«Il est temps de lâcher une énorme bombe.» Au milieu du coup d'éclat d'Elon Musk et de ses attaques virulentes contre Donald Trump, un nom est lâché. Jeffrey Epstein. Un nom sulfureux, entaché par la disgrâce, le scandale. Le milliardaire condamné pour trafic sexuel sur mineur a été retrouvé pendu en prison en 2019 - au milieu du premier mandat présidentiel de Donald Trump.
Il n'en fallait pas plus pour susciter les spéculations et les conspirations les plus folles. Pourquoi l'administration Trump, qui a promis de publier les fameux dossiers liés à cette affaire, a-t-elle tant tardé ces derniers mois? Aurait-elle des choses à cacher?
Dans les années 80 et 90, Donald Trump et Jeffrey Epstein sont plus que deux figures new-yorkaises éminentes, gravitant dans les mêmes cercles de pouvoir et d'affaires. Ils ont été amis. Pour autant qu'on puisse avoir des «amis» dans cet univers impitoyable. En 2002, Donald Trump affirmait ainsi:
Selon Jeffrey Epstein lui-même, dans une interview réalisée en 2017, les deux hommes ont tout partagé: les trajets en avion, les déjeuners, les stratégies d'affaires et, surtout, les femmes. A l'époque de cet entretien avec le biographe Michael Wolff, le milliardaire est encore un homme libre. Il mourra en prison deux ans plus tard, après son arrestation par le FBI pour avoir supposément dirigé l'une des opérations de trafic sexuel les plus prolifiques de l'histoire des Etats-Unis.
Dans ces enregistrements, Jeffrey Epstein dresse un portrait complexe de son ancien ami. A la fois «charmant» et «horrible». Donald Trump serait colérique, exigeant. Très seul, aussi. «Il hurle, il fait des crises. Comme un gosse de neuf ans. Si tu ne le comprends pas, c’est effrayant. Sinon, c’est juste ridicule.»
A ses yeux, Donald Trump, c'est un «analphabète fonctionnel», certes doté d'un talent incomparable pour la vente, mais tout juste bon à lire la rubrique potins de Page Six. Incapable de lire un bilan comptable. Ni de faire preuve de la moindre bonté. «C’est un être humain horrible. Il fait des choses dégueulasses à ses meilleurs amis, à leurs femmes, à ceux qu'il tente de manipuler.»
Ce qui n'empêche pas l'homme d'affaires de décrire également leurs années d'amitié, rythmées par une soif de conquête féminine effrénée. En compétition pour séduire jusqu'à Lady Di, ils développent des stratagèmes astucieux pour mettre les femmes des autres dans leur lit. «Il adorait baiser les femmes de ses meilleurs amis», lâche le milliardaire sur la bande sonore.
Paradoxalement, Donald peut également s'avérer «charmant». «D’une manière sournoise». Il va jusqu'à saluer certaines politiques de l'homme qui vient, à l'époque, tout juste d'entamer son premier mandat présidentiel:
Proche du couple que Donald Trump forme avec le mannequin slovène et future première dame du pays, Melania Knauss, à partir de la fin des années 90, Jeffrey Epstein va jusqu'à affirmer:
Comme la plupart des amitiés de Donald Trump, l'idylle avec Jeffrey Epstein connaîtra une fin abrupte. Les deux compères se seraient brouillés en 2004, autour d'une rivalité immobilière et l'achat d'un somptueux manoir à Palm Beach. L’année suivante, le FBI ouvre sa toute première enquête sur Jeffrey Epstein.
Donald Trump se mue bientôt en l'un des plus virulents critiques du milliardaire, en public comme à huis clos. En 2009, alors que les investigations sur le financier se multiplient, il est la «seule personne» à accepter de parler avec Bradley Edwards, un avocat qui a représenté un certain nombre de victimes présumées de Jeffrey Epstein.
Un assistant de campagne du président en 2016, Sam Nunberg, a pour sa part décrété au Washington Post que Donald Trump avait un jour qualifié son ancien camarade de «vrai pervers» et, en conséquence, lui avait interdit l'accès à Mar-a-Lago. Sans oublier la célèbre phrase lâchée par le président après l'arrestation de Jeffrey Epstein, en 2019:
Interrogé sur la question en 2023, Donald Trump affirme encore: «C’était un bon vendeur, un gars chaleureux. Il possédait quelques jolies propriétés… Mais heureusement, je ne suis jamais allé sur son île.»
Little Saint James. L'île de tous les vices, où des centaines de jeunes femmes, mineures pour la plupart, auraient été emmenées pour satisfaire les désirs sexuels du milliardaire.
Des journaux de bord publiés pendant le procès de Jeffrey Epstein apportent toutefois une autre version. Le président aurait voyagé à bord du «Lolita Express», l'avion tristement célèbre d'Epstein, au moins sept fois. Sur un trajet entre New York et la Floride, il est accompagné de son ex-épouse Marla Maples et de leur fille Tiffany. Un autre journal mentionne son fils cadet, Eric.
Parmi les autres passagers notables: l'ancien président Bill Clinton, le ministre de la Santé Robert F. Kennedy Jr, le prince Andrew ou encore l'acteur Kevin Spacey.
Avant sa réélection en novembre dernier, Donald Trump a clamé qu'il n'aurait «aucun problème» à divulguer des dossiers relatifs à l'affaire, laissant entendre qu'il n'était pas préoccupé par leur contenu.
Les suggestions explosives d'Elon Musk, ce jeudi, sur le fait que le président américain pourrait figurer dans les dossiers Epstein, n'ont cependant rien d'anodin. Comme le rappelle le New York Times, cela fait des mois que l'administration est mise sous pression de l'altright et d'influenceurs pour publier les documents d'enquête liés au trafic sexuel de Jeffrey Epstein.
Depuis le suicide du milliardaire en prison, l'affaire affole et fascine les théoriciens du complot, qui tentent de relier les crimes du businessman disparu avec des politiciens et d'autres figures influentes.
Précisons que le simple fait d'être mentionné dans ces dossiers ne signifie pas forcément grand-chose. Rien ne prouve - encore - que Donald Trump ait participé à des activités criminelles avec son ancien camarade de sauteries. Les dossiers pénaux regorgent souvent d'identités de victimes, de témoins ainsi que d'autres personnes innocentes ayant été en contact avec des suspects dans une affaire. Prenez, par exemple, le nom du prince Harry cité dans le procès P. Diddy.
Concernant les dossiers Epstein, après avoir publié une première salve en février, le FBI et le ministère de la Justice ont retardé le processus de déclassification, pour la plus grande frustration des détectives autoproclamés d'Internet.
Alors que la date de publication de la «phase 2» reste incertaine, des élus démocrates se sont joints aux appels de plus en plus pressants pour publier la suite. Dans une lettre adressée ce jeudi à la procureure générale et au directeur du FBI, obtenue pour la première fois par Axios, des représentants ont réclamé de «clarifier immédiatement» si les allégations d'Elon Musk sont «vraies».
Mais alors? Pourquoi? Quelles sont les motivations d'Elon Musk? Et que sous-entend l'irascible patron de Tesla à l'ego blessé? D'autant que ce dernier a lui-même entretenu des liens avec Jeffrey Epstein. En 2014, il a été photographié lors d'une fête en 2014 aux côtés de Ghislaine Maxwell, la collaboratrice de longue date d'Epstein, condamnée en 2021 pour l'avoir aidé dans ses activités de trafic sexuel.
Interrogé par le Daily Beast jeudi, le biographe Michael Wolff, qui connait très bien l'affaire, a émis l'hypothèse que les dossiers Epstein pourraient effectivement receler d'éléments incriminants, photos ou documents, récupérés lors d'un raid du FBI au domicile de Jeffrey Epstein en 2019.
Le journaliste affirme avoir vu lui-même des preuves accablantes de ces années-là. Des images que Donald Trump ne voudrait sans doute pas voir rendues publiques. «J'ai vu ces photos. Je sais qu'elles existent et je peux les décrire», allègue Michael Wolff. «Il y en a une douzaine. Celles dont je me souviens particulièrement sont celles où l'on voit des filles seins nus, d'un âge indéterminé, assises sur les genoux de Trump.»
Alors que la Maison-Blanche ne s'est pas encore exprimée sur ce violet dans le clash Trump-Musk, une chose est sûre. Le parfum toxique et nauséabond de l'affaire Epstein est loin d'avoir fini de se répandre.