Trois ans après le début de l'invasion russe, le tableau est sombre pour l'Ukraine. Sur le front, les forces armées sont soumises à une énorme pression et peinent à mobiliser de nouveaux soldats. Dans le même temps, la Russie multiplie les attaques contre les infrastructures énergétiques et la population civile.
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Ces derniers jours, les Ukrainiens ont aussi vu leur allié le plus important les poignarder froidement dans le dos. Le président américain Donald Trump a commencé par tenter de conclure un accord avec Poutine dans le dos de l'Occident. Puis, il a traité son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky de «dictateur».
Comme si cela ne suffisait pas, la rencontre entre les deux chefs d'Etat, qui aurait dû déboucher sur un accord décisif, a tourné au vinaigre vendredi soir. Très en colère, Trump a lancé à Zelensky:
La «trahison» des Etats-Unis a pris l'Ukraine et l'Europe à contre-pied. Et Trump semble vouloir aller jusqu'au bout de sa «politique d'accommodement» avec Vladimir Poutine. Il l'a dit, Trump souhaite mettre fin à la guerre «dans les semaines qui viennent». C'est dans la nature du président américain:
La question, désormais, est de savoir si Poutine est vraiment prêt à signer un accord. En y regardant de plus près, il existe deux raisons pour lesquelles les Russes pourraient eux aussi être intéressés par un «gel» du conflit: l'économie du pays et l'état de son armée.
L'économie russe se porte bien et les sanctions occidentales sont un échec. C'est en tout cas le récit que diffusent les «sympathisants de Poutine». En réalité, la situation est loin d'être rose. Le «succès» repose en premier lieu sur le passage à une économie de guerre et sur le manque de main-d'oeuvre, notamment en raison de l'exode massif de centaines de milliers de jeunes Russes.
Le prix à payer est élevé. Le fonds d'Etat, autrefois abondamment alimenté par les ventes de pétrole et de gaz, est en grande partie vide. L'inflation s'élève officiellement à près de 10%, mais elle devrait en réalité être environ trois fois plus élevée. La banque centrale a augmenté le taux directeur à 21%, ce qui freine les investissements. Malgré la compensation de l'inflation, le niveau de vie de nombreuses personnes diminue.
L'économiste Andrei Jakovlev, qui a émigré à l'Ouest en mars 2022 et travaille aujourd'hui à l'Université libre de Berlin, estime qu'un effondrement de l'économie russe est possible, comme il l'a déclaré dans une interview à la NZZ. Tout dépend des ressources financières de l'Etat, et notamment de ses ventes de pétrole et de gaz.
Mais Moscou ne peut pas se permettre éternellement de redistribuer des ressources limitées dans des domaines improductifs comme l'industrie de l'armement, a déclaré à Reuters Oleg Vjugin, un ancien vice-président de la banque centrale russe, qui s'est montré convaincu:
Dans les cercles de l'Otan, on entend régulièrement des avertissements selon lesquels la Russie, après l'Ukraine, viserait de nouvelles cibles, comme les pays baltes. Sur la Baltique, la menace est prise au sérieux, notamment en raison du sabotage présumé de câbles sous-marins. Des pays comme la Pologne, l'Estonie et la Finlande dépensent comparativement beaucoup d'argent pour la défense.
Mais à quel point la menace est-elle concrète? La Russie mène en Ukraine une guerre d'usure avec de lourdes pertes humaines et matérielles. Pour recruter des soldats, Poutine doit offrir des primes toujours plus élevées. Et depuis le début de la guerre, la Russie a perdu en Ukraine, selon la chaîne allemande ZDF, plus de chars que l'ensemble du parc actif n'en comportait en février 2022.
Certes, les usines produisent avec assiduité et livrent jusqu'à 120 chars par mois sur le front. Mais tout au plus 20 sont des modèles neufs, le reste étant des chars soviétiques modifiés. Les observateurs occidentaux considèrent qu'une attaque de grande envergure contre les pays de l'Otan est improbable pour ces raisons. Mais avec la guerre hybride, la Russie dispose d'autres possibilités.
Il existe un scénario concret avec lequel Poutine pourrait provoquer l'Occident. Le Kremlin pourrait envahir la ville frontalière estonienne de Narva. Celle-ci est habitée à près de 95% par des Russes de souche. Tous ne sont pas favorables au Kremlin, loin s'en faut, mais une telle «invasion» serait le test ultime de l'obligation de soutien de l'Otan.
Malgré tout, Poutine pourrait chercher à conclure un accord avec l'Ukraine. Selon, Kyrylo Boudanov, le chef des services de renseignement militaire ukrainiens, la Russie doit résoudre le conflit d'ici 2026, sinon elle perdra «définitivement» la possibilité de «devenir une superpuissance ou seulement une puissance régionale dominante dans un avenir proche».
Poutine est un piètre joueur d'échecs, mais il sait jouer au poker. Et surtout, il sait comment faire tourner Donald Trump en bourrique, que ce soit par «Kompromat» ou en exploitant le faible du président américain pour les hommes forts. Reste à savoir si un accord «en quelques semaines» est possible.
Traduit et adapté par Chiara Lecca