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JO 2024: Pourquoi la cérémonie d'ouverture fait polémique

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Le spectacle d'ouverture des JO de Paris, vendredi, suscite la controverse.Image: EPA

La cérémonie d'ouverture des JO fait polémique

Personne n'en a encore rien vu, mais on en connaît l'esprit: le spectacle d'ouverture des JO de Paris, vendredi, suscite la controverse sur le message qu'est censée transmettre une telle cérémonie. Le regard critique d'un professeur de l'Université de Lausanne sur l'approche des organisateurs.
24.07.2024, 06:0024.07.2024, 10:24
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La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, avec sa grande parade fluviale d’une longueur de 6 km, vendredi, sur la Seine, promet d’être grandiose. Mais grandiose comment? Cette question fait polémique. Une polémique comme le calme avant la tempête. Car personne n’a encore rien vu de la cérémonie, entourée du plus grand secret pour garantir l’effet de surprise.

Mais les intentions de ses concepteurs sont connues: il s'agit de déjouer «les stéréotypes nationaux». De quoi alimenter la controverse. Laquelle a tout à voir avec l’idée que les uns et les autres se font de la France, de son passé, de son présent, de son futur. Une dispute idéologique, dans l'air du temps.

Dans une interview au journal Le Monde parue le 16 juillet, l'historien Patrick Boucheron déclarait:

«La cérémonie d’ouverture de Pékin, en 2008, c’est exactement tout ce que nous ne voulions pas faire: une leçon d’histoire adressée au monde depuis le pays d’accueil, une ode à la grandeur et une manifestation de force»
Patrick Boucheron, dans Le Monde

Professeur au Collège de France, le graal du professorat, Patrick Boucheron, qui a appelé à voter pour le Nouveau Front populaire lors des élections législatives face à la menace de l’extrême droite, est une sommité dans son domaine, l’histoire médiévale. Il fait partie de l’équipe qui a été chargée d’élaborer un scénario pour la cérémonie d’ouverture autour du metteur en scène Thomas Jolly.

Le livre qui avait mis le feu aux poudres

L’historien, qui avait voté pour Emmanuel Macron en 2017, s’oppose au «roman national», à une histoire toute faite de l’identité de la France, comme gravée dans le marbre. Le titre de l'ouvrage collectif qu’il avait coordonné, «Histoire mondiale de la France», paru en 2017, donnait le ton: le monde a fait et continue de faire la France.

Sa sortie avait provoqué l’ire des intellectuels de droite ou qualifiés de «réacs», attachés à l’idée d’un récit national adossé au patrimoine et aux œuvres culturelles, entre autres littéraires, qui rendent la France «aimable et admirable» aux yeux du monde, défendait ainsi Alain Finkielkraut, la bête noire, et réciproquement, de Patrick Boucheron. «Ni Rabelais, ni Ronsard, ni La Fontaine, ni Racine, ni Molière, ni Baudelaire, ni Verlaine, ni Proust» ne figurent dans les 800 pages d'«Histoire mondiale de la France», déplorait le philosophe il y sept ans.

Patrick Boucheron et sa «fable multiculturaliste»

Aujourd’hui, réagissant à l’interview du Monde, c’est au tour de l’essayiste Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, d’adresser une pique à Patrick Boucheron, renvoyé à sa «fable multiculturaliste»:

«Patrick Boucheron, spécialiste acceptable des villes italiennes médiévales, a passé sa vie à fustiger les historiens du "roman national" qui selon lui enrôlent l'histoire à des fins idéologiques. Pourtant lui aussi est un idéologue. Non pas au service du roman national, mais de la fable multiculturaliste.«
Eugénie Bastié, le 16 juillet, sur X.

Et Le Puy du fou?

Bref, vendredi, à partir de 19h30, les téléspectateurs du monde entier ne devraient pas assister à un spectacle façon «Puy du fou», du nom de ces sons et lumières médiévaux qui font un tabac en Vendée. Ce que Julien Abbas, un jeune membre du parti de droite Les Républicains, regrette amèrement. Sur X, il écrivait, le 17 juillet:

«Dans une France gouvernée avec fierté et dignité, la mise en scène de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques aurait été confiée à Nicolas de Villiers et aux équipes du @PuyduFou qui a encore reçu en 2024 le prix du Meilleur spectacle au monde!»

Nicolas de Villiers est le fils de l’ancien ministre et très conservateur Philippe de Villiers, le fondateur du «Puy du Fou».

Un défilé mémorable de 1989 source d'inspiration

Dans le spectacle d’ouverture des Jeux, il n’y aura pas d’«esprit de sérieux», pas ou «pas seulement ces fameuses valeurs philosophiques traditionnelles que la France exhibe volontiers avec parfois trop d’assurance», indique, au Monde toujours, l’écrivaine Prix Goncourt Leïla Slimani, qui a participé à l'écriture du scénario de la cérémonie avec Patrick Boucheron.

Ce dernier dit avoir voulu s’inspirer de la cérémonie imaginée par Jean-Paul Goude pour le bicentenaire de la révolution française, en 1989.

«Le défilé (réd: sur les Champs-Elysées, de nuit) déjouait les stéréotypes nationaux et ne craignait pas de prôner le "métissage planétaire" avec un optimisme que nous avons aujourd’hui perdu. Ce désenchantement a été en lui-même pour moi une source d’inspiration.»
Patrick Boucheron, dans Le Monde

Jean-Paul Goude, génial réalisateur de pubs et de clips, avait conçu un défilé qui se voulait une ode à la tolérance. Drapée dans une étoffe de déesse aux couleurs de la France, la cantatrice afro-américaine Jessye Norman avait interprété une Marseillaise mémorable au pied de l’obélisque de la Place de la Concorde. L’époque était à la fois plus optimiste et plus idéaliste sur la question du vivre-ensemble.

La Marseillaise chantée en 1989 lors du bicentenaire de la Révolution

«Peut-être quelque chose de contre-productif»

Patrick Boucheron se tromperait-il d’époque? Professeur d’histoire à l'Institut des sciences du sport de l'Université de Lausanne, Grégory Quin, joint par watson, voit dans l’approche défendue par les concepteurs de la cérémonie d’ouverture «un point de vue possiblement à contre-courant, alors que la demande de nation et de frontières croît élection après élection en France».

«Il y a peut-être même quelque chose de contre-productif dans cette démarche, qui peut ne pas entraîner l’adhésion du plus grand nombre, contrairement au défilé du bicentenaire de la Révolution française en 1989, qui avait emballé. C’est tout le paradoxe du moment: il ne faudrait pas que la cérémonie de vendredi soit perçue comme celle d’une élite aveuglée par ses propres certitudes.»
Grégory Quin, professeur à l'Université de Lausanne

«On n’échappera pas au nationalisme»

«De toute manière et comme pour toute cérémonie d’ouverture des JO, on n’échappera pas, à Paris, à une forme de nationalisme», estime Grégory Quin. Et de citer «le nationalisme des plus beaux monuments, du savoir-faire français, de la plus belle cérémonie jamais vue, etc.»

C’est en effet le long des plus beaux monuments de Paris – du monde, diront les chauvins – que la parade voguera, du pont d’Austerlitz à la tour Eiffel. Un spectacle en douze tableaux, qui s’annonce comme un «émerveillement». Et si le Rassemblement national avait gagné les élections législatives?

«On était très avancés et le spectacle serait devenu tout autre chose: une sorte de cérémonie de résistance»
Le metteur en scène Thomas Jolly au Monde.

«Ce n’est pas arrivé», souffle Patrick Boucheron.

Des policiers venus du monde entier sont à Paris
Video: watson
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