International
Poutine

Pourquoi les Etats-Unis hésitent à juger Poutine

Archives de la Cour internationale de Justice à La Haye, 2014 (photo prétexte).
Archives de la Cour internationale de Justice à La Haye, 2014 (photo prétexte).keystone / dr

Pourquoi les Etats-Unis hésitent à traîner Poutine en justice

Bien que le droit international interdise les guerres d'agression, il est difficile de faire le procès de Vladimir Poutine. Une proposition de l'Ukraine pourrait changer la donne.
03.06.2023, 11:5503.06.2023, 12:24
Christina Holthoff
Plus de «International»
Un article de
t-online

Cela pourrait être très simple. Si un pays en envahit un autre, l'acte constitue une violation de la Charte des Nations unies (ONU). La Cour pénale internationale (CPI) de La Haye peut alors agir non seulement pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, mais aussi pour ce que l'on appelle un crime d'agression, ou, en d'autres termes, pour une guerre d'agression. Le président russe Vladimir Poutine sera-t-il donc bientôt jugé pour l'invasion de l'Ukraine?

Ce n'est malheureusement pas si simple. Car bien que les spécialistes du droit international partent du principe qu'il existe depuis longtemps suffisamment de preuves pour juger Poutine et ses hauts fonctionnaires pour crime d'agression, la Cour pénale internationale n'en a pas le pouvoir. Car la Russie n'a pas reconnu le Statut de Rome sur lequel repose la CPI. Pas plus que les Etats-Unis.

Le mandat d'arrêt émis mi-mars par la Cour pénale internationale contre Poutine pour des crimes de guerre présumés ne devrait donc pas avoir de conséquences directes pour lui.

Certes, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait également charger la Cour pénale d'enquêter sur un crime d'agression, mais la Russie en est membre permanent — et pourrait bloquer les poursuites avec son droit de veto. Que faire, alors?

L'Ukraine réclame un tribunal international spécial

L'Ukraine a une idée: elle fait pression pour que l'Assemblée générale des Nations unies mette en place un tribunal international spécial. La Russie n'y aurait pas de droit de veto. Le modèle de ce tribunal serait les procès de Nuremberg, au cours desquels les principaux criminels de guerre ont été amenés à rendre des comptes après la Seconde Guerre mondiale.

«Une paix durable n'est possible que si nous demandons également des comptes aux agresseurs»
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de sa visite à la Cour pénale internationale.

Mais l'Occident hésite. Les Etats-Unis en tête.

Comme le rapporte le magazine d'information américain Newsweek, citant des fonctionnaires ukrainiens, les Etats-Unis hésitent à créer un précédent, car ils ont déjà commis des délits à l'étranger pour lesquels ils pourraient également être poursuivis. Plutôt qu'un tribunal spécial de l'ONU sur le modèle du procès de Nuremberg, les partenaires occidentaux se prononcent donc pour un modèle hybride.

La loi ukrainienne comme base? Il y aurait plusieurs problèmes

Le tribunal spécial serait alors basé sur le droit ukrainien, complété par des «éléments internationaux». La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock (Verts), elle-même diplômée en droit international, avait proposé cette option au début de l'année. L'Ukraine déplore toutefois que cette sorte de tribunal spécial ne lève pas l'immunité juridique dont jouissent les dirigeants politiques du monde entier.

Les chefs d'Etat et de gouvernement ne peuvent être mis en accusation que devant des tribunaux internationaux, pas devant des tribunaux nationaux.

De même, la variante hybride serait probablement moins acceptée si le droit pénal ukrainien, et non international, servait de base. Certains ne manqueraient pas de pointer la partialité du jugement.

«Un terrible signal»

Selon la juriste Jennifer Trahan, professeur au Center for Global Affairs de l'université de New York (NYU), ce modèle est insuffisant dans le cadre d'une guerre d'agression. Maintenir l'immunité de Poutine serait «un signal terrible pour d'autres agresseurs en puissance». Elle explique également la réticence des Etats-Unis par la peur de poursuites judiciaires pour leurs propres actes passés.

Anton Korynevych, ambassadeur ukrainien pour la mise en place du tribunal spécial, est persuadé de pouvoir encore convaincre les sceptiques.

«Un tribunal international comblerait une lacune très importante dans l'obligation de rendre des comptes qui existe actuellement dans le système international de justice pénale»
Anton Korynevych, ambassadeur ukrainien pour la mise en place du tribunal spécial.

Pour que l'Assemblée générale des Nations unies puisse mettre en place un tribunal spécial comme le souhaite l'Ukraine, il faut un nombre suffisant de voix. Un pari difficile sans les Etats-Unis et les grands pays européens, mais pas impossible.

Pour la juriste Trahan, il y a maintenant un «moment à la Nuremberg», a-t-elle déclaré à Newsweek. «Ne gâchons pas tout.»

Traduit et adapté par Noëline Flippe

Les gosses russes aiment les flingues (à blanc):

1 / 9
Les gosses russes aiment les flingues (à blanc)
Il y a l'enthousiaste...
source: ap / dmitri lovetsky
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
L'homme qui va juger Diddy a une étrange passion
Il a refusé la dernière demande de libération sous caution du magnat du hip-hop en disgrâce et repoussé la sélection des jurés pour éviter qu’ils se dégonflent durant le week-end. C’est le procès le plus sensible de la carrière d’Arun Subramanian, qui a démarré pour de bon ce lundi, à New York. Portrait.

On le dit réservé, bosseur, affable, droit dans ses bottes. Depuis quelques jours, Arun Srinivas Subramanian, 46 ans, déboule chaque matin au tribunal fédéral du district de Lower Manhattan comme un ado rejoindrait son école. Avec son gros sac à dos, ses écouteurs dans les tympans, ses lunettes de soleil sur le pif et une banale paire de Nike au pied, rien chez lui ne permet de réaliser qu’il est le premier homme de loi d’origine sud-asiatique à siéger en qualité de juge de district des Etats-Unis pour la région sud de New York. Autrement dit, Manhattan.

L’article