L'intervention de près de trois minutes de Vladimir Poutine passe en boucle, dans les émissions d'information de la télévision d'État russe, dans les talk-shows.
«A la demande du ministère de la Défense et de l'état-major général, une frappe massive a eu lieu ce matin sur l'Ukraine», a déclaré le président russe lundi midi devant son Conseil de sécurité. Selon Poutine, les «objectifs fixés» ont été atteints.
Poutine parle, comme il le fait depuis février, d'«armes de haute précision de longue portée, aériennes, navales et terrestres» qui ont détruit «l'infrastructure énergétique, le commandement militaire et les installations de communication». Puis, il menace une fois de plus:
«Et personne ne devrait avoir le moindre doute à ce sujet», conclut le maître du Kremlin.
Les faucons de son régime font la fête. «Que de bonnes nouvelles depuis ce matin», écrit par exemple Sergueï Axionov, reconnu comme «gouverneur de Crimée» en Russie.
«J'espère bien qu'il ne s'agit pas d'une action ponctuelle mais d'une nouvelle conduite des combats. Continuez comme ça!», encourage sur le canal Telegram le journaliste militaire du journal d'Etat «Komsomolskaya Pravda», Alexander Koz.
Les représailles de Poutine pour la destruction du pont de Crimée samedi, dont la responsabilité revient selon lui au «régime terroriste de Kiev», satisfont au plus haut point les belligérants russes.
Le chef du parti «Russie juste», Sergei Mironov, écrit: «Les Ukrainiens doivent vivre dans la peur. Nous ne devons pas dorloter les terroristes. Nous les avons épargnés pendant sept mois. Cela suffit!».
Quant à Tigran Keossayan, le mari de la propagandiste en chef de Poutine Margarita Simonian, il estime que la récente nomination du général Sergueï Sourovikine à la tête des troupes russes en Ukraine marque «l'arrivée d'un véritable automne doré».
Pour rappel, les militants russes des droits de l'homme ont accusé l'ancien commandant syrien Sourovikine de crimes de guerre en Tchétchénie.
Au petit matin, alors que des bombes s'abattaient sur les rues et les habitants de Kiev, Odessa, Lviv, voire de toute l'Ukraine, la télévision d'Etat russe restait muette.
Mais comme on peut l'entendre quelques heures plus tard sur toutes les chaînes, les «frappes de riposte tant attendues pour détruire le régime terroriste nazi» en Ukraine ont eu lieu.
Le journal télévisé de midi montre en effet des images floues, des voitures en feu, et beaucoup de fumée. La présentatrice du journal fait référence à ces images et parle au moyen de formulations détournées. «Le tonnerre grondait à Kiev», «Depuis le matin, quelque chose est arrivé en Ukraine», «Il y a eu des impacts ici, des impacts là, des impacts vraiment sérieux».
Aucun mot sur la source des bombes: les missiles russes. Comme si Kiev, comme de nombreuses autres villes ukrainiennes, avait été envahie par des extraterrestres invisibles.
Dans une «émission spéciale» ultérieure du talk-show «Le temps le montrera» sur la première chaîne russe (Rossiya 1), les deux présentateurs se réjouissent des «images impressionnantes» en provenance d'Ukraine.
Son invité, un «politologue» accuse, à la manière de Poutine, l'Occident d'être responsable de l'escalade. Les Etats-Unis ne peuvent que «mettre le feu aux poudres et les trahir». l'Europe se moque absolument du «sort de l'Ukraine».
Une journaliste française, bien choisie pour l'occasion, explique comment les femmes de médias européennes ont reçu des «manuels idéologiques» et comment elles transmettent les événements en Russie et en Ukraine «de manière non vérifiée à leurs lecteurs et téléspectateurs, qui sont naïfs».
«L'armée russe est forte», résonne à nouveau le «politologue», la présentatrice est tout à fait de son avis.