Selon l'ancien ambassadeur américain à Moscou, John J. Sullivan, les Etats-Unis surestiment la «ligne rouge» que se serait fixé le Kremlin. La peur de franchir cette limite et de froisser la Russie ne fait que retarder les livraisons d'armes à l'Ukraine. C'est ce qu'a déclaré le diplomate au portail d'information Newsweek.
Washington est le plus grand soutien de Kiev dans sa lutte contre l'ennemi voisin. Le premier a déjà débloqué 56 milliards de dollars pour la seconde sous forme d'aide militaire. Mais cela s'est à chaque fois fait sur la retenue, par crainte d'une éventuelle réaction de Poutine – notamment en raison de sa rhétorique nucléaire menaçante. John J. Sullivan estime:
Outre les systèmes d'armes tels que les missiles Javelin et Stinger, les HIMARS (High Mobilty Artillery Rocket System), les missiles ATACMS et les systèmes de missiles Patriot, les Etats-Unis auraient récemment accepté de livrer des avions de combat F-16. Ils sont arrivés au début de ce mois.
Malgré cela, Moscou n'a pas spécialement réagi. L'invasion de la région russe de Koursk par l'Ukraine la semaine dernière ne semble pas non plus avoir fait sursauter l'adversaire. Pour Sullivan, les choses sont donc claires: il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
Il plaide pour un changement de focale: mieux vaut regarder ce que les Russes ont fait ou n'ont pas fait, au lieu de constamment scruter les Etats-Unis. La «crainte d'une ligne rouge tracée par Poutine» ne devrait ainsi influencer ni la décision de livrer des armes ni le calendrier pour le faire. Poutine est déjà convaincu qu'il est en guerre avec les Etats-Unis et que «nous sommes un ennemi de la Fédération de Russie», déclare le haut fonctionnaire.
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Toutefois, Poutine ne veut pas d'un conflit nucléaire: «Personne n'en voudrait, et le président russe n'est pas fou». Mais cela ne veut pas dire qu'il faut traiter les menaces de Moscou à la légère. La réflexion reste de mise, car sinon, même sans guerre nucléaire, les conséquences seraient graves.
Alors que les élections présidentielles américaines auront lieu à la fin de l'année, l'ex-ambassadeur avoue qu'une victoire de Donald Trump ne serait peut-être «pas une bénédiction» pour l'Ukraine. Le républicain a par le passé affirmé pouvoir mettre fin à la guerre en très peu de temps. Mais sans préciser cependant comment il comptait y parvenir.
Son retour à la Maison blanche pourrait toutefois avoir pour conséquence un durcissement de l'attitude des Etats-Unis vis-à-vis du Kremlin. Toujours selon John J. Sullivan, les inquiétudes à propos d'une présidence Trump rejoignent celles qui entourent la soi-disant ligne rouge de Poutine: des craintes certes «réelles», mais «exagérées».
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)