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PSG: «Macron ne s'est pas mis à genoux devant le Qatar»

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Emmanuel Macron et Nasser al-Khelaïfi (de gauche à droite) tenant le maillot avec le numéro 25.Image: EPA AP POOL

«Macron ne s'est pas mis à genoux devant le Qatar»

Spécialiste du Qatar, ex-otage en Irak, le journaliste Georges Malbrunot décrypte le soft-power qatari à l'aune de la victoire du PSG en Ligue des champions, des investissements massifs de l'émirat et de l'islamisme politique qui lui est accolé.
02.06.2025, 18:5102.06.2025, 21:39
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Ex-otage en Irak en 2004, le journaliste français Georges Malbrunot a coécrit avec Christian Chesnot, ex-otage également, le livre-enquête Qatar Papers: comment l'Emirat finance l'islam de France et d'Europe (Michel Lafon, 2019). Toujours avec Christian Chesnot, il est l'auteur en 2024 de MBS Confidentiel: enquête sur le nouveau maître du Moyen-Orient (Michel Lafon).

Pour watson, Georges Malbrunot réagit à la victoire du PSG, samedi en Champions League. Point de départ: dimanche, lors de la réception à l’Elysée du PSG et de son président, le Qatari Nasser al-Khelaïfi, Emmanuel Macron a remercié «le Qatar et l’émir», Tamim ben Hamad Al Thani.

On ne se souvient pas que les dirigeants britanniques aient remercié Vladimir Poutine, lorsque Chelsea, alors propriété de l’oligarque russe Roman Abramovitch, avait remporté sa première Ligue des champions, en 2012. Pourquoi ces remerciements d'Emmanuel Macron à l'émir du Qatar, dont le fonds Qatar Sports Investment est propriétaire du club parisien?
Georges Malbrunot: Je ne suis pas choqué des remerciements d’Emmanuel Macron à l’émir du Qatar, parce que, sans l’investissement du Qatar, je pense que le PSG n’aurait pas remporté la Champions League. Il faut d’ailleurs rappeler que celui qui a permis au Qatar d’acheter le PSG, en 2011, c’est Nicolas Sarkozy, président de la République à l’époque.

«On ne peut pas accuser Emmanuel Macron de se mettre en génuflexion devant le Qatar, alors même que ses relations avec l’émirat sont faites de chauds et de froids»

Il n’a fait que rappeler une évidence, à savoir que le Qatar avait beaucoup investi dans le PSG et qu’il a persévéré dans cette voie quand le club présentait des signes d'inquiétude.

En quoi est-ce important pour le Qatar de gagner la Champions League?
C’est important, parce que, aux yeux de tous, en France comme au Qatar, cette victoire valide l’investissement de départ, 70 millions d’euros en 2011, plus les 1,5 milliards d’euros mis au pot depuis.

«Des sommes rentabilisées, lorsqu’on sait que la valorisation du club, avant même la finale de samedi, atteignait 4 milliards d’euros»

C’est important, ensuite, parce qu’il y a une rivalité entre les pays du Golfe dans ce domaine d’influence qu’est le sport.

A commencer par la rivalité Qatar-Emirats arabes unis...
En effet, le rival émirati possède depuis 2008 Manchester City, vainqueur de la Champions League en 2023. Le Qatar n'en a pas moins été un pionnier dans la diplomatie sportive. Il a conçu très tôt ses investissements dans ce secteur comme une arme de son soft power, mais aussi comme une filière industrielle s’ajoutant à la filière gazière. En 2006, il a accueilli les Jeux asiatiques, puis la Coupe du monde de football en 2022, s’en sortant plutôt bien malgré les critiques. Quant à l’Arabie Saoudite, elle organisera la Coupe du monde en 2024 et d’ici là, en 2029, les Jeux asiatiques d’hiver.

La France, comme d’autres pays occidentaux, la Suisse n'échappe pas à la tendance, semble énormément compter sur les investissements des pays du Golfe. L’an dernier, l’émir du Qatar, en visite officielle à l’Elysée, a promis d’investir 10 milliards d’euros dans l’outil industriel français. La France est-elle dépendante de cet argent?
En quelque sorte et il n’y a pas qu’elle. On s’en est aperçu début mai avec la tournée de Donald Trump dans le Golfe, dont il dit avoir retiré 2000 milliards de dollars de promesses d’investissements.

«Les pays du Golfe ne correspondent certes pas à nos canons en termes de démocratie et de laïcité, mais là n’est pas la question»

Ce sont des pays dont les énormes excédents budgétaires leur permettent d’investir massivement chez nous. Avec leur argent, ils se rendent incontournables. Alors, parfois, il faut faire attention à la nature de ces investissements.

Vous faites allusion à la religion?

«Oui, le Qatar a investi en France, comme en Suisse, dans le domaine de la religion»

Christian Chesnot et moi-même l’avions décrit en 2019 dans Qatar Papers. C’est Emmanuel Macron, et non pas ses prédécesseurs, qui a mis le holà. Les pays du Golfe, on adore les détester, cela nous donne bonne conscience. On critique leurs femmes voilées, on les accuse ou on les a accusés, certains d’entre eux du moins, le Qatar entre autres, de financer le terrorisme. Pour autant, il ne faut pas tomber dans l’excès.

«Le Qatar, c’est 70% de success story et c’est aussi 20 à 30% de zone grise, dont des liens, notamment, avec l’islamisme»

Le Qatar n’en reste pas moins un pays qui rend des services considérables, y compris à Israël lorsqu’il s’agit de négocier avec le Hamas.

A ce propos, y a-t-il une diplomatie franco-qatarie par rapport à Israël?
Je ne pense pas qu’on puisse parler d’une diplomatie franco-qatarie liée à Israël. Après l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023, et la prise en otages de certains binationaux franco-israéliens, des contacts ont été pris par Emmanuel Macron avec l’émir Tamim ben Hamad Al Thani. Le Qatar joue certes un rôle important dans l’affaire de Gaza face à Israël, mais c’est avec l’Egypte et avec les Etats-Unis. J’invite tous ceux qui critiquent le Qatar, ce qui m’arrive aussi, mais j’essaie de le faire avec discernement, à écouter le discours tout à fait louangeur de l’ambassadeur des Etats-Unis qui vient de quitter son poste à Doha.

«Il faut savoir que le Qatar, dans ses initiatives, à l’égard des talibans en Afghanistan ou du Hamas en Palestine, n’agit jamais en solo. Il prend toujours l’avis des Américains»

Et Benjamin Netanyahou, on le sait, a favorisé le financement du Hamas via le Qatar.

Qu’est-ce que la France retire de sa relation avec le Qatar?
Des investissements, la Champions League, mais aussi des achats d’armements. Le Qatar a commandé en tout 36 Rafale à la France. Avec d’autres journalistes, j’accompagnais Emmanuel Macron en 2017 à Doha lorsqu’il a justement été question des Rafale. C’est l’année où la crise s’est enclenchée entre le Qatar et ses voisins, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis voulant presque l’envahir.

«Emmanuel Macron venait d’être élu et il penchait plutôt du côté de l’Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis»

Le Qatar lui a fait passer le message qu’il avait bien compris la position de la France et qu’il lui passerait commande d’armements si Paris agissait avec neutralité dans cette crise. Six mois plus tard, le Qatar achetait pour 7 milliards d’euros d’armes à la France, si j'ai bon souvenir, dont des Rafale.

«Ce rapport laisse de côté la menace salafiste»

Le 20 mai était dévoilé un rapport sur l’activité des Frères musulmans en France et en Europe. Or le Qatar a été longtemps le refuge des Frères musulmans, parmi eux un certain Youssef al-Qaradawi, dont les prêches ont largement contribué à la radicalisation islamiste en Europe. Il s’agit bien sûr d’une coïncidence, mais on ne peut s’empêcher de noter la concomitance entre la sortie de ce rapport et la victoire du PSG en Champions League.
En effet, c’est un hasard, mais sa sortie, elle, n’est pas fortuite pour Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, sachant que ce rapport avait été commandé par son prédécesseur Gérald Darmanin il y a un an et demi environ. En mettant l’accent sur les Frères musulmans, ce document laisse de côté la menace salafiste, qui est importante, sinon plus que celle des Frères musulmans.

Pour autant, le rapport décrit une situation en soi inquiétante, indépendamment de l’exploitation politique que vous décrivez.

«Oui, il ne faut pas être naïf, et nous l’avons dénoncé dans "Qatar Papers", il y a un entrisme de la part des Frères musulmans»

D’où la mise au point d’Emmanuel Macron en 2017 face à l’émir du Qatar, l’informant qu’il ne voulait plus d’argent qatarien dans l’islam de France. Ses prédécesseurs, eux, ne disaient rien, Nicolas Sarkozy le premier, lequel, alors ministre de l’Intérieur et des cultes, avait fait entrer les Frères musulmans de l’UOIF dans l’instance représentative de l’islam de France. Depuis 2017 et la remarque d’Emmanuel Macron, le Qatar a joué le jeu, mais comme souvent, à 80, 85, 90 %.

C'est-à-dire?
En 2021, lorsque Emmanuel Macron est retourné à Doha, Christian Chesnot et moi-même étions présents. Laurent Nuñez, le coordinateur national du renseignement, du voyage également, était venu nous voir et nous avait dit: «Après votre livre, Qatar Charity, fondation du soft power islamiste, a cessé de financer des mosquées en France, mais je reviens avec une liste de quinze associations islamistes françaises qui sont financées par d’autres ONG qataries.»

«Moralité, il faut maintenir la pression sur le Qatar»

Il faut être vigilant tout en n’exagérant pas la menace. Les Frères musulmans ne vont pas prendre le pouvoir en France avec 400 ou 600 personnes et un budget de 500 000 euros. Mais ils ont une politique qui vise à réislamiser la base de la société musulmane pour qu’elle pèse dans les décisions, notamment locales.

Vol en drone au dessus de Blatten
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