Suisse
Gaza

Pourquoi la Turquie a aidé les Suisses arrêtés par Israël

Pourquoi la Turquie avait tout intérêt à aider la «flotille pour Gaza»
Les membres suisses de la «flottille pour Gaza», rapatriés par la Turquie, ont été accueillis comme des héros.keystone (montage)

Erdogan a fait «d'une pierre, deux coups» en aidant les Suisses de la flottille

Les membres suisses de la «flottille pour Gaza», rapatriés à Genève d'Instanbul, ont reçu l'aide des autorités turques. Ils fustigent la Confédération et louent l'action du «peuple turc et son gouvernement». Mais pourquoi Ankara est-elle intervenue en leur faveur?
06.10.2025, 18:5206.10.2025, 20:40

Ils sont huit et ont été accueillis comme des héros à l'aéroport. Les militants de l'association suisse Waves of freedom, partis avec la «flottille pour Gaza» et arrêtés par l'armée israélienne, ont été rapatriés à Genève depuis Istanbul. L'Etat turc leur a organisé et payé une visite médicale, un repas, la nuit à l'hôtel et le vol de rapatriement, ainsi que des vêtements et des chaussures neuves. L'association se montre reconnaissante:

«Les humanitaires ont tenu à saluer la générosité du peuple turc et de son gouvernement»
Association Waves of freedom

A l'inverse, les militants dénoncent l'attitude du Département fédéral des affaires étrangères. L'association déplore le «manque d'assistance» du DFAE qui, lors de sa visite des ressortissants détenus dans les geôles dans la prison israélienne de Ktzi'ot, «n'était pas en mesure d'agir ni d'entreprendre quoi que ce soit».

«La Turquie a décidé d’organiser et payer l’hébergement et le vol de retour depuis Istanbul pour les personnes expulsées depuis Israël», nous confirme le DFAE, et de rajouter platement: «Pour de plus amples informations, veuillez vous adresser aux autorités turques». Contacté, le consulat de Turquie à Genève ne nous a pas donné de réponse au moment où nous publions cet article.

La générosité stratégique de l'Etat turc

Hicham El-Ghaoui, porte-parole de Waves of freedom, confirme que les autorités turques se sont spontanément manifestées:

«Cette prise en charge montre une solidarité complètement absente du côté suisse»
Hicham El-Ghaoui, Waves of freedom

Le consul général de Suisse a offert quelques maigres 40 euros — à rembourser — aux militants à Istanbul, «contrastant fortement avec le soutien concret et solidaire offert par la Turquie».

«Ce geste a été perçu comme mesquin, indécent et irresponsable»
Association Waves of freedom

Mais cette aide du régime turc, tenu d'une main de fer par Recep Tayipp Erdogan, était-elle vraiment désintéressée? «La politique turque est très affectée par ce qui se passe à Gaza. Son gouvernement veut montrer à sa population qu'il va soutenir ses alliés pro-palestiniens à l'international», estime Cyrus Schayegh, spécialiste du Moyen-Orient au Graduate Institute de Genève. Il poursuit:

«Dans le même temps, c'est une opération séduction pour être plus populaire auprès des progressistes européens. Erdogan fait d'une pierre, deux coups»
Cyril Schayegh

Hicham El-Ghaoui n'est pas naïf: «Il est clair qu’il y a un peu de manœuvre politique là-derrière, mais cela reste appréciable et saluable de nous avoir aidés.» Il l'affirme:

«La Suisse aurait pu et dû faire de même»
Hicham El-Ghaoui, Waves of freedom

Avertissements ignorés

Sur les ondes de la RTS, Marianne Jenni, directrice des affaires consulaires du DFAE soulignait que la Confédération n'était pas responsable du rapatriement des Suisses. Elle indique que l'office a été «très actif envers les autorités israéliennes» et pointe la «responsabilité individuelle» des membres de la flottille.

«Le groupe a été prévenu que l'action était dangereuse»
Marianne Jenni, DFAErts

On comprend dès lors que le torchon brûle entre Waves of freedom et le Département des affaires étrangères, qui reste ferme face aux doléances de l'association. Sur le réseau X, mercredi, celui-ci réitérait ses avertissements, comme pour bien rappeler les limites de la Confédération lorsque des ressortissants suisses décident consciemment de se mettre en danger. «C'est probablement une manière de signaler à d'autres qu'on ne va pas les aider en cas de pépin», estime Cyril Schayegh.

Un aperçu de ce dont Tel Aviv est capable

Dix Suisses sont encore détenus dans la prison de Ktzi'ot et «le DFAE continue d'œuvrer pour leur rapatriement». Waves of freeedom appelle le Conseil fédéral à œuvrer pour leur libération et critique les conditions de détention, pointant du doigt la nourriture, servie une fois par jour, le manque d'eau, le fait de dormir à même le sol et les mauvais traitements reçus par certains membres.

Parmi eux, l'ancien maire de Genève et élu de gauche radicale, Rémy Pagani, qui réclame ses médicaments, relate Blick.

Mais «ce que subissent ces Occidentaux, c'est une version très légère du traitement que le système carcéral israélien peut réserver à ses détenus palestiniens», analyse Cyril Schayegh. Il souligne:

«C'est surtout une manière de montrer ce dont Tel Aviv est capable, pour les dissuader de recommencer»
Cyril Schayegh
Gaza après les bombes
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
As-tu quelque chose à nous dire ?
As-tu une remarque pertinente ou as-tu découvert une erreur ? Tu peux volontiers nous transmettre ton message via le formulaire.
0 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
Pourquoi la hausse des primes pousse les Suisses vers les urgences
A Genève, une personne sur quatre renonce à des soins médicaux pour des raisons financières. Une médecin alerte sur les conséquences de ce phénomène.
Les primes d’assurance maladie continuent de grimper, et avec elles, le nombre de personnes qui évitent de se rendre chez le médecin. C’est ce que révèle une étude menée par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
L’article