Le sort de la ville d’Avdiivka, située juste à l’extérieur de Donetsk, se joue depuis maintenant des semaines. La Russie semble concentrer ses forces dans cette région, au prix de lourdes pertes humaines.
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Les troupes russes autour d'Avdiivka auraient perdu 6000 hommes et plus de 400 véhicules blindés rien que la semaine dernière. Le ministère britannique de la Défense a récemment rapporté, selon des sources ukrainiennes, que les pertes russes avaient augmenté de 90% depuis le début de l'offensive contre Avdiivka. Et côté ukrainien? Ni Kiev ni Londres n'ont fourni d'informations à ce sujet.
C'est tout le front qui est sous haute tension. Les troupes ukrainiennes ont traversé le fleuve Dniepr et continuent de se battre pour percer dans le sud de l’Ukraine. En Crimée, la violence aussi semble être à son apogée. Dans une interview, l'expert militaire Nico Lange décortique le succès de la contre-offensive ukrainienne.
«La Russie opte pour une stratégie de destruction massive dans la région, observe Nico Lange. La situation est comparable à la bataille de Bakhmout. Cet endroit est pris en tenaille par la Russie sur trois côtés, et ici aussi, le Kremlin envoie vague après vague ses troupes sous le feu de l'armée ukrainienne, sans se soucier des pertes». Les chiffres des victimes correspondent à ceux visibles sur les images satellite. «C'est effroyable», souffle l'expert.
Concrètement, quels sont les objectifs de la Russie à Avdiivka? Premièrement, il s'agit de raccourcir la ligne de front afin d'économiser les ressources. Deuxièmement, Avdiivka constitue un endroit stratégique pour passer l'hiver. La Russie a également besoin de redorer son image. «Avdiivka est une ville du Donbass qui est en première ligne et qui fait l’objet de combats depuis 2014. Il y aura des élections présidentielles en Russie l’année prochaine, évoque Nico Lange. Le pays n'a pas encore obtenu de résultats vraiment probants jusqu'à présent.»
Mais les assauts russes en cours contre la petite ville de l’oblast de Donetsk pourraient porter leurs fruits. Oleksiy Arestovytch, ancien conseiller du bureau présidentiel de Kiev, a récemment prédit la perte d'Avdiivka:
Oleksiy Arestovytch a fait allusion aux pertes de six villes stratégiques, dont Bakhmout, Soledar et Sievierodonetsk. L'ancien conseiller présidentiel ne fait pas l'unanimité en Ukraine. Il a démissionné après avoir été vivement critiqué.
La traversée du fleuve, près de la ville de Kherson, dans le sud de l'Ukraine, a également défrayé la chronique. Les troupes ukrainiennes enregistrent quelque succès. Mais on ne sait pas pour combien de temps.
Dans le langage militaire, les positions sur le territoire ennemi séparé de votre propre zone par une étendue d'eau sont appelées têtes de pont. Si une telle tête de pont est établie avec succès, les attaquants disposeront d’une plus grande liberté d’action stratégique. Par exemple, vos propres troupes peuvent atterrir de manière plus sûre et être ravitaillées.
La Russie continue de faire feu depuis les zones de la rive gauche du Dniepr sur les positions ukrainiennes, mais aussi directement sur la ville de Kherson.
En septembre, les troupes ukrainiennes ont enregistré des avancées importantes dans la région. Des chars allemands Marder faisaient notamment partie de l'arsenal utilisé.
Depuis lors, peu d’avancées ont eu lieu. La contre-offensive ukrainienne a commencé «dans des circonstances défavorables, commence Nico Lange. Il manquait aux Ukrainiens des systèmes d’armes importants, tels que l’ATACMS, qui viennent tout juste d’être livrés.»
Les États membres de l'Otan ne lanceraient même pas d’offensives dans de telles conditions, affirme Nico Lange. Les Ukrainiens ont néanmoins réalisé de petites avancées. Ce n’est donc pas un échec.»
Selon l'expert, les combats se poursuivront dans le sud pendant l'hiver. L'une des raisons à cela est qu'il ne fait pas aussi froid là-bas que dans l'est du pays.
C’est déjà le deuxième hiver complet au cours duquel l’Ukraine doit se défendre contre les attaques russes. Au début de l’attaque russe en février 2022, le froid s'en allait gentiment. «L'hiver dernier, l'Ukraine s'est montrée extrêmement disciplinée lors des batailles hivernales», fait remarquer Nico Lange. Les mois à venir n'auront probablement pas la même saveur: «Cette fois, nous sommes un peu mieux équipés et disposons de plus de véhicules à chenilles avec lesquels des progrès pourraient être réalisés.»
Mais, bien entendu, la Russie a également acquis de l’expérience dans les combats hivernaux. «En fin de compte, la question sera de savoir qui hiberne dans les champs et qui peut rester dans les villes?, résume-t-il. C'est tout le scénario de la guerre qui en dépend.»
Les experts s’attendent à des attaques russes de grande envergure contre des infrastructures civiles cet hiver. Les prochaines attaques russes contre les installations énergétiques «restent une menace stratégique», écrit Jack Watling du groupe de réflexion britannique Royal United Services Institute (RUSI). L’Ukraine a besoin de toute urgence d’une défense aérienne adéquate.
Selon Nico Lange, les combats autour de la péninsule de Crimée montrent les véritables succès de la contre-offensive ukrainienne.
Plus récemment, les Ukrainiens ont même réussi à impliquer les Russes dans les combats en Crimée avec une unité spéciale. En septembre, les troupes de Kiev ont d'abord attaqué le port de Sébastopol sur la mer Noire avec des missiles de croisière, puis environ une semaine plus tard le quartier général de la flotte de la mer Noire.
L'optimisme est-il permis? «Ce sont tous des succès importants, car la Crimée revêt une grande importance pour la Russie en termes de logistique de guerre. Si les Russes subissent des pressions là-bas, ils auront des problèmes à mesure que la guerre se poursuit», en conclut Nico Lange.