A la sortie du conclave, ce jeudi 8 mai, un murmure a parcouru la place Saint-Pierre. Fumée blanche, hourra! Après le traditionnel «Habemus papam» et l’arrivée du nouveau pape au balcon, c’est un «He’s one of us!» que les fidèles américains ont crié de surprise.
C’est que le nouveau patron du Vatican, Robert Francis Prevost alias Léon XIV, a vu le jour à Chicago, la ville de l’étonnante Deep-dish pizza et des White Sox (son équipe de baseball de cœur, qu’il préfère aux Cubs de sa mère, hérésie familiale totalement assumée). Une première dans l’histoire de l’Eglise catholique: un pape made in USA.
Well, would you look at that... Congratulations to Chicago's own Pope Leo XIV pic.twitter.com/U5DJ7TOyDr
— Chicago White Sox (@whitesox) May 8, 2025
Et pas n’importe lequel. Celui qu’un voisin de quartier aurait prédit «pape un jour» alors qu’il jouait encore à la marelle en primaire (vraie anecdote racontée par son frère John) a fini par coiffer la tiare, ou du moins la mozzetta rouge et l’étole pontificale, ce que n’avait pas fait son prédécesseur François pour sa première apparition sur le balcon. Back to tradition? Oui et non.
Sa bio, c’est une cartographie du monde. Né d’un père américain blanc d'ascendance française et italienne, et d’une mère aux racines espagnoles, créoles louisianaises, haïtiennes et françaises, il incarne une Eglise qui cherche à ressembler à ses fidèles.
Il a vécu plus de vingt ans au Pérou comme missionnaire, dans la ville de Chiclayo, y est devenu évêque, puis citoyen. Le nouveau pape possède le passeport péruvien, et à Lima comme à Chiclayo, après l’annonce de l’identité de Léon XIV, la fête fut belle.
Son espagnol est impeccable, son accent anglais indélébile, et il jongle volontiers avec l’italien, le portugais, le français, l’allemand et le latin. Bref, un pontife polyglotte qui pourrait animer un sommet du G20 sans traducteur.
Ajoutez à cela un fanatisme pour le club péruvien d'Alianza Lima et on obtient un homme qui peut aussi bien débattre sur la place des femmes dans l’Eglise que de la VAR en Copa América.
Avant de répondre à l’appel divin, le jeune Robert empilait les équations à l’université Villanova, près de Philadelphie, avec un bachelor en mathématiques obtenu en 1977. Oui, un matheux, ce qui n’est pas la filière la plus commune chez les papes. De quoi gérer les chiffres rouges du Vatican avec un peu plus de rigueur?
On aurait pu croire qu’après François et ses tenues sobres, le retour de la mozzetta rouge signerait un virage conservateur. Mais ce serait mal interpréter les intentions de Léon XIV. Car derrière le costume traditionnel, il y a en fait un homme du dialogue, de paix (ce furent ses premiers mots publics), et de ponts entre les cultures.
A Rome, certains le décrivent comme un modéré, avec une touche de rigueur et un sens de l’organisation hérité de ses années de mission. Il veut parler à tous, sans exclure personne.
Son élection a d’ailleurs dû faire couler quelques sueurs froides à Washington. Comme un «double effet Kiss Cool»; pour la première fois, l’Eglise catholique a un pontife américain, aux racines afro-créoles, au cœur latino, et aux convictions bien ancrées sur la justice sociale, l’immigration… et l’art de tendre la main plutôt que de dresser des murs.
Certes, il reste attaché à certaines lignes traditionnelles, comme sur le mariage homosexuel, mais sa posture d’ensemble est bien plus humaine que celle de l’actuel gouvernement américain.
Quand il n’est pas en train de prêcher la bonne parole, Robert Francis Prevost joue au tennis, aime la lecture et la musique (et pas uniquement les chants grégoriens). Il a dirigé l’annuaire de son lycée, brillé en classe et siégé au conseil étudiant.
Avec sa formation scientifique, son ancrage sud-américain, son histoire familiale métissée et son goût pour le sport comme pour la spiritualité, Léon XIV a les épaules pour secouer les murs du Vatican, tout en gardant le dos droit. Il connaît les failles de l’Eglise, mais il a aussi, dit-on volontiers à son sujet, l’intelligence pour mener à la réconciliation.