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Guerre contre l'Ukraine

«L'Ukraine n'a pas encore connu son heure la plus sombre»

«L'Ukraine n'a pas encore connu son heure la plus sombre»

L'Ukraine est de plus en plus sous pression dans le Donbass en raison de trois problèmes majeurs. Des experts font le point sur la question.
02.05.2024, 06:1002.05.2024, 06:10
Simon Cleven / t-online
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t-online

Ces dernières semaines, les troupes russes ont réussi à progresser, notamment dans la région de Donetsk, s'emparant de plusieurs localités. L'Ukraine entrevoit de l'espoir de l'autre côté de l'Atlantique.

En effet, la semaine dernière, la Chambre des représentants américaine d'abord, puis le Sénat, ont approuvé un plan d'aide de 61 milliards de dollars pour l'Ukraine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'en est réjoui:

«C'est une décision qui nous sauve la vie»

L'Ukraine est en passe de recevoir les munitions et le matériel militaire dont elle a urgemment besoin. Il serait toutefois prématuré d'imaginer les troupes ukrainiennes repousser les Russes au-delà de leurs frontières. Car si l'aide militaire américaine atténue les problèmes des Ukrainiens, les obstacles à la victoire restent bien présents.

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Les problèmes du côté ukrainien se résument à trois points essentiels:

  1. Un approvisionnement insuffisant en munitions.
  2. Un manque d'hommes.
  3. Des installations de défense mal développées.

Les Etats-Unis ont fourni des armes. Les regards se tournent désormais vers le soutien européen.

Les munitions font défaut

Car si le paquet d'aide américain est d'une ampleur énorme, il est également entaché de deux problèmes. L'expert militaire Christian Mölling les expose dans un entretien avec t-online. D'une part, l'aide est bel et bien en train d'arriver «mais cela peut prendre un certain temps jusqu'à ce que les appareils et les munitions arrivent effectivement sur le front», explique Christian Mölling:

«D'autre part, même le paquet d'aide le plus important n'est pas inépuisable. Les soutiens de l'Ukraine doivent maintenant penser plus loin»

Christian Mölling dirige l'institut de recherche de la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik (DGAP). Il se concentre sur la politique de sécurité et de défense de l'Allemagne et des pays européens, les capacités militaires et l'industrie de l'armement.

«Les Européens n'ont plus beaucoup de temps», prévient l'expert. Avec les élections présidentielles prévues en novembre et la perspective d'un nouveau mandat de Donald Trump à la Maison Blanche, les Etats-Unis pourraient bientôt s'effacer. Les soutiens européens devront alors compenser. «Nous devons sortir de la mentalité des cadeaux de Noël», déclare Christian Mölling. Selon l'expert, les Ukrainiens devraient recevoir en permanence ce dont ils ont besoin pour gagner la guerre. «Un paquet d'armes tous les six mois ne suffit pas.»

Bientôt des recrues supplémentaires côté ukrainien

Le deuxième problème – le manque de personnel du côté ukrainien – est en train d'évoluer. A la mi-avril, le Parlement ukrainien a adopté une réforme de la loi sur la mobilisation qui devrait entrer en vigueur à la mi-mai et permettre d'enrôler jusqu'à 500 000 soldats.

Mais la loi ne fait pas l'unanimité. Dans le texte, la limitation du temps de service n'est pas mentionnée. Les consulats ukrainiens limitent depuis peu les services à l'étranger pour les hommes aptes au service militaire, afin de les inciter à rentrer chez eux et à s'engager sur le front.

L'analyste militaire polonais Konrad Muzyka estime que le manque de personnel est «le facteur clé qui aura le plus d'influence sur la situation au front dans les trois à quatre prochains mois». De nouveaux soldats arriveront progressivement sur le front, indique-t-il.

November 30, 2023, Kupyansk, Kharkiv region, Ukraine: Left to right: Ukrainian President Volodymyr Zelenskyy, Commander of the Ground Forces Oleksandr Syrskyi, chief of presidential staff Andriy Yerma ...
De gauche à droite: le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le chef de l'armée Oleksandr Syrsky, le conseiller à la défense, Andriy Yermak et le ministre de la Défense Rustem Umerov, en novembre dernier.Image: www.imago-images.de

Si l'Ukraine devait se retrouver dans une situation encore plus difficile, par exemple en cas de percée russe, il serait également possible de réduire la durée de leur formation. Cette situation n'augmente malheureusement pas les chances de survie des soldats.

Peu de défenses dignes de ce nom

Les observateurs s'inquiètent également de l'extension des installations de défense. Sur les images satellites des régions de Pokrovsk et Kostiantynivka à Donetsk, l'expert militaire Konrad Muzyka a jusqu'à présent surtout repéré des «positions ponctuelles», mais pas de lignes de défense fortifiées. Cela favorise les manœuvres de flanc que les troupes russes effectuent déjà dans ces régions. Ces dernières attaquent ainsi les positions ukrainiennes de plusieurs côtés. Et l'analyste de conclure:

«Nous ne pouvons qu'espérer que d'autres fortifications seront construites au plus profond de l'oblast de Donetsk»

Un ancien officier ukrainien, qui opère sur la plate-forme X sous le nom de «Tatarigami_UA», fait remarquer que les tranchées seules ne suffisent pas. Selon lui, la présence des drones nécessite, avant tout, une protection contre les attaques par l'air: Il est «essentiel que les abris et les tranchées soient bien protégés par des structures en béton et des filets anti-drones.»

La Russie gagne du terrain

Dernièrement, les positions de défense ukrainiennes à Donetsk ont été littéralement submergées par les troupes russes. Dans la localité d'Otcheretyne, une manœuvre de rotation ukrainienne qui devait permettre aux soldats de souffler a échoué. Les Russes ont avancé et se sont emparés du village au nord-ouest d'Avdiivka.

Les localités voisines de Novobakhmutivka, Solovjove, Novokalynove et au moins une partie de Keramik sont également tombées en très peu de temps aux mains des assaillants russes. Avec ces avancées, la Russie pourrait préparer une attaque à grande échelle contre la forteresse ukrainienne de Tchassiv Iar, qui est déjà activement disputée depuis des semaines.

L'analyste militaire Konrad Muzyka dresse un scénario sombre. Du point de vue de l'Ukraine, la situation sur le front est la «pire depuis mars 2022». La Russie pourrait renforcer ses avantages en termes de munitions, de matériel militaire et de personnel, tout comme le rythme de ses attaques. «L'Ukraine n'a pas encore connu son heure la plus sombre», écrit Konrad Muzyka. «Cela va bientôt commencer.»

Anticipation d'une offensive russe

L'expert militaire fait référence à une offensive majeure des forces armées russes, que les observateurs attendent au printemps ou au plus tard en été. Celle-ci pourrait pousser les défenseurs ukrainiens à la limite de leurs capacités. Christian Mölling, expert de la DGAP, estime lui aussi que «l'Ukraine travaille certes à une amélioration de la situation, mais que celle-ci restera probablement précaire pendant des mois. Les Russes profitent de ce temps.»

Selon Christian Mölling, il n'est toutefois pas encore possible de savoir si les forces armées russes vont effectivement lancer une offensive majeure prochainement. Il pourrait tout aussi bien s'agir, pour les indications souvent citées, d'une influence russe sur l'espace d'information. Mais il y a d'abord un jour important en Russie: le 9 mai, le jour de la victoire sur l'Allemagne nazie. «Et Poutine voudra sans doute montrer au moins un succès symbolique», explique-t-il.

«Il est toutefois difficile de dire à quoi cela peut ressembler», ajoute Christian Mölling:

«Les Russes savent toutefois que leurs possibilités s'amenuiseront avec le soutien accru de l'Occident à l'Ukraine. C'est aussi pour cette raison qu'ils intensifient désormais leurs attaques dans le Donbass.»

Les missiles ATACMS font pression sur la Russie en Crimée

Néanmoins, le paquet militaire américain suscite l'espoir d'une détente de la situation du point de vue de l'Ukraine. Les missiles à courte portée ATACMS, d'une portée allant jusqu'à 300 kilomètres, pourraient notamment aider l'Ukraine. Christian Mölling ne veut pas estimer si les succès retentissants souvent évoqués, voire le statut de «gamechanger», pourront être atteints.

Mais une chose est sûre aux yeux de l'expert: «la capacité permanente des Ukrainiens à pouvoir attaquer des cibles sur l'ensemble de la Crimée modifie drastiquement la zone de danger pour la Russie. Mais les Russes n'abandonneront pas pour autant la péninsule. Ce serait un suicide politique pour Poutine.»

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