Il se passe quoi à Gaza?
Avant l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre 2023, avant que la guerre ne déchire la bande de Gaza, Mehna Shabat menait une vie ordinaire. Agé de 54 ans, il habitait à Beit Hanoun, près de la frontière israélienne, enseignait à l’école et élevait ses filles avec son épouse.
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Aujourd’hui, il ne lui reste rien. Sa femme a été tuée dans une frappe aérienne, l’une de ses filles a perdu un œil, et Beit Hanoun n’existe plus. La ville a été vidée de ses habitants et presque entièrement rasée. Quand l’accord de paix a été signé en Egypte, il a cru voir le bout de ses peines. Comme il le confie, ce fut bref:
Un accord déjà malmené
La trêve a commencé, la guerre s’est arrêtée; mais la souffrance, elle, perdure. Le plan de paix présenté par Donald Trump prévoyait pourtant certaines améliorations: un afflux d’aide humanitaire comparable à celui du cessez-le-feu précédent, entre janvier et mars, l’entrée de matériel pour déblayer les ruines, et l’ouverture du point de passage de Rafah vers l’Egypte.
Mais la première phase de l’accord a déjà été rompue. Le Hamas devait, dans les septante-deux heures suivant le début du cessez-le-feu vendredi, restituer tous les otages, vivants ou morts. Lundi, tous les otages vivants ont bien été rapatriés en Israël, mais seulement quatre corps sur les dix prévus. Le Hamas a affirmé ignorer l’emplacement de certains des morts.
Mardi, quatre autres dépouilles ont été rendues. Cependant, selon les examens médico-légaux menés à l’institut Abu Kabir de Tel-Aviv, seules trois d’entre elles étaient celles d’otages. L’identité de la quatrième reste inconnue.
L’aide humanitaire coupée de moitié
En réaction, Israël a informé l’ONU de sa décision de réduire de moitié les livraisons d’aide à Gaza: au lieu de 600 camions par jour, seuls 300 seront désormais autorisés à passer. Israël justifie cette mesure par la violation de l’accord par le Hamas.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a confirmé cette annonce. Il a rappelé qu’au début de la semaine, après «des mois de frustration et de blocage», des progrès ont enfin permis d’augmenter l’aide acheminée vers Gaza, avant d’avertir d’un possible «retour en arrière».
Mais, même avant cette décision, Mehna Shabat n'a pas constaté d’amélioration notable. Il raconte:
Les chiffres de l’ONU confirment la situation: entre le 19 mai et le 15 octobre 2025, environ 4000 camions d’aide ont atteint leur destination, tandis que près de 7100 ont été interceptés en route, soit par des «personnes affamées», soit par des «groupes armés», selon les termes de l’organisation internationale.
Depuis la mi-septembre, ces détournements ont toutefois nettement diminué, et les données montrent une légère baisse supplémentaire depuis le début de la trêve vendredi. Mais il est trop tôt pour en tirer des conclusions: le cessez-le-feu n'est en vigueur que depuis une semaine.
Le contrôle du Hamas sur la population
Obtenir les biens les plus simples reste une épreuve, comme nous raconte Mehna Shabat. D’après les données publiées par Israël, les livraisons concernent avant tout des denrées alimentaires, alors que les produits médicaux et le matériel d’hébergement d’urgence, les fameux shelter kits, manquent cruellement.
Pour l’heure, la première phase de l’accord tient encore, malgré les obstacles liés au retour des otages et à la distribution de l’aide. Le poste-frontière de Rafah, censé rouvrir, reste toutefois fermé, contrairement aux annonces initiales.
Quant à la deuxième phase du processus, censée aborder la question du désarmement du Hamas et du retrait total de l’armée israélienne, les informations sont contradictoires: certains affirment que les discussions ont commencé, d’autres démentent.
Alors que le désarmement du Hamas figure à l’ordre du jour, Donald Trump aurait, selon la plateforme Al-Monitor, donné son feu vert tacite pour que le mouvement islamiste continue, au moins pour un temps, à exercer son autorité à Gaza. Y compris par la force.
Les témoignages, photos et vidéos des derniers jours en disent long: le Hamas frappe désormais ceux qu’il accuse de vols ou de trafics liés à l’aide humanitaire, mais également des civils qui osent s’opposer au mouvement. Mehna Shabat résume:
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder