«Ce n’est pas grave, c’est Nicolas qui paie», ironise le député niçois Eric Ciotti, allié du Rassemblement national. Ce 23 juin sur son compte X, il réagit à l’annonce selon laquelle les Jeux olympiques de Paris ont coûté non pas deux mais six milliards, soit «trois fois plus cher que prévu».
Ce n’est pas grave, c’est Nicolas qui paie ! https://t.co/V5XVH7SD8k
— Eric Ciotti (@eciotti) June 23, 2025
Ces dernières semaines, le slogan «C’est Nicolas qui paie», parfois accompagné de l’hashtag #JeSuisNicolas, est devenu viral sur la Toile française. S'il n’a pas de père ou de mère attitré, son envol daterait d’avril dernier. Ce dont on est sûr, c’est qu’il témoigne d’un ras-le-bol fiscal.
Et si le vrai révolutionnaire, c’était Nicolas? Le 20 juin, le leader de la gauche radicale parlementaire, l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon, invité de l’émission Les Grandes Gueules sur RMC, a appris qui était ce fameux Nicolas. C’est l’avocat et chroniqueur Charles Consigny, un libéral, qui l’a mis au parfum, pendant que le public scandait en chœur «Nicolas! Nicolas!»:
On tient là un début de profil. Derrière Nicolas, on trouve un homme, trentenaire, salarié et caucasien qui «paierait» pour tout le monde. Comprendre: pour tous ceux qui profitent d’un avantage financé par de l’argent public, que ce soit les cotisations ou l’impôt.
Le 1er juillet sur X, un certain Bouli pointe du doigt «les 185 employés du Pass Culture, leurs 4 jours de télétravail par semaine malgré les «locaux refaits à neuf au centre de Paris» et leur «formation aux biais inconscients», le tout soi-disant payé par «Nicolas».
Les 185 employés du Pass Culture, leurs 4 jours de télétravail par semaine malgré les "locaux refaits à neuf au centre de Paris" et leur "formation aux biais inconscients" ? C'est Nicolas qui paie ! pic.twitter.com/DrLv0gXByv
— Bouli ☃️ (@bouliboulibouli) July 1, 2025
Ce même Bouli pourrait être le père de l’expression devenue virale, selon les sites France Info et Huffington Post, qui rangent ce compte X possiblement à l’extrême droite.
Bouli, donc, partageait, en avril 2020, une infographie ironiquement intitulée Le contrat social, où un certain Nicolas, 30 ans, se prenant la tête dans les mains, contemple, l’air accablé, la destination de ses prélèvements: «Karim», le banlieusard à casquette de 25 ans, mais aussi les retraités bien blancs Bernard et Chantal, 70 ans, qui se la coulent douce dans leur chaise longue.
Cette infographie au fond assez trumpiste dénonçait l’«assistanat» sans dire le mot, un discours revendiqué à droite et dans l’électorat de Marine Le Pen, mais sûrement présent dans d’autres sociologies électorales aussi, la question sous-jacente étant peut-être avant tout d’ordre générationnel.
watson a mis la main sur un Nicolas, un vrai, qui vient d’avoir 30 ans. Il s’agit de Nicolas Jutzet, l’essayiste suisse libéral, auteur de La Suisse n’existe plus (Slatkine, 2023).
Nicolas Jutzet s’explique: «Beaucoup de jeunes actifs, en France plus encore qu’en Suisse, ont l’impression de payer beaucoup pour les autres, sans être assurés de profiter un jour des prélèvements sociaux dont ils s’acquittent aujourd’hui.»
Sur les réseaux sociaux, la charge contre les retraités peut être dure. Les seniors, une masse d’électeurs en constante augmentation, passent aux yeux des jeunes générations pour les chouchous des pouvoirs publics, qui chercheraient à les ménager sur un plan fiscal. Une certaine frustration se lit dans les commentaires, une conservatrice comme Eugénie Bastié, 33 ans, journaliste au Figaro, «allumant» les boomers à la première occasion.
Nicolas Jutzet reprend: «Tout cela témoigne d’un sentiment d’injustice. Le logement est un bon exemple. Les seniors ont pu acheter des maisons ou des appartements à une époque, il n’y a ne serait-ce que vingt ans, où les prix étaient encore abordables. Aujourd’hui, à situation salariale égale, c’est beaucoup plus difficile, voire impossible.»
«C’est Nicolas qui paie» côté suisse, qu'est-ce que cela donnerait? Le jeune trentenaire libéral cite le cas du financement – pour l’heure en suspens – de la 13e rente AVS.
Au-delà de ses usages xénophobes ou racistes chez certains, le slogan «C’est Nicolas qui paie», un prénom de la classe moyenne, largement donné dans les années 1990, rend compte, à lire ceux qui le relaient, d’une exaspération du contribuable français face à des dépenses publiques en constante hausse, dont l’inefficacité mènerait la France à sa perte. Le gouvernement a entendu le message, mais, au pays de l’égalité inscrite au fronton des mairies et des écoles, sa main tremble au moment de désigner les secteurs concernés par des coupes.