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Terreur à Kiev: J'ai survécu à la plus grande attaque de Poutine

Kiev, ou la terreur des bombes de Poutine. La capitale d'Ukraine a connu sa nuit la plus mouvementée. Des drones et des missiles par centaines se sont abattus sur la ville.
La capitale d'Ukraine, Kiev, a connu sa nuit la plus mouvementée. Des drones et des missiles par centaines se sont abattus sur la ville.Image: Sergey Dolzhenko/EPA, Keystone

Poutine bombarde mon quartier tous les soirs

La capitale ukrainienne est loin de la ligne de front, et pourtant, elle est en pleine guerre. A Kiev, les nuits sont rythmées par les sirènes, les explosions et la peur, raconte notre correspondant sur place.
26.05.2025, 19:4026.05.2025, 19:40
Denis Trubetskoy, Kiev / ch media
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Kiev n'est pas Kherson, ni Zaporijjia. D'un point de vue géographique, la capitale de l'Ukraine est loin du front. Tandis que dans les villes du sud-est, les bombes et les missiles s'abattent toutes les heures, souvent avant que l'alerte aérienne puisse être activée, à Kiev, les sirènes hurlent généralement à temps avant une attaque.

La pire attaque de Poutine

Vivre à Kiev n'est pas pour autant facile. Ces temps-ci, les nuits sont particulièrement agitées. Dans la nuit de samedi à dimanche, la Russie a mené son attaque aérienne la plus massive à ce jour contre l'Ukraine: près de 300 drones et environ 70 missiles balistiques et missiles de croisière se sont abattus sur la ville. Ce n'était pas agréable. Et surtout pas à Obolon, le quartier nord de Kiev où je vis.

Notre correspondant à Kiev, Denis Trubetskoy
Notre correspondant à Kiev, Denis Trubetskoy.Image: dr

J'ai déménagé à Obolon en 2018 parce que c'était considéré comme un quartier calme et bourgeois, soit un endroit idéal pour dormir et vivre. Le président Volodymyr Zelensky y vivait également avant d'être élu en 2019. Mais tout a changé le 24 février 2022. Si l'avancée russe avait réussi, elle serait probablement passée précisément par Obolon pour atteindre la capitale.

Heureusement, la défense ukrainienne a réussi à empêcher ce scénario. Il n'en reste pas moins que les quartiers périphériques de Kiev, comme Obolon, sont actuellement particulièrement menacés par les frappes aériennes russes.

Car ici, à la périphérie, la défense antiaérienne intervient très tôt et abat souvent les missiles et les drones juste au-dessus de nos têtes

Depuis l'automne dernier, il ne se passe pratiquement pas une nuit sans qu'il y ait une attaque. La production de drones russes a nettement augmenté et Kiev se fait attaquer presque un soir sur deux, à moins qu'une «trêve» mise en scène par Moscou ne soit annoncée à l'occasion de la fête orthodoxe de Pâques ou du «jour de la victoire». Chaque jour, la question de savoir comment faire face à cette situation se pose à nouveau.

Une habitante de Kiev passe dimanche devant un immeuble d'habitation gravement endommagé la nuit précédente par des missiles russes.
Une habitante de Kiev passe dimanche devant un immeuble d'habitation gravement endommagé la nuit précédente par les missiles russes.Image: Sergey Dolzhenko/EPA

La fuite dans le bunker, pas toujours conseillée

Courir se réfugier dans un abri antiatomique semble peut-être logique, mais ce n'est pas toujours conseillé. En effet, on risque tout autant d'être touché par des débris en chemin pour l'abri que si l'on reste dans son appartement. On reste donc chez soi et on dort dans le couloir, si possible loin des fenêtres. Il est peu probable qu'un drone vole directement dans l'appartement, mais les vitres qui éclatent sous l'effet des ondes de choc représentent un réel danger.

Garder son matelas dans le couloir est depuis longtemps devenu la norme à Kiev

Les bruits d'explosion restent toujours aussi effrayants, on ne s'y habitue jamais vraiment. C'est particulièrement douloureux lorsque quelque chose de familier est touché. Il y a trois semaines, une roquette s'est abattue sur un centre commercial, le lendemain de l'anniversaire de ma compagne.

Constater les dégâts, une souffrance psychique

C'est un endroit qui avait joué un rôle décisif dans ma décision de déménager à Obolon. Dans la nuit de vendredi à samedi, un autre centre commercial a été touché. C'est précisément là que nous avions prévu d'aller au cinéma quelques jours plus tard. Lorsqu'on entend des explosions en pleine nuit, on sait rarement ce que les bombes russes ont touché. Mais le lendemain matin, on doit souvent faire une croix sur un autre lieu que l'on appréciait.

Ce week-end, Kiev a célébré la «Journée de la ville». Autrefois, le dernier week-end de mai était une grande fête populaire. Aujourd'hui, c'est un acte de résistance. Les habitants de Kiev ne renoncent pas à ce jour férié, mais l'ambiance festive n'est pas la même. Un verre de champagne peut-être, mais la fatigue et l'irritation prennent le dessus.

«Bien plus qu'une simple provocation»

Ça ne sert à rien de se demander si la Russie a précisément choisi ce jour de fête pour lancer sa plus grande attaque de drones contre la capitale ukrainienne. Il est désormais bien connu que Moscou aime choisir des dates symboliques pour de telles attaques. Mais celle-ci était bien plus qu'une simple provocation.

En effet, l'Ukraine a ses propres triomphes. Par exemple, ses attaques de drones sur les aéroports russes près de Moscou. Les interruptions du trafic aérien y sont exaspérantes pour le Kremlin.

La réponse russe ne se fait pas attendre et prend la forme de représailles massives

Ainsi, dans la nuit de samedi à dimanche, des missiles de croisière et des missiles balistiques se sont joints aux drones tirés sur l'Ukraine. Ces missiles nécessitent des systèmes de défense antiaérienne efficaces, comme les missiles antiaériens «Patriot», fournis par les Etats-Unis.

Donald Trump a sa part de responsabilité

C'est précisément là qu'un dilemme apparaît. Car après l'expiration des paquets d'aide américains sous la présidence de Joe Biden, l'avenir de la défense aérienne ukrainienne ne tient plus qu'à un fil. Donald Trump promet de mettre rapidement fin à la guerre, mais ses tentatives de pression sont presque exclusivement dirigées contre l'Ukraine. Condamner clairement les attaques russes ne semble pas du tout faire partie de sa stratégie.

Trump ne précise pas non plus comment l'Ukraine, plus faible, pourra se défendre sans soutien américain supplémentaire alors qu'elle se fait brutalement attaquer chaque jour. Et tandis qu'à Washington, on discute de diplomatie avec Poutine, des missiles explosent à Obolon. L'approche diplomatique de Trump n'est pas forcément mauvaise en soi. Mais le déroulement des discussions jusqu'à présent n'a fait que mettre en évidence le fait que la Russie continue de maintenir ses exigences maximales irréalistes.

Cette guerre n'est pas «absurde», comme le suggèrent de nombreuses platitudes politiques. La Russie veut récupérer son grand empire perdu, et l'Ukraine doit défendre son indépendance et son avenir contre cet impérialisme. Ceux qui ont vécu les nuits ponctuées d'explosions à Kiev le savent: sans soutien, le prix de cette défense est très élevé.

Et si ce soutien venait à se tarir, la responsabilité de la suite du destin de l'Ukraine n'incomberait pas seulement à Moscou, mais aussi à Washington.

Si des gens continuent à mourir à Obolon, Donald Trump portera lui aussi une part de responsabilité

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
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Des drones russes traquent des civils en Ukraine
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