La monnaie nationale iranienne, le rial, a atteint un nouveau plus bas historique. Lundi au change, il fallait débourser pas loin de 600 000 rials pour un dollar — du jamais vu. Logiquement, une ruée massive sur les bureaux de change en a suivi. Les gens sont prêts à payer n'importe quoi pour acquérir du dollar.
Et cette chute libre n'est pas terminée. Dans les marchés de la capitale iranienne, de nombreux grossistes et les détaillants ont préféré fermer, refusant purement et simplement de vendre leurs produits car ils craignent ne pouvoir rien faire de la monnaie qui leur est donnée.
Dans toutes les strates de la production, c'est la gabegie. Le syndicat des boulangers a appelé ses membres à faire grève. Les employés des usines de sucre et d'acier ont arrêté de venir travailler à la chaîne. En conséquence, le prix des produits alimentaires de base a considérablement augmenté.
Cela ne va pas mieux pour la vente de produits étrangers. Un exemple parlant: selon le quotidien Etemad, le prix d'un iPhone 13 Pro Max, vendu en Occident pour 2000 dollars, vaut en ce moment... 1,2 milliard de rials.
Autre élément clé de l'économie iranienne en danger: le pétrole. Le régime a réussi jusqu'à présent à éviter une grève générale des travailleurs du domaine pétrolier en accordant des augmentations de salaire supplémentaires.
Mais cela sera-t-il suffisant? Dans les cercles dirigeants de Téhéran, on s'agite. Et ce, au regard de l'histoire: on est conscient que c'est une grève des travailleurs pétroliers qui a précipité la fin définitive du régime du Shah lors de la révolution de 1979. Et à l'époque, la situation sur le front de la monnaie était bien moins grave: il ne fallait alors payer «que» 70 rials pour un dollar.
L'histoire se répétera-t-elle au cours des prochaines semaines ou mois? Cela dépendra du gouvernement. Depuis la mi-septembre de l'année dernière, lorsque le rial a commencé sa chute libre avec le début des protestations populaires contre le port du voile, le régime s'efforce en vain de surmonter la grave crise économique et financière qui s'ajoute à la première, sociale.
L'impuissance et l'absence de bon sens du régime sont illustrées par les déclarations du ministre de l'économie, Ehsan Khanhouzi. Samedi dernier, il a tenté de convaincre le Parlement que des forces cachées étaient responsables du chaos sur les marchés financiers iraniens. Selon lui, «des saboteurs» ont été identifiés et les renseignements «vont bientôt s'occuper de ces personnes».
Si on ne sait pas exactement quel ennemi intérieur ou extérieur du régime est pointé du doigt. Ce qui est sûr c'est que, conspiration ou non, c'est la peine de mort qui attend ces «saboteurs». Le régime croit-il vraiment qu'éxécuter quelques opposants politiques permettra au rial de se redresser magiquement?
Face au désespoir de la situation, même les médias pro-régime appellent à une motion de censure contre certains ministres ou au remplacement du président Ebrahim Raïssi et de son «équipe incapable et incompétente».
Vraisemblablement, le rial ne pourrait être sauvé que grâce à un changement radical de cap en politique étrangère, ce qui a peu de chances d'arriver. Selon des diplomates occidentaux à Téhéran, «seule une reprise des négociations sur le nucléaire de l'Accord de Vienne par le régime» ainsi qu'une «volonté réelle de conclure un nouvel accord» pourraient éventuellement permettre une détente économique.
La crise financière en Iran peut également être interprétée au vu de sa coopération militaire étroite avec la Russie et aux sanctions supplémentaire qui ont été imposées à l'Iran à cette occasion. D'autant que le régime intensifie ses relations avec Moscou et que d'autres sanctions sont à prévoir.
Le cercle vicieux présent sur le marché des devises ne pourra pas être arrêtée à court terme en raison de l'entêtement du régime. Sans parler de l'effet des manifestations réprimées dans le sang.