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Guerre contre l'Ukraine

Ces Ukrainiens refusent de «céder leur maison» à Poutine

Ievguen Sosnovsky n'avait jamais quitté le Donbass auparavant, mais l'arrivée des forces russes a précipité son départ de la région.
Ievguen Sosnovsky n'avait jamais quitté le Donbass auparavant, mais l'arrivée des forces russes a précipité son départ de la région. Image: AFP / montage watson

Avec les Ukrainiens qui refusent de «céder leur maison» à Poutine

Entre les combats de 2014 et l'invasion russe de 2022, la région du Donbass vit au rythme des missiles et des impacts. Poutine en a fait une priorité. Il y a aussi des millions habitants déracinés et suspendus aux pourparlers pour peut-être retrouver leur domicile.
14.09.2025, 15:5314.09.2025, 15:53
Florent VERGNES, Ukraine / AFP
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De Siverskodonetsk, Maryna garde surtout l'odeur des abricotiers, Ievguen, celle des embruns et des forges de Marioupol. Réfugiés près de Kiev, ils n'ont jamais revu le Donbass, aujourd'hui otage des pourparlers entre la Russie et l'Ukraine.

Ce territoire oriental, frontalier de la Russie, composé des régions de Donetsk et de Lougansk, est l'épicentre des combats depuis 2014, début d'une insurrection séparatiste soutenue par Moscou, suivie par l'invasion de 2022, qui a jeté des millions de personnes sur les routes.

Lors de négociations sous l'égide des Etats-Unis, Moscou a exigé le Donbass en échange d'un cessez-le-feu, bien que l'armée russe n'en ait pas le contrôle total.

Quand Washington a semblé réceptif à cette idée, début août, Maryna Terechtchenko est devenue «folle de rage».

Elle explique:

«Ça fait 11 ans que ma maison m'est inaccessible et ils veulent la céder aux Russes»

Lèvres tremblantes, elle nous tend un trousseau de clés «qui n'ouvrent plus rien». Depuis, les Etats-Unis ont assuré que toute question de concessions territoriales était une affaire de Kiev. Mais les efforts de paix sont bloqués.

Accepter des concessions?

Maryna, une journaliste de 24 ans, a fui en 2014 sa ville de Lougansk, capitale de la région éponyme, alors passée sous le contrôle de séparatistes. Elle est partie reconstruire sa vie à Siverskodonetsk, dans la même région, mais sous contrôle de Kiev, pour la quitter dix ans plus tard quand elle a vu débarquer les chars.

Cette fois, Maryna a pris la direction de Kiev, avec son chat, un livre de son grand-père et une poignée de photos qui «rentraient encore dans le sac».

«Tu es arraché à ta terre, comme une plante, et simplement jeté n'importe où, sans savoir si tu prendras racine, ça fait mal», dit la jeune femme qui «rêve» de pouvoir revenir chez elle. Et d'adresser un tacle à Trump:

«Pourquoi Trump ne donnerait-il pas l'Alaska à la Russie?»

Laisser le Donbass à la Russie serait «nier les milliers de vies perdues» dans les combats pour reconquérir la région, dit-elle.

Pour Kostiantyn Reoutsky, ancien militant des droits humains, lui aussi «privé de sa maison» de Lougansk en 2014, accepter de perdre le Donbass serait «bafouer la loi» ukrainienne. Si seulement 10% des Ukrainiens étaient prêts à accepter l'idée de concessions territoriales en échange de la paix en juin 2022, cinq mois après le début de l'invasion, ce chiffre était de 38% en juin 2025, d'après l'Institut international de sociologie de Kiev (KIIS).

Selon son directeur, Anton Grouchetsky, la plupart des déplacés du Donbass sont opposés à ces concessions. Et 57% des réfugiés de la région de Donetsk espèrent un jour revenir chez eux, selon l'ONU.

«L'essentiel était de survivre»

En 58 ans, Ievguen Sosnovsky n'avait lui jamais quitté Marioupol, dans le sud de la région de Donetsk. Jusqu'en 2022. Devenue symbole de la résistance ukrainienne, la cité est tombée aux mains de Moscou après des mois de siège et, selon Kiev, une vingtaine de milliers de civils tués.

Yevgen Sosnovsky expose les photos de sa maison détruite par l'armée russe.
Ievguen Sosnovsky expose les dégâts de son immeuble après les tirs de l'armée russe.Image: AFP

Dans sa fuite qu'il pensait d'abord temporaire, ce retraité amateur de photographie a caché aux soldats russes ses pellicules. Le reste de ses biens a brûlé avec sa maison. Des clichés qui témoignent d'un Marioupol où «la musique et le théâtre» ont été remplacés par les cadavres, parmi lesquels il a pris l'habitude de marcher. Sur l'une des photos, un jardin fleuri. Il y enterrera son beau-frère.

Ses yeux se figent, son visage tremble. Et Ievguen répète:

«L'essentiel était de survivre»

Il a fini par se faire à l'idée que l'Ukraine puisse reconnaître de facto les territoires occupés comme russes pour «arrêter les massacres» mais refuse que Kiev cède à Moscou le reste du Donbass.

Se sentir chez soi

A Donetsk, Lougansk et ailleurs, ceux qui sont restés vivent désormais sous administration russe. A Marioupol, la nouvelle municipalité a commencé la reconstruction de la ville sur «un tas d'os», dit Ievguen, sombre.

Aujourd'hui, les habitants se baignent à nouveau dans la mer d'Azov. Ievguen n'a jamais revu les vagues depuis. Les bruits des hauts fourneaux de Marioupol qui le réveillaient la nuit ont fini par lui manquer. «Certains s'adaptent, d'autres non», dit-il. Lui reste assis entre ses «quatre murs» à Kiev, que trois années n'ont pas suffi à transformer en maison.

Il conclut:

«Un jour, je m'y sentirai chez moi... peut-être»

Maryna, elle, a récemment acheté une maison de campagne à l'ouest de Kiev mais continue de garder ses vieilles clés, espérant qu'elle rouvriront un jour son appartement de Lougansk.

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