La semaine dernière, Joe Biden assurait qu'Israël allait suspendre ses opérations dans la bande de Gaza pendant le ramadan. Le président américain ajoutait qu'une trêve pouvait être instaurée d'ici ce lundi. On n'y est pas encore. Les négociations en cours au Caire ont été suspendues, alors que les bombardements israéliens sur l'enclave palestinienne se poursuivent.
La situation sur le terrain reste extrêmement précaire. La réponse militaire israélienne aux attaques du 7 octobre 2023 a causé «des destructions et des souffrances sans précédent pour les civils de Gaza», mettait récemment en garde l'ONU. L'organisation ajoutait que «des violations manifestes du droit international ont été commises» par les forces armées israéliennes.
Fin février, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH), Volker Türk, précisait:
Les crimes de guerre que l'armée israélienne est accusée d'avoir commis à Gaza ont été recensés dans un rapport de l'ONU diffusé le 23 février dernier. Le document ne couvre que le premier mois de guerre, mais les incidents y figurant sont nombreux. Des publications plus récentes permettent de le compléter, afin d'élaborer une liste des principaux cas. Les voici.
Le lendemain de l'attaque du Hamas, Israël a imposé un siège total à la bande de Gaza. Du 8 au 21 octobre, toute fourniture d'aide, de nourriture, de carburant et d'électricité a été bloquée. Depuis, «Israël continue d'entraver l'aide humanitaire», peut-on lire dans le rapport de l'ONU.
Or, poursuit, la publication, «le blocus et le siège imposés à Gaza s'apparentent à une punition collective et peuvent également constituer une méthode de guerre fondée sur la famine». Ces deux actes «constituent des crimes de guerre», rappelle l'ONU. Amnesty International dénonçait, le 12 octobre déjà, «une punition collective cruelle et inhumaine».
La réponse militaire israélienne a débuté par des frappes aériennes massives sur l'enclave palestinienne, et les bombardements ont continué depuis. «Des milliers de tonnes de munitions ont été déversées par Israël sur Gaza», affirmait Volker Türk, «y compris des armes explosives à large rayon d'impact».
Ces armes peuvent «entraîner la rupture des organes internes et une chaleur si intense qu’elle provoque des brûlures profondes», poursuivait le responsable onusien, qui affirmait qu'elles ont été larguées sur des zones «densément peuplées». Le rapport liste «trois cas emblématiques», survenus dans un camp de réfugiés et un quartier de Gaza City. Les frappes, que l'ONU a pu documenter, ont tué des dizaines de civils.
«Un certain nombre de mesures auraient pu contribuer à réduire le nombre de victimes civiles», estiment les auteurs du rapport: un choix d'arme différent, ainsi que l'utilisation de sirènes d'alerte aérienne. Or, poursuivent-ils, «aucun avertissement n'a été donné et aucun effort n'a été fait pour évacuer les bâtiments résidentiels».
De telles attaques sans discrimination, entraînant la mort de civils ou des «dommages excessifs» à leur encontre, «constituent un crime de guerre», selon le rapport. Et Volker Türk de compléter:
Ces bombardements ont provoqué des «dégâts généralisés» à l'infrastructure civile de l'enclave. Fin octobre, on estimait déjà qu'«environ 45% des logements de Gaza avaient été détruits ou endommagés». Cela «soulève de sérieuses inquiétudes quant au respect du droit humanitaire international par Israël», poursuit le document, qui souligne que «les biens de caractère civil doivent être protégés contre les attaques».
Les frappes israéliennes n'ont pas épargné les hôpitaux, les écoles et les sites culturels, déplore le rapport. Ces structures ont été la cible d'attaques «d'une ampleur et d'un nombre sans précédent».
Israël soutient que les combattants du Hamas se servent de ces infrastructures pour mener des opérations militaires. Cela constitue un crime de guerre, affirme le document. Avant de préciser:
Le 12 octobre, les autorités israéliennes ont ordonné à plus d'un million de Gazaouis de quitter le nord de la bande dans les 24 heures. Cela a provoqué un flux massif de déplacés vers le sud, «alors même que les bombardements aériens se poursuivaient», déplore le rapport. L'exode s'est poursuivi depuis et, aujourd'hui, «La quasi-totalité de la population de Gaza a été déplacée de force», estime Volker Türk.
Selon le droit international, toute évacuation doit se produire dans des conditions humanitaires «satisfaisantes» pour les personnes déplacées. Des conditions qu'Israël, «en tant que puissance occupante, est légalement tenu de fournir». Or, affirme l'ONU, «le pays n'a pas tenté de respecter cette obligation».
«Les personnes concernées devaient effectuer au moins une partie du trajet à pied et aucune aide n'était prévue pour les personnes à mobilité réduite», poursuit le rapport. Environ 1,4 million d'individus ont été «contraints à vivre dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité».
Les Nations unies font également état de potentielles exécutions illégales de civils palestiniens. Le 20 décembre, le HCDH rapportait que «les forces israéliennes auraient sommairement tué au moins 11 Palestiniens non armés devant les membres de leur famille dans un quartier de Gaza». L'organisation a pu «confirmer les meurtres», même si «les détails et les circonstances sont encore en cours de vérification».
Le rapport de l'ONU liste plusieurs cas survenus en Cisjordanie, où «les forces israéliennes ont fait un usage inutile ou disproportionné de la force meurtrière». De nombreux Palestiniens ont été tués, et certaines de ce décès pourraient être qualifiées d'«homicides volontaires». Plusieurs victimes étaient des enfants.
Israël est également accusé d'avoir fait emprisonner des milliers de Palestiniens pour des raisons «préventives». Plus de 7000 seraient «détenus arbitrairement» en Cisjordanie occupée, selon Volker Türk. «Les arrestations ont souvent été brutales, accompagnées de coups, d'humiliations et de traitements inhumains et dégradants qui, dans certains cas, s'apparentent à de la torture», complète le rapport.
Des «détentions massives» ont également été signalées dans le nord de la bande de Gaza, affirmait en décembre dernier l'ONU. «De nombreuses informations indiquent que beaucoup de personnes détenues ont été soumises à de mauvais traitements», pouvait-on lire dans un communiqué.
Les Nations unies rappellent que «la torture et les autres mauvais traitements, y compris les atteintes à la dignité de la personne, sont strictement interdits par le droit international, quel que soit le statut du détenu».
Les responsables de l'ONU appellent à ce que «les responsabilités soient établies» et demandent «un accès total à Israël et au territoire palestinien afin d’enquêter sur les potentielles violations des droits humains».
«Il semble qu’il n’y ait pas de limites, pas de mots pour décrire les horreurs qui se déroulent sous nos yeux à Gaza», affirmait Volker Türk. Et de conclure: