D'après des sources proches du dossier, le suspect, arrêté mardi à proximité d'un lycée de la région de Saint-Etienne avec deux couteaux dans son sac, voulait s'en prendre à des femmes. Agé de 18 ans, il s'est clairement identifié dans la mouvance masculiniste «incel».
C'est une abréviation anglophone pour les «célibataires involontaires», des hommes considérant qu'ils seraient seuls à cause des femmes qui ne veulent pas d'eux, et qui nourrissent une haine à leur égard ou envers le féminisme, jugé responsable de leurs échecs.
Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a confirmé l'ouverture d'une information judiciaire mardi, «à l'encontre d'un jeune homme de 18 ans, se revendiquant de la mouvance 'incel'». L'homme a été mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes et incarcéré, a confirmé le Pnat.
D'allure juvénile et timide, le visage presque glabre et le corps fluet, vêtu d'un tee-shirt bleu marine, le jeune homme a comparu mardi soir devant un juge des libertés et de la détention (JLD) qui l'a écroué. Me Maria Snitsar, l'avocate de ce jeune homme né en novembre 2006, a déclaré:
D'après une source proche du dossier, celui qui voulait devenir ingénieur a compulsé des vidéos masculinistes, notamment sur le réseau social TikTok.
Selon une autre source proche du dossier, c'est la première saisine du Pnat concernant une personne se revendiquant exclusivement de la mouvance «incel», une notion qui était apparue jusque-là de manière plus marginale dans au moins deux dossiers traités par ce parquet spécialisé en matière terroriste.
Le premier concerne la mise en examen d'un jeune homme des Hauts-de-France proche de l'ultradroite, soupçonné de projets d'actions violente, mis en examen à Paris le 22 septembre 2023 et écroué. Une source proche du dossier l'avait présenté comme «un jeune majeur instable, frustré» plutôt «qu'un idéologue».
Le second concerne un dossier déjà jugé, qui avait regroupé quatre jeunes, dont l'un voulait partir en Syrie, deux autres glorifiaient Hitler et le nazisme, tandis que tous trois dialoguaient par messagerie cryptée avec une femme rêvant de faire sauter une église.
Deux d'entre eux admiraient la théorie du grand remplacement mais aussi plusieurs auteurs de tueries de masse attribuées à l'extrême droite, parmi lesquels Anders Breivik (Norvège, Utøya, 2011, 77 morts), Brenton Tarrant (Nouvelle-Zélande, Christchurch, 2019, 51 morts) ou Dylan Klebold (Etats-Unis, Columbine, 1999, 13 morts). Le jeune homme interpellé dans la région de Saint-Etienne s'était aussi intéressé à certains de ces faits.
La série Netflix «Adolescence», diffusée au printemps et qui a connu un grand succès, a mis en lumière ces influences toxiques et misogynes auxquelles sont exposés les jeunes hommes en ligne. Parmi les personnalités stars dans ces algorithmes figure l'influenceur masculiniste Andrew Tate, suivi par près de 11 millions de personnes sur X et accusé de viols.
La mouvance «incel» a été revendiquée par plusieurs auteurs de tueries, et des attaques de femmes par ce mode d'action datent. En 1989, un homme de 25 ans, revendiqué «antiféministe», avait ouvert le feu à l'école polytechnique de Montréal, tuant 13 étudiantes et une secrétaire, avant de se suicider. L'attentat, l'une des pires tueries de l'histoire du Canada, avait profondément ébranlé ce pays. (jzs/ats)