Depuis le début du conflit, l'Ukraine réclame sans cesse à ses alliés davantage de systèmes de défense antiaérienne. Le principal reste sans doute celui baptisé «Patriot».
Au total, Kiev dispose de six de ces plateformes antimissiles, dont trois ont été mises à disposition par l'Allemagne. Mais Berlin a déjà annoncé son intention d'en acquérir deux autres pour les expédier à l'est. Cela devrait également faire l'objet de la visite du ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius, à Washington. Alors qu'est-ce que le système Patriot a de si spécial?
Le système Patriot (MIM-104) est un système de défense antiaérienne et antimissile au sol très sophistiqué, mis au point par les Etats-Unis depuis les années 1980. Patriot sert d'acronyme à «Phased Array Tracking Radar to Intercept on Target» (poursuite à antenne active pour intercepter des cibles).
La commande de phase, Phased Array en anglais, est une technique radar spécifique. Elle sert principalement à intercepter les missiles balistiques, les missiles de croisière et les avions. Au cœur du système: un radar puissant capable de suivre simultanément plusieurs projectiles. Les missiles PAC-3-MSE, des armes dites «hit-to-kill», détruisent ensuite leurs cibles par collision directe au lieu d'utiliser des ogives comme les missiles antiaériens classiques.
Il se compose de quatre éléments principaux: d'un radar, d'un centre de contrôle des tirs, de ses rampes de lancement et des missiles eux-mêmes. Le radar détecte les ogives en approche à grande distance et envoie les informations sur la cible à la centrale. Celle-ci décide, en général de manière automatisée, s'il faut éliminer ou non un objet volant et dirige ensuite les missiles vers lui.
Ceux-ci atteignent des vitesses allant jusqu'à Mach 5 (6174 km/h) et sont équipés de leurs propres têtes chercheuses. Dans la phase finale du vol, ils se dirigent tout seuls vers la cible. Les missiles ont une portée effective de 100 kilomètres et peuvent atteindre des objets à 34 kilomètres d'altitude.
Il fait partie de la défense aérienne ukrainienne depuis début 2023. Les Etats-Unis, l'Allemagne et d'autres pays ont mis à disposition des batteries supplémentaires. Elles servent avant tout à défendre les villes, Kiev le plus souvent, et les infrastructures critiques.
Dans la capitale, les systèmes permettent de repousser les attaques de missiles. Grâce à sa capacité à combattre simultanément différents types de cibles, le Patriot constitue un pilier central de la défense aérienne, notamment contre les menaces à haute altitude ou particulièrement rapides.
Dans le cas de l'Ukraine, l'efficacité n'est plus à prouver. En mai 2023, un missile hypersonique russe de type Kinschal a été abattu pour la première fois, soit un succès majeur sur le plan technologique. Plusieurs avions de combat russes, comme le Su-34, ont également été touchés par ce biais.
Kiev recourt à des subtilités tactiques pour protéger ses systèmes de défense, comme des déplacements fréquents des batteries, des camouflages et une logistique de maintenance rapide. Les systèmes demeurent ainsi opérationnels et difficilement repérables. Cette stratégie de «cible mouvante» s'est avérée efficace contre toutes sortes d'attaques.
Le système Patriot offre des avantages à plusieurs égards. Premièrement, il protège de manière fiable les cibles militaires et civiles, un facteur décisif pour la pérennité des infrastructures et l'endurance de la population.
Deuxièmement, la mise à disposition de Patriots par les pays occidentaux envoie un signal politique clair de solidarité et de soutien technologique à Moscou. Et troisièmement, tant l'Ukraine que les états fabricants profitent de l'expérience acquise lors d'opérations de guerre réelles, ce qui contribue au développement continu du système.
Malgré ses performances technologiques, le système Patriot a des limites claires. Ainsi, il ne peut être utilisé que contre des cibles d'une certaine taille. Autre point faible: sa disponibilité restreinte. Il ne protège pour l'heure qu'une partie du pays. De plus, chaque missile coûte cher: entre trois et huit millions de dollars selon les versions.
Son utilisation contre des drones bon marché ou lors d'attaques massives pose donc problème sur le plan économique. A cela s'ajoute le fait que les rampes fixes constituent elles-mêmes des cibles, et des missiles russes Iskander ont déjà endommagé ou détruit plusieurs d'entre elles.
D'un point de vue stratégique, le système a changé la donne dans le ciel ukrainien. Il oblige le Kremlin à mener des opérations plus complexes en réduisant considérablement l'efficacité des attaques de missiles conventionnels.
Dans le même temps, il confère à Kiev des avantages tactiques grâce à la création d'espaces protégés dans lesquels on peut construire des infrastructures ou concentrer des forces militaires. Néanmoins, le système ne peut pas modifier à lui seul le cours de la guerre en faveur de l'Ukraine. Il s'intègre dans un réseau de défense à plusieurs niveaux et doit être complété par d'autres moyens.
Non, surtout à cause du ratio coût-efficacité. Les critiques pointent du doigt un usage extrêmement coûteux contre des drones bon marché. De nombreux pays de l'Otan hésitent par ailleurs à livrer d'autres systèmes, de peur de mettre en danger leurs propres stocks.
On discute également de plus en plus de moyens alternatifs, comme le SAMP/T ou l'allemand IRIS-T, moins chers et plus flexibles. Ils n'offrent en revanche pas la même portée ou la même diversité de cibles que le Patriot. La controverse porte donc moins sur l'efficacité que sur l'efficience et la durabilité stratégique et économique du tout.
(Adaptation française: Valentine Zenker)