A Berne, la saga du F-35 est une affaire de contrats et de gros sous. Mais ailleurs dans le monde, les avions du constructeur Lockheed Martin ne font pas parler d'eux que pour des affaires de papier. La semaine dernière en Iran, plusieurs F-35 israéliens ont participé au bombardement des sites nucléaires du régime des Mollahs, signant ainsi une des premières actions intensives de combat de l'avion.
Mais ce n'est pas la première frappe d'un engin israélien. «Israël a déployé des F-35 dès mai 2018 pour des frappes dans le sud de la Syrie», note Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse (RMS+), favorable à l'achat du F-35 par Berne.
Mais l'ampleur de l'opération était plus élevée en Iran. Les avions israéliens avaient le contrôle de la supériorité aérienne. «Les avions de combat iraniens n'ont pas pu décoller pour tenter de les intercepter», explique-t-il, et d'ajouter:
Pour l'expert militaire, l'utilisation des facultés furtives du F-35 et l'absence de réaction iranienne montre la suprématie de l'appareil. «Le F-35 porte son armement dans des soutes ventrales et reste ainsi furtif», ou «faiblement observable», comme dit le jargon militaire, ce qui le rend «très difficile à cibler et à atteindre». Cette caractéristique permet à l'avion d'aller loin sur le territoire ennemi.
Cette caractéristique permet à l'avion d'étendre son rayon d'action et d'aller loin sur le territoire ennemi, «sans dégrader ses performances».
Il faut dire que la flotte iranienne est vieillissante ou n'est pas à jour. «Ils disposent d'avions russes Migs, de quelques Mirages français initialement vendus à l'Irak, mais leur chasseur le plus performant est... américain», lâche Alexandre Vautravers. Des F-14 Tomcats (les fameux avions de Top Gun) ont été livrés en grand nombre par les Américains au Shah d'Iran en 1978, peu avant la révolution islamique. Quelques-uns d'entre eux ont d'ailleurs été détruits au sol par l'armée de l'air israélienne.
L'Iran n'aurait-il pas pu se faire livrer des avions plus modernes de la part de son allié russe? «Plusieurs contrats ont été signés avec Moscou, qui devait fournir des Sukhoï-Su 35 dernier cri, mais aucun n'a encore été livré», indique le rédacteur en chef de la RMS.
Du côté américain, le Pentagone n'a pas confirmé stricto sensu que des F-35 ont accompagné les bombardiers B-2 lors de l'opération Midnight Hammer, pour aller larguer des bombes «bunker buster» sur les sites nucléaires iraniens.
Mais Washington a évoqué des «avions de combat de quatrième et cinquième génération», ce qui correspond à ce genre d'engins. «On sait que des chasseurs F-22 ont été utilisés et il semble probable que des F-35 aient participé également», analyse le colonel Vautravers.
Les F-35 ont-ils escorté les bombardiers B-2 jusqu'à leur cible? Les huiles de l'armée américaine ne se sont pas montrées plus bavardes. «Ils ont pu avoir un rôle de navigation ou bien d'éclairage des cibles», analyse l'expert à titre d'exemple.
Ce ne serait toutefois pas non plus la première fois que les Américains utilisent des F-35. Ils en ont déjà déployé en Afghanistan en 2018 et l'ont utilisé pour bombarder un entrepôt d'armement Houthi en novembre dernier, au Yémen.
Et la Suisse, dans tout ça? L'engagement des F-35 israéliens permet-il d'indiquer que nous avons choisi «le bon avion»? Dans le cas iranien, l'expert militaire estime que ni le Rafale français, ni l'Eurofighter européen, dont l'acquisition a été discutée puis rejetée par le Département fédéral de la défense, n'auraient pu permettre de telles attaques, du fait du caractère furtif de l'appareil. «La traînée aérodynamique est quasiment absente pour le F-35, ce qui n'est pas le cas pour ces deux appareils.»
Mais Martin Pfister a peu de chances de devoir ordonner un jour des attaques furtives en profondeur dans un pays étranger. Alexandre Vautravers répond que «les F-35 en sont à leurs débuts en termes d'engagements, et les informations seront partagées au sein d'une communauté d'utilisateurs». Y compris la Suisse.