Le cyclisme urbain d'obstacles peut-il devenir une 44ᵉ discipline olympique? Je m'élance du sud de Paris, dans le quartier de Montparnasse, où Hemingway avait trouvé l'inspiration pour son livre «Paris, une fête pour la vie».
Mais à Paris, on ne sent guère de fête ou même de fièvre olympique croissante pour le moment. Les terrasses des bistrots sont vides, les rues sont silencieuses. La vie trépidante de cette métropole de 12 millions d'habitants est en pause. L'envoyé spécial du journal La Provence décrit un monde «post-apocalyptique», peuplé uniquement de quelques Walking Dead, des cadavres ambulants.
Les terrasses de café ne sont pas si terribles. Paris n'est pas sous l'emprise de Covid, mais de l'Olympisme. Sillonner à vélo les boulevards à six voies, déserts de toutes parts, est un pur plaisir. Jusqu'au premier obstacle: un barrage de police. Les trois gendarmes bavardent, ils me regardent à peine. La zone bleue règne encore ici, l'accès est contrôlé, mais il n'est pas interdit aux voitures.
Après l'imposante coupole des Invalides, la zone rouge commence: seuls les piétons et les cyclistes sont autorisés à circuler. En bas de la Seine, au Quai d'Orsay, qui a donné son nom au ministère français des Affaires étrangères, c'en est fini de la joyeuse bicyclette. Trois policiers anti-émeute plutôt costauds, l'un d'entre eux avec son fusil d'assaut en joue, indiquent sans un mot le chemin du retour.
Une jeune femme avec un vélo tente de supplier un passe-droit pour rejoindre la rive droite du fleuve, en raison d'une urgence familiale. Le policier se contente de pointer l'index sur son chemin d'arrivée:$
Car c'est ici, sur la rive gauche de la Seine que commence la «zone grise». Ce «périmètre antiterroriste», comme on l'appelle, suit la Seine sur six kilomètres. Et il accueillera vendredi soir la cérémonie d'ouverture olympique - la première en dehors d'un stade. 320 000 spectateurs se sont inscrits, dont 220 000 gratuitement. 80 000 membres des forces de l'ordre - un record pour la France - seront en action.
La jeune cycliste au Vélib raconte qu'elle a déjà été refusée au Pont Alexandre III. Ne pourrait-elle pas prendre le métro?
Elle tente alors sa chance en aval, au Pont de l'Alma, tristement célèbre parce Lady Di est morte juste à côté en 1997.
Je pédale dans la direction opposée, en passant devant l'Assemblée nationale, où la grave crise gouvernementale des dernières semaines a eu son épicentre. Le portail est désormais fermé. Les députés se sont envolés, comme tant de Parisiens, fuyant les restrictions imposées par les Jeux olympiques. Au niveau du pont de la Concorde, à l'avant du Parlement, il n'est toutefois pas possible de passer non plus. Là, un automobiliste est en train de râler auprès des gendarmes qui refusent de le laisser passer faute de code QR:
Une fois le conducteur parti, l'un des policiers s'intéresse à notre jeune cycliste. Il conseille:
Et c'est vrai, les trois barrages de police suivants nous laissent passer. A partir du dernier, seuls les piétons sont tolérés. «Ainsi que les cyclistes qui, à côté de leur véhicule, se déplacent comme des piétons, conformément au règlement», explique un jeune policier. Je dois donc descendre de vélo? «Vous avez tout compris», répond avec complaisance le jeune homme en uniforme.
Je pousse donc vélo sur la passerelle Senghor, un pont piétonnier aux courbes élégantes. En quelques minutes, me voici au parc des Tuileries sur le côté nord de Paris, là où se trouvent également le Louvre, les Champs-Elysées et le Grand-Palais. J'ai réussi! Voilà ce que cela doit être de franchir l'équateur.
Ce périple le prouve: la Rive Droite de Paris est, elle aussi, accessible. Le retour dans la partie sud est un jeu d'enfant. Même si personne ne pousse son vélo sur la longue voie sur berge comme le réglement le prescrit, le gardien de service du Pont Royal ne lève même pas les yeux de son téléphone portable. Les tribunes sur le pont - les plus chères, car les meilleures places pour le spectacle de la Seine - sont encore vides.
Vendredi matin, les démineurs et les chiens renifleurs passeront encore une fois au peigne fin les rangées de sièges et le dessous du pont. Ensuite, ce sera «Seine libre» pour le «plus grand spectacle du monde» (dixit les organisateurs). D'ici là, l'énigme sera résolue: où sont passés les 320 000 spectateurs?
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)