Cela fait des années que Donald Trump est soupçonné d'avoir des liens avec les services secrets russes. La semaine passée, les spéculations ont été alimentées par des déclarations fracassantes: un ancien officier des services secrets soviétiques affirme publiquement que le président américain aurait été recruté par le KGB il y a près de 40 ans.
Alnur Moussaïev a fait carrière dans son pays natal, le Kazakhstan, après la fin de l'URSS. Selon lui, le nom de code de Trump au sein du KGB aurait été «Krasnov». Des affirmations qui déboulent en pleine crise géopolitique. Les dernières actions de Trump, notamment son rapprochement avec Moscou et ses critiques envers l'Ukraine, ayant suscité beaucoup de réactions.
Alors: qui est cet homme qui accuse Trump d'être un agent du KGB? Y a-t-il du vrai dans cette histoire? Alnur Moussaïev a publié ces informations explosives sur sa page Facebook. Le personnage est connu, du moins en Autriche. En effet, Alnur Moussaïev y a été victime d'une tentative d'enlèvement en juillet 2008. Sa compagne a été blessée, mais ils ont néanmoins pu s'échapper grâce à l'aide de son chauffeur.
Il semblerait que les services de renseignements kazaks aient tenté de le rammener de force au pays parce que lui et son ami Rakhat Aliev, ancien ambassadeur du Kazakhstan en Autriche et ex-gendre du président kazakh de l'époque, Noursoultan Nazarbaïev, étaient tombés en disgrâce.
Le Kazakhstan accusait les deux hommes de meurtre, mais l'Autriche a refusé de les extrader. Le procès concernant sa tentative d'enlèvement a mis en lumière que l'un des auteurs était un jeune Kazakh originaire d'Allemagne et que le commanditaire était un conseiller de l'ambassade du Kazakhstan à Berlin.
Alnur Moussaïev est actuellement toujours recherché dans son pays pour haute trahison. Il a dirigé le service national de renseignement intérieur du Kazakhstan (KNB) de 1997 à 1998 puis de 1999 à 2001. Avant cela, il avait rejoint le service secret soviétique en 1979, à l'âge de 25 ans. Son travail l'aurait conduit à effectuer une mission spéciale de deux ans en Irak au milieu des années 80.
C'est après cette mission qu'il aurait découvert le lien de Trump avec le KGB. Selon le journal russe Lenta, Alnur Moussaïev a travaillé de 1986 à 1989 au siège du ministère de l'Intérieur de l'URSS. Il écrit lui-même dans son post qu'il a travaillé au 6e département du KGB à Moscou. Selon lui, le recrutement d'espions et de sources parmi les hommes d'affaires des pays capitalistes était l'une des tâches principales de cette section.
Si les médias ukrainiens ont repris les déclarations de l'ancien officier, les médias russes sont en revanche restés silencieux sur ses affirmations. Au Kazakhstan, un historien et politologue pro-russe s'insurge contre l'ancien directeur du service secret kazakh. Les révélations présumées d'Alnur Moussaïev sont un «spectacle comique», regrette Daniyar Ashimbaev dans le journal Kursiv.
Celui qui est considéré comme un partisan de l'invasion russe en Ukraine affirme que le 6e département du KGB était en réalité responsable de la sécurité économique et non du recrutement des étrangers. Le politologue indique cependant qu'il est difficile d'en discuter aujourd'hui, car Alnur Moussaïev pourrait se justifier en expliquant qu'il s'agissait d'une partie secrète de son travail.
Mais Daniyar Ashimbaev pense que la déclaration de l'ancien officier du KGB pourrait également avoir des motivations politiques: peut-être que l'un de ses contacts européens lui a demandé d'être un pion pour saper la réputation de Trump. Quoi qu'il en soit, Alnur Moussaïev ne cache pas ses positions actuelles:
Par le passé, Alnur Moussaïev avait déjà publié des détails sur le prétendu agent Trump sur sa page Facebook. Ce qui est nouveau, c'est qu'il mentionne le nom de code «Krasnov». Il avait révélé d'autres informations sur le recrutement présumé du futur président américain. Selon celles-ci, le KGB aurait ciblé Trump lors de sa visite à Moscou et à Leningrad en 1987 et l'aurait encouragé à se lancer dans la politique.
Alnur Moussaïev a par ailleurs déjà laissé entendre que le dossier personnel de Trump avait été retiré des archives du Service fédéral de sécurité (FSB) russe, une organisation qui a succédé au KGB. Il se trouverait désormais en possession d'un proche de Vladimir Poutine. Il a également fait état de tentatives d'assassinat contre lui-même et a indiqué que sa connaissance de ces informations sensibles le mettrait en danger.
Alnur Moussaïev se rend bien compte que cette histoire a quelque chose d'inimaginable. Il écrit:
En réalité, Alnur Moussaïev n'est pas le premier ancien membre des services secrets soviétiques à pointer du doigt le président américain comme agent russe. Oleg Kalugin, un ancien général du KGB, a déjà affirmé que Trump était sur le radar des services secrets dès les années 1980. Celui qui a été le chef de Vladimir Poutine à ses débuts au sein du KGB indique que du matériel compromettant pourrait avoir été produit lors de la visite de Trump à Moscou en 1987. Et de déclarer:
Le célèbre historien américain Timothy Snyder a lui aussi écrit dans son livre La route pour la servitude que le voyage de Trump à Moscou en 1987 aurait été payé par l'Etat soviétique. Selon lui, Trump a été logé dans une suite qui était certainement sur écoute. Par ailleurs, l'achat et la vente d'appartements dans la Trump Tower moscovite auraient servi à des criminels russes pour blanchir de l'argent.
Yuri Shvets, un ancien officier du KGB qui vit aujourd'hui aux Etats-Unis, a également déjà affirmé que l'Union soviétique avait «cultivé» Trump en faisant appel à son ego et à ses ambitions commerciales. Il assure que les relations d'affaires du milliardaire américain en URSS puis en Russie ont renforcé ses liens avec les services secrets du Kremlin.
La première visite de Trump à Moscou en 1987 est généralement considérée comme un tournant dans sa vie. Le KGB utilisait souvent de tels voyages pour évaluer et recruter des agents potentiels en leur proposant entre autres des opportunités commerciales. Selon le magazine américain Politico, une lettre secrète du KGB datant des années 1980 conseillait aux agents de s'adresser à des «personnalités éminentes en Occident» et de les inciter à coopérer en tant qu'«agents» ou «contacts spéciaux».
Une chose est claire: après son voyage à Moscou, Trump a soudainement fait paraître des annonces pleine page dans de grandes publications américaines, dans lesquelles il critiquait la politique étrangère américaine et notamment l'Otan. Certains ont toujours soupçonné que ces actions avaient été influencées par des interactions avec des fonctionnaires soviétiques. Le président américain a continué de soutenir ces positions jusqu'à aujourd'hui.
Les liens présumés du milliardaire avec la Russie ont toutefois déjà fait l'objet d'une enquête approfondie dans le cadre d'une commission d'enquête lors de sa première présidence. Le rapport Mueller pour la procédure d'impeachment avait alors conclu que l'équipe de campagne de Trump avait en effet eu de nombreux contacts avec des responsables russes. Il n'a toutefois pas été possible de prouver l'existence d'une conspiration.
Le rapport bipartisan de la commission du renseignement du Sénat de 2020 a tout de même conclu que le directeur de campagne de Trump, Paul Manafort, avait partagé des données de sondage internes avec un agent de renseignements russe, ce qui a soulevé des inquiétudes quant à une influence indirecte.
Malgré ces constatations, Trump a toujours nié tout lien illicite avec la Russie. Il a rejeté les accusations en les qualifiant de «chasse aux sorcières» à motivation politique et de «canular russe». Il a toujours affirmé que ses relations avec des personnalités russes sont de nature purement commerciale.
Les nouvelles accusations ont rapidement fait le tour des Etats-Unis vendredi grâce à un article du site britannique Byline Times et à celui d'une journaliste indépendante de The Daily Beast, un magazine américain en ligne connu pour ses révélations. Mais quelques heures après sa publication, le texte a disparu du site, sans explication.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci