L'histoire aurait de quoi faire sourire. Mais elle prend des proportions folles dans l'Hexagone, injectant une bonne dose de polémique dans le milieu politique.
Or, elle n'est pas si anodine que ça. L'affaire débute lorsque le député et porte-parole du RN Julien Odoul poste une vidéo sur le meurtre de la jeune Philippine sur le réseau social X. Il arbore une parka de la marque Helly Hansen, une griffe fondée en 1877 en Norvège.
Rien de spécial jusque-là. Sauf que le député LFI Antoine Léaument s'est empressé d'écrire un tweet pour signifier le sens caché de la marque et qu'il représente «Heil Hitler» dans le langage de l'ultradroite. Le site d’investigation américain Bellingcat, citant un rapport de la Fondation Konrad Adenauer, rappelait que le logo de la marque pourrait être interprété comme «HH» - une abréviation courante d'extrême droite pour «Heil Hitler», relaie Le Figaro.
La machine est lancée: un gros gloubi-boulga virtuel qui propulsera la société de textile en tendance sur le réseau social d'Elon Musk.
Face à la combustion rapide de la machine médiatique, et pour répondre aux invectives, Julien Odoul a misé sur l'humour et posté un cliché d'une campagne de la marque qui célèbre le hip-hop, accompagné de ce message:
Il faut bien dire que l'histoire de la griffe norvégienne est aux antipodes d'un marquage politique. Les origines de la société proviennent du marin Helly Juell Hansen, lui qui essuyait le climat norvégien froid et compliqué.
Mais la genèse du vêtement importe peu pour les commentateurs politiques et les internautes. La gueguerre sur les réseaux sociaux a pris une réelle dimension (politique) depuis l'accusation portée par le député LFI et ravive la symbolique des marques. Car l'habit peut-être perçu comme un signe d'appartenance politique que des militants détournent discrètement pour susciter la controverse dans le débat public.
Sur le site indextrême.fr, vous retrouvez les catégories et les habits dits ancrés dans la culture de la droite dure. Les marques ont leur onglet, avec des descriptifs pour saisir la symbolique.
A leur insu, ces entreprises de textile deviennent des signes de ralliement et un langage vernaculaire pour marquer son appartenance que seul un cercle d'initiés peut déchiffrer. On appelle ça le «dog whistle» (un sifflet à chien, littéralement).
Le Monde écrivait, en 2013, déjà sur ces marques qui ont été détournées pour propager une idéologie, sondant les origines qui remontent aux années 1960 et au mouvement skinhead.
Aux Etats-Unis, par exemple, la célèbre marque de lunettes Oakley est devenue un symbole des militants de l'ultradroite.
Or Helly Hansen est connue pour être une marque prisée de la scène hip-hop. Elle a été repérée par le milieu dans les années 1990, tant aux Etats-Unis qu'en France. Joey Starr se pavanait avec une veste de la firme norvégienne, par exemple. Entre 1994 et 1998, la hype s'est formée; des LL Cool J et Mobb Deep ont commencé à étrenner le style marin dans les rues américaines. L'art urbain s'était définitivement approprié Helly Hansen.
Alors, tempête dans un verre d'eau ou réel clin d'œil à un mouvement? Toujours est-il que le débat fait rage à l'instar d'autres marques. C'est le cas de la marque Londsdale dont les lettres centrales rappellent le NSDAP, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands. La griffe britannique est appréciée tant par les skinheads d'extrême droite que par des militants d'extrême gauche.
Même refrain pour Fred Perry, une marque portée par la communauté gay parisienne après avoir été étiquetée d'extrême droite pendant de longues années.
Il est difficile de savoir qui a tort ou raison dans cette histoire. Mais comme dirait l'adage: l'habit ne fait pas le moine.