au WSJ, évacué avec ses trois enfants mardi.
«Je n'ai pas vraiment pensé qu'hier, alors que j'étais en train de préparer ma voiture, je ne pourrais même pas revenir le lendemain. Alors oui, c'est dur», confie pour sa part Josh Daneshard, un habitant de la ville, à la chaîne locale KSBY.
Deux jours ont suffi à rayer de la carte la communauté idyllique de Pacific Palisades, à l'exception de quelques cheminées en briques ou escaliers en métal, solitaires et maladroits au milieu des ruines. Il ne reste rien du lycée ni du centre commercial. Tout comme de l'épicerie ou du Starbucks au centre-ville. Un paradis devenu lieu de mémoire.