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Interview

«On savait que Poutine était sans scrupules, mais on l'a mal jugé»

Ukrainian soldiers take positions outside a military facility as two cars burn, in a street in Kyiv, Ukraine, Saturday, Feb. 26, 2022. Russian troops stormed toward Ukraine's capital Saturday, an ...
Un soldat ukrainien se positionne devant une installation militaire à Kiev. image: keystone
Interview

«On savait que Poutine était sans scrupules, mais on l'a mal jugé»

Julia Friedrich, experte en politique de l'Europe de l'Est, vivait à Kiev jusqu'à récemment. Où se trouve-t-elle actuellement? S'attendait-elle à l'invasion de l'Ukraine par la Russie? Elle décrit sa situation dans une interview pour watson.
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28.02.2022, 22:3308.05.2023, 19:32
Helene Obrist
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Madame Friedrich, vous travaillez pour le Global Public Policy Institute à Berlin depuis Kiev. Y êtes-vous encore actuellement?
Je suis à Berlin depuis deux semaines. Mais toute ma vie est encore à Kiev. C'est terrible ce qui se passe en ce moment.

Vous attendiez-vous à une attaque de la Russie contre l'Ukraine?
Je dois être honnête: je ne m'attendais pas à une attaque aussi rapide et aussi flagrante. Personne ne pouvait vraiment l'imaginer. La possibilité d’une attaque ouverte de la Russie contre l'Ukraine avait été écartée par les experts.

Julia Friedrich est chercheuse au Global Public Policy Institute (GPPi) à Berlin et experte en politique est-européenne.
Julia Friedrich est chercheuse au Global Public Policy Institute (GPPi) à Berlin et experte en politique est-européenne.image: zvg

Est-ce parce qu'on a sous-estimé le président russe Vladimir Poutine?
Je ne dirais pas sous-estimé. On savait qu'il était un dirigeant sans scrupules. Mais on l'a mal jugé.

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Les Etats-Unis ont publié au préalable des informations des services de renseignement et mis en garde contre une attaque.
Beaucoup de personnes ont pensé qu'il s'agissait d'une stratégie de dissuasion des Etats-Unis. Selon la devise: si la stratégie russe devient publique, ils n'envahiront pas l'Ukraine.

Il en a été autrement.
L'attaque contre l'Ukraine sort du cadre. Jusqu'à présent, on comprenait la politique étrangère russe autrement.

Comment?
La Russie nie la souveraineté ukrainienne depuis des années. Ce n'est pas nouveau. Mais jusqu'à présent, la Russie attendait toujours une provocation plus «évidente». Avant le début de la guerre en Géorgie en 2008, la Russie avait dit que les soldats géorgiens avaient tiré les premiers. Lors de l'annexion de la Crimée, on a également essayé de trouver des prétextes pour justifier l'invasion russe. C'est différent dans ce cas.

«Les raisons données par Poutine pour bombarder l'Ukraine ne sont plus crédibles. Elles sont uniquement politiques»

La Russie envahit le pays voisin avec des missiles, des soldats et des chars. Quelle signification cette action a-t-elle pour la paix en Occident?
Poutine a fait fi des principes établis et des traités de droit international. Il a piétiné l'ordre de paix européen. La Russie mène une guerre d'agression ouverte contre un pays européen. Il s'agit de la plus grande rupture depuis 1945.

Ni les Etats-Unis ni l'Otan ne réagiront par des moyens militaires. L'Occident est-il impuissant face à la Russie?
Même si les options militaires ne sont pas envisagées, l'Occident n'est pas complètement impuissant. Vladimir Poutine sait que l'Otan et les Etats-Unis n'enverront pas de troupes. Il joue visiblement de la situation. Dans son discours, il a déclaré que la Russie réagirait avec des mesures sans précédent si d'autres pays se défendaient militairement.

Cela signifie que l'Occident ne peut qu'observer?
Poutine est prêt à tirer, pas nous. L'UE et les Etats-Unis ont toutefois des possibilités de sanctions. Elles ne sont pas encore épuisées. Je ne sais pas s'il est judicieux d'attendre de nouvelles étapes d'escalade. La Russie envahit l'Ukraine. Le pire des scénarios est déjà arrivé. Il faut réagir avec les mesures les plus strictes.

Que se passera-t-il si la Russie parvient à occuper l'Ukraine? Poutine se dirigera-t-il alors vers le nord-ouest et attaquera-t-il les pays baltes?
Je ne l'exclurais pas complètement. Mais des pays comme la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie sont des alliés de l'Otan. Attaquer ces pays, c'est une autre paire de manches. L'Otan devra également mener des discussions sérieuses sur les conflits armés et augmenter sa présence à l'Est. Ce sont plutôt d'autres régions qui m'inquiètent.

Lesquelles?
Je considère que le risque d'une invasion russe en Moldavie et en Transnistrie est plus grand. Des «forces de maintien de la paix» russes y sont déjà stationnées depuis le début des années 90. Elles soutiennent un régime non reconnu internationalement. Il n'est pas exclu qu'un autre front s'y ouvre.

Vendredi, on a soudain entendu dire que la Russie était prête à entamer des négociations de paix. Peut-on se fier à cette annonce?
Je me demande si c'est vraiment sérieux. Il faudra attendre. Et avant que l'Ukraine ne négocie la paix, il faudrait que les troupes russes se retirent du pays.

Est-il possible de rétablir un ordre de paix européen avec la Russie?
Tant que Poutine sera au pouvoir, j'ai du mal à imaginer un nouvel ordre de paix. Un ordre de sécurité européen ne fonctionne que si tous les membres respectent les dispositions légales, comme le droit international. Poutine aspire au pouvoir et ne respecte pas le droit international.

Combien d'habitants de la Russie soutiennent les projets de leur dirigeant?
Pour beaucoup, la situation est extrêmement difficile. L'année dernière, de grandes manifestations ont eu lieu lorsque l'opposant russe Alexeï Navalny a été arrêté. Celles-ci ont été sévèrement réprimées. Jeudi, plus de 1700 personnes ont été arrêtées dans 44 villes parce qu'elles manifestaient contre la guerre. Protester est une action dangereuse en Russie, c'est pourquoi les manifestations sont jusqu'à présent peu nombreuses. En outre, de nombreuses personnes se sont retirées de la politique. Mais ce n'est pas le cas de tous les Russes.

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Que va-t-il se passer maintenant pour vous? Allez-vous retourner à Kiev?
Je l'espère. Mais pour l'instant, rentrer passe au second plan. Il faut d'abord aider la population civile en Ukraine. Beaucoup veulent quitter le pays le plus rapidement possible. La communauté internationale ne doit pas seulement prendre des sanctions contre la Russie, mais aussi se préparer à ce qui va suivre. Une aide humanitaire sera nécessaire sur place. Les pays voisins de l'Ukraine doivent eux aussi se préparer à accueillir d'innombrables personnes qui ont fui.

(Traduit de l'allemand par Julie Rotzetter)

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Un bâtiment en flammes après un bombardement russe, Kiev.
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