International
Guerre contre l'Ukraine

Koursk: ça va coûter cher à la Russie de déloger les Ukrainiens

Alexandre Vautravers analyse l'incursion ukrainienne sur le territoire russe, près de Koursk.
Comment Poutine va-t-il réagir dans la région de Koursk? L'analyse d'Alexandre Vautravers.dr / montage

Poutine doit déplacer d'urgence «10% des forces russes en Ukraine»

La récente incursion des forces armées ukrainiennes en Russie est un coup dur pour Moscou, qui doit redéployer des troupes précieuses sur la zone. Si les Ukrainiens ont bien joué leur coup, ils n'iront pourtant pas plus loin, estime un expert. Mais le mal est fait pour Poutine.
13.08.2024, 05:4313.08.2024, 07:58
Plus de «International»

C'est une première depuis le début de la guerre: la semaine dernière, l'Ukraine a tenté – et réussi – une incursion sur le territoire russe. Près de 10 000 soldats ont été déployés et ont progressé de près de 40 kilomètres, pour une prise de territoire d'environ 350 kilomètres carrés. Lundi après-midi, le gouverneur de la région de Koursk, Alexeï Smirnov, estimait que 28 localités étaient tombées aux mains des Ukrainiens et que plus de 120 000 civils ont quitté la zone.

Les troupes de Kiev ne devraient, cependant, pas progresser beaucoup plus, estime Alexandre Vautravers, rédacteur en chef de la Revue militaire suisse. «Au vu des forces engagées, cette riposte n'ira pas beaucoup plus loin», indique l'expert.

«La riposte a atteint ses objectifs et son point de culmination»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse
Alexandre Vautravers
Alexandre Vautraversdr

«Des brigades et des moyens logistiques supplémentaires seraient nécessaires afin d’exécuter un changement d’échelon et ainsi poursuivre la progression», explique-t-il. A ce sujet, sur les 10 000 hommes présents, les troupes de combat ne montent qu'à environ 1500 hommes, «soit deux brigades».

Par troupes de combat, on entend principalement l'infanterie et les unités de chars. Le reste des hommes assume des missions d'appui au combat, comme les troupes du génie ou d'artillerie, mais d'appui logistique, comme le ravitaillement et la maintenance.

«Les Russes se doivent de reprendre ce territoire»

L'objectif principal? Semer la zizanie chez les Russes. «En effectuant par surprise cette action, les Ukrainiens désorganisent la gestion du combat pour les Russes et vont les contraindre à dépêcher des réserves», note Alexandre Vautravers. Il complète: «Cela limite donc leur liberté d'action.»

«La Russie a l'avantage sur le front, long de 1000 km, car ils ont davantage de forces pour le tenir»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse

«Les Russes auront perdu des jours, peut-être des semaines, avec ces déplacements de troupes et de matériel», estime le rédacteur en chef de la Revue militaire suisse. Les troupes ukrainiennes pourraient se préparer à mener un combat défensif pour forcer les Russes à dépenser de l'énergie sur cette zone.

«Les Russes se doivent de reprendre ce territoire. Poutine a un devoir de servitude politique: il ne peut pas laisser sa population dans cette situation»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse

L'expert sort la calculatrice: «Pour reprendre cette poche, les troupes de Moscou auront besoin de trois fois plus d'hommes que celles de Kiev.» Le ratio est bien connu: il faut au moins trois attaquants pour défaire un défenseur. C'est le cas dans cette région peu urbaine et plate, «où les distances d'engagement sont importantes».

«Pour les 10 000 Ukrainiens engagés sur cette tête de pont, il faudra mobiliser et déplacer 30 000 soldats russes pour mener des opérations de nature offensive. Et on ne peut pas retirer 30 000 ou 40 000 soldats du front d'un coup», explique celui qui a aussi servi comme colonel de milice au sein d'une brigade motorisée.

«Cette exigence n'est pas négligeable, elle représente presque 10% des forces russes en Ukraine»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse
epa11542392 A still image taken from a handout video provided on 10 August 2024 by the Russian Defence Ministry shows Russian troops delivering military equipment to the Kursk region, Russia. Accordin ...
Les renforts russes sont déjà en chemin, comme ici le 10 août.Keystone

Fatiguer les troupes de Poutine

Quant au contrôle d'une station de pompage du gaz de Gazprom ou la présence d'une centrale nucléaire dans la région, il ne s'agit pas d'objectifs militaires réels, selon l'expert.

«Ce sont des points de fixation géographiques, mais pas des buts militaires. Ces objectifs sont secondaires au regard des forces engagées»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse

De plus, cette centrale compte deux réacteurs actifs, sur les 36 que compte la Russie. «Rien à voir avec Zaporijia, par exemple, qui compte six des quinze réacteurs présents en Ukraine, soit pas loin de la moitié», indique Alexandre Vautravers. «Les conséquences sur le plan énergétique ne sont pas les mêmes.»

Plusieurs recrues ont aussi été capturées. «Les forces russes immédiatement à proximité sont des unités à l'entraînement. A l'école de recrue, si on veut comparer avec le système suisse. Ils n'ont pas beaucoup de matériel et n'étaient pas capables d'engager le combat.»

La riposte ukrainienne fait rire le net:

Ces recrues pourront être utilisées comme monnaie d'échange par Kiev contre d'autres soldats ukrainiens en captivité en Russie. Mais surtout, elles ne pourront pas, dans quelques mois, remplacer les troupes russes qui combattent actuellement sur le front. Un élément de plus qui participera à fatiguer les troupes de Poutine.

Une opération qui fait tâche d'huile

La population russe, d'ailleurs, vit plutôt mal cette invasion d'un bout de son territoire. Sur les réseaux sociaux, les vidéos de civils russes en pleurs, pris par surprise par l'opération de Kiev, sont légion. Dans d'autres, on peut voir les citoyens enregistrer des messages publics à destination de Poutine, où ils supplient leur président de venir leur porter assistance.

«Le régime ne va certainement pas tomber à cause de cette riposte. Mais cela fait tâche d'huile»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse

Dernier élément: les conséquences politiques. Des têtes vont-elles tomber avec ce qui peut être considéré comme une victoire ukrainienne, comme celle du chef des armées, Valeri Gerassimov? Alexandre Vautravers n'y croit pas, et pour une raison bien simple:

«L'incompétence et l'échec au sein de l'armée russe sont moins punis que le manque de loyauté»
Alexandre Vautravers, Revue militaire suisse
Russian Chief of General Staff Gen. Valery Gerasimov attends the meeting with Russian President Vladimir Putin dedicated to the situation in Kursk and Belgorod border regions, at Novo-Ogaryovo state r ...
Valeri Gerassimov.Keystone
L'Ukraine a eu la peau du «char tortue» russe
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Pas de répit à Gaza
La guerre entre Israël et le Hamas à Gaza est entrée dans son 12ᵉ mois, sans répit dans les bombardements et sans espoir de trêve rapide. Le point.

La guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas palestinien est entrée samedi dans son 12ᵉ mois, sans signe de répit dans les bombardements meurtriers israéliens et sans espoir d'une trêve rapide ou d'une libération des otages.

L’article