Dans les derniers jours de cette invivable course présidentielle, les citoyens américains n'en pouvaient plus. «Qu'on en finisse, que les emails s'arrêtent, c'est un enfer», nous disait un barman qui n'a pas lâché un dollar, malgré le harcèlement. Durant de longs mois, d'un côté comme de l'autre, les candidats et ses équipes pouvaient envoyer jusqu'à quinze missives par jour, redoublant de créativité pour justifier les différents appels aux dons.
«Donnez 40 dollars, parce que Donald Trump est en tête en Caroline du Nord». Pour 50 dollars, «participez au concours» pour espérer remporter «une journée spéciale à Mar-a-Lago» ou un «selfie avec Kamala et Tim». «Un dollar suffit. Non, ce n'est pas une faute de frappe». Il y a quelques semaines, nous nous étions immergés dans la collecte de fonds de la campagne démocrate, avec de jolies pépites à la clé.👇
Notre barman, nous-même et sans doute la totalité des électeurs américains étions persuadés qu'au lendemain de la victoire de Donald Trump, nos boîtes de réception allaient redevenir fréquentables, nettoyées de cette éreintante mendicité politique. Quelle naïveté.
Au lendemain de sa défaite, Kamala Harris a offert par courriel le même silence qu'à la nation, faisant patienter jusqu'au soir avant d'accepter publiquement sa défaite. Le dernier appel au don datait alors du 5 novembre, à 20h02, armé d'une audacieuse référence au futur 47e président des Etats-Unis:
Pas sûr que les derniers généreux donateurs sont aujourd'hui ravis d'avoir lâché 47 dollars pour voir le milliardaire rafler la mise avec une telle avance. Cela dit, l'équipe démocrate peut être fière de son entêtement, puisqu'elle récoltera près d'un milliard de dollars au total, soit plus du double de la campagne républicaine, entre janvier 2023 et octobre 2024, notamment grâce aux dons de dernière minute d'une bonne flopée de milliardaires. A noter aussi que la campagne Harris-Walz a accumulé 20 millions de dollars de dettes. De quoi agacer certains Américains.
now why is the harris campaign still sending out fundraising emails- pic.twitter.com/0Z3a1JbFWP
— Matt 🥥🌴 (@mattlonestar) November 7, 2024
Et l'avalanche d'emails s'arrêtera brusquement, jusqu'à 17h42, le 6 novembre. Dans un message inspiré de son discours de défaite, Kamala Harris, nous remerciera pour la confiance qu'on lui a accordée, «plein d'amour pour notre pays et plein de détermination».
Vous l'aurez compris, se battre reviendra principalement à sortir une nouvelle fois nos portes-monnaie, malgré la défaite présidentielle. Alors, quoi? Pour garantir que nous ayons les ressources nécessaires pour élire des démocrates prêts à demander des comptes à l'administration Trump, faites un don maintenant. Kamala Harris parlait évidemment de la course au Sénat (raflé par les républicains) et celle de la Chambre (que les démocrates devraient perdre également).
Il faudra attendre les supplications de son colistier Tim Walz, le lendemain, pour comprendre pourquoi les démocrates ont encore besoin d'argent: le recomptage des voix. Alors que son équipe de campagne ne l'a pas demandé expressément (contrairement à Trump il y a quatre ans), Kamala Harris semble se préparer au pire, pour ces candidats «qui sont peut-être notre seule chance de contrôler le pouvoir de Donald Trump».
Deux heures plus tard, ce 7 novembre, Harris viendra préciser son plan de bataille: «Il y a actuellement un certain nombre de scrutins très importants qui n’ont pas encore été annoncés ou qui ont été remportés par une faible marge et qui feront l’objet de contestations judiciaires». Si la campagne démocrate ne s'est pas expliquée publiquement sur ces mystérieuses contestations judiciaires, sur Internet, la collecte de fonds continue.
Ces emails démarrent toujours par une bonne salve d'émotion(s), où Kamala Harris reconnait «la colère, la tristesse, la peur et la frustration» de ses électeurs. Mais dès le second paragraphe, l'argent redevient le nerf de la guerre, par une drôle de proposition thérapeutique.
Réponse courte: oui. Mais chaque Etat à sa propre marche à suivre et législation. Prenons l'exemple du Wisconsin, là où Donald Trump ne mène que de 30 000 voix. Dans la nuit du 5 au 6 novembre, les petites mains ont dû recompter des milliers de votes par correspondance, à cause «d'une erreur humaine».
La course fut serrée et la campagne démocrate aurait tout à fait le droit de lancer une procédure, puisque «l'écart entre les candidats ne dépasse pas 1% du total des suffrages exprimés», rappelle le Milwaukee Journal Sentinel. Cependant, si cette marge est supérieure à 0,25%, l'équipe de Kamala Harris doit payer le recomptage de sa poche, ce qui est le cas.
On comprend (un peu) mieux pourquoi Kamala Harris harcèle ses électeurs par emails, même si aucune procédure n'a encore été dégainée par les démocrates, y compris dans la course (perdue) au Sénat et à la Chambre (toujours en cours). On rappellera enfin que la vice-présidente a «accepté les résultats de cette élection».