La propagande russe a fabriqué une nouvelle histoire à dormir debout sur Friedrich Merz: le chancelier allemand aurait tué des phoques, une ourse polaire et ses deux petits. Les Inuits du Canada seraient indignés.
Il est probable que le groupe de propagandistes Storm-1516 soit à l'origine de la vidéo diffusée depuis vendredi soir et du prétendu article qui l'accompagne sur un faux site d'information spécialement créé à cet effet. Le groupe s'en est déjà pris à Friedrich Merz, Robert Habeck ou Annalena Baerbock dans des fakes très élaborés.
La fausse accusation n'est même pas originale: l'année dernière, Kamala Harris avait été accusée d'avoir abattu un rhinocéros rare en Zambie. Ce n'était pas non plus vrai.
C'est au tour du chancelier allemand d'être un faux chasseur. Le Toronto Journal, qui n'existe pas, rapporte l'histoire d'une chasse à laquelle Merz aurait participé, chasse qui n'a évidemment jamais eu lieu. Le site web se trouve apparemment sur un serveur en Malaisie et a été créé à la mi-juin. Les reporters présentés sur le portail existent bel et bien, mais leurs profils ont tout simplement été volés sur le site du véritable média The Toronto Star.
La vidéo et l'article sur le site web accusent Merz d'avoir causé un «massacre inutile» lors d'une partie de chasse privée au Canada. Merz aurait d'abord chassé le phoque: une photo manipulée montre une personne avec le visage de Merz agenouillée sur la neige à côté d'un phoque mort. Le lendemain, Merz aurait rencontré une famille d'ours polaires lors de la chasse et aurait tué la mère puis les deux petits malgré les avertissements des guides.
La vidéo montre également des images d'ours polaires morts. Une personne ayant l'apparence des Inuits prend ensuite la parole:
La ville de Coral Harbour, qui compte 1000 habitants dans le nord du Canada, ne veut pas être le «terrain de jeu des riches». Il est vrai qu'il y a effectivement des ours polaires dans les environs.
La campagne vise manifestement à décrédibiliser Friedrich Merz. L'entourage du chancelier a déclaré que commenter la propagande inventée ne ferait que la valoriser. Le Service de presse du Bundestag n'a pas répondu dans l'immédiat à nos demandes d'information.
Avant les élections fédérales, il y avait déjà eu un «article» et une vidéo selon lesquels un médecin considérait Merz comme psychologiquement instable après un traitement prolongé. L'article s'appuyait sur les propos d'un prétendu médecin de l'hôpital Karolinen, qui existe réellement à Arnsberg. Or, ce médecin n'existe pas, et l'hôpital ne dispose pas d'un service psychiatrique correspondant.
Le groupe d'enquêteurs «Gnida Project» a été le premier média à rapporter cette nouvelle tentative de diffamation, qu'il attribue à la campagne «Storm-1516». Ce groupe est à l'origine de fakes relativement peu nombreux, mais réalisés avec beaucoup de soin. «Storm-1516» a déjà déclaré que Zelensky était l'acheteur de la villa de Goebbels près de Berlin, a attribué à Annalena Baerbock un amant africain rémunéré et a construit de graves accusations diffamatoires contre Robert Habeck.
Selon les enquêtes de différents médias, l'auteur principal de ce groupe est l'Américain John Mark Dougan, qui a perdu son emploi de sherif adjoint aux Etats-Unis et a obtenu l'asile politique en Russie. Il est à l'origine d'un réseau de sites d'information locaux inventés de toutes pièces. En Allemagne, un faux Berliner Wochenzeitung avait par exemple publié une histoire inventée selon laquelle des Ukrainiens avaient jeté une tête de porc dans la plus ancienne mosquée de Berlin.
John Mark Dougan est en réseau avec des acteurs de la désinformation russe. Des photos le montrent également chez la propagandiste allemande de Poutine Alina Lipp. Celle-ci a diffusé à plusieurs reprises des faux contenus de Storm-1516. Le premier post en langue allemande avec l'histoire de l'ours polaire venait également d'elle. «Fake ou vraiment vrai», écrivait vendredi peu après 20 heures sur X Alina Lipp, qui se définit comme journaliste.
L'UE a récemment placé Alina Lipp sur la liste des sanctions, avec son collègue Thomas Röper. Ce dernier tient un blog et produit des articles pour le compte de la chaîne de télévision étrangère russe RT.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci