La «dame de fer» japonaise intrigue la jeunesse
Le 21 octobre 2025, le Parlement japonais a élu Sanae Takaichi première ministre, faisant d’elle la première femme à accéder à ce poste dans l’histoire du Japon. Cette victoire historique survient après qu’elle a remporté, le 4 octobre 2025, la présidence du Parti libéral‑démocrate (PLD), le parti majoritaire, ce qui avait largement annoncé sa montée au pouvoir.
Au Japon, la participation politique des moins de 30 ans reste modérée, marquée par un certain désintérêt pour les partis traditionnels et un scepticisme quant à l’efficacité des institutions. Selon une enquête de The Nippon Foundation, près de 90 % des personnes âgées de 18 ans estiment que «la politique n’est pas propre» et plus de 80% critiquent le manque de responsabilité des parlementaires.
Dans ce contexte, la montée d’une génération qui se dit concernée par des enjeux concrets (emploi, rénovation sociale, représentativité) n'hésite, toutefois, pas à donner son avis sur les enjeux actuels. On leur a donc demandé de partager leur avis sur la nouvelle ministre japonaise, surnommée «la Dame de fer japonaise».
Ce que pensent les jeunes
Les quelques jeunes japonais qui nous ont partagé leur avis se montrent partagés face à Takaichi. Pour certains, son parcours symbolise une avancée: première femme à la tête du LDP, elle incarne un vent de renouveau. C’est ce que ressent Yuya Miki, 25 ans, Tokyoïte, satisfait de voir enfin une figure féminine accéder à ce poste:
Plusieurs jeunes expriment aussi un mélange de curiosité et de réserve: curieux du symbole qu’elle représente, ils questionnent le fait qu’une femme monte à la tête du pouvoir tout en défendant des valeurs plutôt traditionnelles.
Des attentes précises
Takaichi, forte d’une ligne nationaliste et conservatrice, incarne un profil loin d'une posture progressiste. Pour nombre d’étudiants et jeunes actifs urbains, ses priorités économiques (relance, sécurité, industrie) sont jugées pertinentes, mais ses positions sur l'immigration sont celles qui les intéressent le plus: Satoru*, 24 ans établi à Tokyo, qui a voulu témoigner anonymement, affirme:
Entre espoir et défi
Le fait qu’une femme accède à un poste de premier plan ne passe pas inaperçu auprès des jeunes japonais, habitués à un paysage politique très masculin. Pourtant, l’espoir d’une avancée réelle vers l’égalité est tempéré: «Oui, c’est une femme, mais est-ce que ça va vraiment changer?» questionne une étudiante en sciences politiques de Kyoto.
La question de la compatibilité entre symbole et substance apparaît centrale: pour beaucoup, Takaichi devra prouver que sa gouvernance ne se limite pas à sa singularité personnelle, mais qu’elle s’engage sur les priorités des jeunes: coût de la vie, emploi stable, mobilité sociale, égalité. Miki confie avoir récemment traversé des difficultés financières liées à l’inflation. Il espère que Sanae Takaichi parviendra à y remédier dans les années à venir.
La jeunesse japonaise semble partager un même sentiment vis-à-vis de la nouvelle cheffe de gouvernement: un respect prudent pour ce qu’elle représente et une attente critique sur ce qu’elle peut réellement changer. Dans un pays où les défis démographiques, économiques et sociaux sont immenses, les jeunes regardent désormais de plus près ce que font et ce que promettent les dirigeants.
Pour Takaichi, le défi sera de conjuguer le symbole historique avec des actions concrètes en phase avec les aspirations d’une génération qui ne veut plus se contenter d’être spectatrice.
*(nom d'emprunt)