Les démocrates peuvent se réjouir. Alors que certaines prédictions pessimistes se faisaient entendre il y a encore deux mois, lorsque la vice-présidente prenait le relais d’un Joe Biden au bord de l’agonie électorale, force est de constater que, jusqu’à maintenant, Kamala Harris défonce tout sur son passage.
Les sondages n’ont d’yeux que pour elles, les stars se bousculent pour la soutenir, ses meetings sont sold-out et pas la moindre (grosse) bourde à l’horizon. Dernière preuve en date, une étude de popularité dévoilée dimanche par NBC News, dans laquelle on découvre le bond inouï de la candidate démocrate. Jugez plutôt: alors qu’en juillet elle devait composer avec un taux d'approbation de 32% et de désapprobation de 50%, la tendance s’est aujourd’hui férocement inversée.
Un saut de 16 points en huit semaines, c'est énorme. Bien sûr, il y a tout un monde entre la vice-présidente autrefois critiquée pour son manque d'efficacité et la candidate de la désormais dernière chance pour le clan démocrate. Mais les regains de popularité sont souvent le fait d'un événement extérieur à la personnalité politique que l'on glisse sous la loupe d'un microscope. NBC News le précise d'ailleurs dans son étude, c'est «la plus forte progression depuis celle du président George W. Bush, après les attentats terroristes du 11 septembre 2001».
Un record qui a presque éclipsé les dernières intentions de vote du mois de septembre, dévoilant une Kamala Harris en avance de cinq points au niveau national, face à un Donald Trump qui, lui, voit sa cote de popularité stagner à un taux négatif.
Ces chiffres sont très utiles pour affiner les stratégies à l'interne, alors qu'il ne reste plus que six petites semaines de campagne avant l'élection présidentielle. Pour Amy Walter, analyste politique chez NBC News, ce nouveau sondage montre que Kamala Harris «est considérée comme la gagnante la plus probable» et que le «récit a changé en sa faveur». Peut-être.
Mais cet optimisme exacerbé réveille pourtant les pires cauchemars de certains stratèges démocrates, soucieux de fouiller sous les sondages et s'éloigner de la pointe de l'iceberg.
La raison est simple: Donald Trump peut encore compter sur un vote caché, pour remporter la course sur les derniers cent mètres. Ce vote MAGA qui ne dit son nom qu'une fois dans les urnes, loin des prédictions. Comme en 2016 et en 2020, les trumpistes ne sont pas les plus disposés à évoquer leurs préférences politiques en public.
Et notamment les citoyens en guerre contre les sondeurs et les républicains modérés, qui ne sont pas de tous les meetings de Trump, armés de leur casquette rouge. Certains sénateurs n'hésitent pas à partager leurs craintes:
Sans surprise, ces votes cachés sont particulièrement redoutés dans les Etats-clés, comme la Pennsylvanie, où la bataille fait rage. Or, il y a huit ans, à la même période, Hillary Clinton menait précisément d'un écart entre 3,5 et 7 points face à Donald Trump, avant de perdre l'Etat sur la ligne d'arrivée.
Depuis 2016 et le choc des urnes en faveur du magnat de l'immobilier new-yorkais, les démocrates sont traumatisés par les sondages. Une méfiance ressentie également par les supporters de Trump, mais pour une raison beaucoup plus triviale: «Nous ne sommes pas de votre monde, dégagez de mon chemin».
Si les instituts ont appris de leurs erreurs et savent mieux creuser dans les recoins des intentions de vote, l’impression de sous-estimer en permanence les votes MAGA est tenace. Une crainte fondée, qui est même confirmée ces derniers jours par les sondeurs.
Un dernier exemple avec la Pennsylvanie? En 2020, 37% des personnes interrogées déclaraient voter pour Trump. Il remportera finalement l'Etat avec 48,8% des voix. Un écart gigantesque, quand on sait que le scrutin de novembre va se jouer dans un mouchoir de poche.
Ces votes secrets sont d'ailleurs l'une des raisons qui poussent Kamala Harris à ne pas relâcher la pression dans les Etats-clés. Sans oublier que des sondages en faveur du clan démocrate peuvent inciter les électeurs indécis à penser que leur voix n'est pas indispensable.
Que faire, alors? Pour ce sénateur interrogé par The Hill, la baguette magique n'existe pas: «C'est inquiétant. Il ne fait aucun doute que c'est inquiétant, mais vous travaillez aussi dur que possible, quoi qu'il arrive. J'ai l'impression qu'il n'y a pas grand-chose à faire de plus que ce que nous faisons déjà».