Hormis le vent, qui soufflait fort, c'était une matinée parfaite qui s'annonçait lorsque Thierry Leduc s'est assis devant son ordinateur pour une conférence téléphonique le 7 janvier. Du haut de sa colline, par-dessus les palmiers et les eucalyptus, l'entrepreneur contemplait le Pacifique scintillant sous un ciel sans nuage, jusqu'à la jetée de Santa Monica.
Mais à 10 heures, les sirènes ont retenti. Un nuage de fumée s'est élevé de l'autre côté du canyon. Sa femme Katharina et ses deux filles, Julie, 15 ans, et Clara, 12 ans, venaient de partir en Allemagne, pays d'origine de madame. Lui ne voyait aucune raison de paniquer, mais il a néanmoins évacué après avoir entendu l'alerte.
Hébergé chez des amis, il a suivi les informations et consulté les images de sa caméra de sécurité. D'abord soulagé, il a vu quatre camions de pompiers s'arrêter à la bouche d'incendie devant sa maison.
A quelque 35 kilomètres au nord-est de chez les Leduc, Rob et Rachelle Smith s'apprêtaient à passer une fin de journée tout aussi agréable. Après le dîner, ils se sont installés sur le canapé pour regarder la télévision. Puis ils ont reçu un premier message sur un groupe WhatsApp de quartier:
Pas très loin, donc. Un peu plus tard, un voisin frappe à la porte. De sa maison, il pouvait voir des flammes.
Dans le stress, elle n'a pas retrouvé son alliance. «J'ai éclaté en sanglots.»
Rob l'a aidée à chercher. Mais il fallait évacuer au plus vite; le feu se rapprochait dangereusement. Il ne s'est écoulé que 15 minutes entre l'arrivée du voisin et la fuite en voiture. Mais à peine sur la route, le couple se retrouve pris dans les embouteillages. «On se serait crus dans Armageddon. Dans ma tête, tous les feux de circulation étaient au rouge et à gauche, il n'y avait que des flammes. C'était tellement effrayant», raconte Rachelle. Le couple a réussi à se réfugier chez la mère de la Californienne. En temps normal, le trajet dure 40 minutes, ce soir-là, il a paru durer une éternité.
De vastes zones de Los Angeles sont toujours en feu aujourd'hui. La police et la garde nationale sécurisent les zones d'évacuation. Les lignes électriques ont été arrachées, les conduites de gaz fuient. A cela s'ajoutent des pilleurs qui profitent de la situation chaotique.
Il y a quelques jours, Thierry Leduc a trouvé un moyen de contourner les barrages. Il lui fallait à tout prix savoir si le hamster et le lapin étaient encore en vie, explique-t-il. Les collines derrière sa maison, il les connaît comme le fond de sa poche. Sur son VTT, il est passé devant des ruines encore fumantes, mais aussi devant un bâtiment qui semblait complètement intact. Il a alors senti une bouffée d'espoir dans la poitrine, juste avant de négocier le prochain virage. Là, il n'a découvert que de la fumée, des gravats et de l'acier tordu. Les restes de sa cheminée se dressaient comme une pierre tombale parmi les décombres.
Son inspection lui a confirmé qu'il n'avait rien à sauver. Tout avait fondu. Il ne sait pas non plus comment il annoncera à ses filles la disparition de leurs animaux.
Cet Américain avait acheté la petite maison de Pacific Palisades il y a 30 ans. Il en avait fait un petit paradis pour sa famille, avec piscine et jardin.
A Altadena, Rob et Rachelle Smith sont longtemps restés dans l'inconnu. Mercredi après-midi, un voisin leur a envoyé un message: «Vous voulez savoir ce qui est arrivé à votre maison»? A voir l'expression du visage de son époux, Rachelle a immédiatement compris. Tous deux ont alors éclaté en sanglots.
Comme des milliers d'autres sinistrés à Los Angeles, Thierry Leduc, Rob et Rachelle Smith sont au tout début de la reconstruction. Ils trient leurs papiers, se renseignent sur les demandes d'assurance, les permis de construire et les fonds fédéraux. Ils sont reconnaissants d'avoir, contrairement à beaucoup, des économies et une bonne assurance. Et ils se disent touchés par les dons et les propositions d'aide.
Les Smith entendent bien retourner à Altadena. La catastrophe a encore plus soudé le quartier, affirme Rob.
Thierry Leduc est reconnaissant que lui et sa famille aient survécu aux incendies, mais il a du mal à accepter que les pompiers - impuissants - aient quitté les lieux. «C'est comme si on t'avait volé quelque chose», détaille-t-il. Sa famille n'est pas encore sûre de pouvoir rentrer. Lui a demandé un passeport en urgence et est en route pour rejoindre sa femme et ses filles en Allemagne. «Nous allons voir si la ville peut à nouveau sécuriser Pacific Palisades. Pour l'instant, j'en doute». Selon lui, il faut aussi tenir compte du changement climatique.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)