L’histoire du député Andy Kerbrat? Disons que si elle se déroulait au bout du lac, on la qualifierait sans sourciller de genevoiserie. Ou de cas d’école, à Sciences Po Paris, puisque c'est dans la capitale française que se sont déroulés les faits.
Andy Kerbrat, député de la Nupes, l’alliance des gauches, s’offre depuis un peu plus de 24 heures un rôle de premier plan: celui du client pris en flagrant délit d'achat de drogue.
Son cas fait les choux gras de la presse française. Car il ne s’agit pas «juste» d’une histoire d’un représentant de l’Etat pincé la main dans le sachet, il faut y ajouter la dimension de l’ironie: il y a quelques mois, l’homme, élu en 2022, réclamait sur une chaîne de télévision locale à Nantes plus de moyens pour la police, notamment… pour lutter contre le trafic de stupéfiants.
Quand le député LFI Andy Kerbrat (interpellé pour usage de stupéfiants) se faisait le chantre de la lutte contre la drogue et expliquait sa méthode pour démanteler les réseaux : pic.twitter.com/YwRUheAZ7I
— David Dobsky (@dobsky33) October 21, 2024
La semaine dernière, le jeudi 17 octobre, c’est sur un quai du métro parisien qu’il est pincé en train d'acheter de la 3-MMC, une drogue de synthèse en plein essor dans le monde de la nuit, et notamment associée à la pratique du chemsex en raison de ses effets sur le plaisir sexuel. Son vendeur? Un mineur. Interpellé, le député a payé une amende; il est aujourd’hui convoqué pour notification d'une ordonnance pénale et poursuivi pour usage de stupéfiants. Il s’est engagé à se faire soigner.
Mais plutôt que de faire profil bas, en attendant que la tempête passe, Andy Kerbrat a choisi d’empoigner le taureau par les cornes. Comment? En faisant circuler un communiqué. S’il y reconnaît les faits, l’élu de Loire-Atlantique en profite également pour accuser le média Valeurs Actuelles d’avoir divulgué l’histoire avant que lui-même n’ait pu en informer ses proches et sa famille politique. Selon le député insoumis, les forces de l'ordre et les médias d’extrême droite seraient de mèche.
Comme à chaque situation houleuse au sein de son camp, Jean-Luc Mélenchon n'a pas tardé à voler au secours du député. L'ancien candidat à la présidentielle en a profité pour lui aussi laisser entendre que l’histoire était orchestrée par un média à la botte des forces de l'ordre.
Le député Andy Kerbrat a acheté un produit illégal. Il a reconnu le fait et présenté des excuses à notre mouvement et aux électeurs de sa circonscription. Il déclare être conscient des problèmes que son comportement provoque et d'abord sur sa santé. Contre l'addiction qui le… https://t.co/VXZuE1KMxk
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) October 22, 2024
Un soutien venu aussi de la part de Sandrine Rousseau. Pour la député écologiste de Paris, son camarade a des problèmes d’addiction, il est «malade» et doit être considéré comme tel. Elle a notamment comparé le cas de son collègue à celui d’une personne qui souffrirait d’un cancer sur le plateau de la chaîne RMC ce mercredi 23 octobre:
Si Sandrine Rousseau et d’autres politiciens dans son camp l’appellent à ne pas démissionner, ce n’est pas le cas de ses opposants. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau l’invite au contraire à prendre ses responsabilités et «tirer les conséquences de ses actes».
Alors que le narcobanditisme s’installe en France avec son cortège de violences, il n’est pas tolérable de voir un député de la République acheter des drogues de synthèse à un dealer de rue.
— Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) October 22, 2024
Un député a un devoir d’exemplarité.
M. Andy Kerbrat doit tirer les conséquences de…
Dans le région d’où est originaire Andy Kerbrat, les habitants, interrogés par plusieurs médias français, sont eux aussi partagés sur cette question.
Car justement, pour beaucoup d'entre eux, l’élu a un devoir d’exemplarité à assumer. Parallèlement, le discours même du principal intéressé soulève des questions. D'un côté, il est légitime de se demander pourquoi ce député, qui a publiquement pris position contre la drogue, se retrouve dans une telle situation. De l'autre, son choix d'attaquer la presse et les forces de l'ordre n'est pas sans rappeler certaines stratégies politiques bien connues: détourner l'attention pour éviter de répondre.
Pour l'heure, le dénouement judiciaire de cette affaire qui agite la presse française reste à venir. Quant à Andy Kerbrat, son avenir politique pourrait bien se jouer sur la manière dont il sortira de ce guêpier.