Pour de nombreux observateurs, l'attaque ukrainienne sur la région russe de Koursk a été une surprise. Toutefois, des indices indiqueraient désormais que ce n'était pas le cas pour l'armée russe. Les forces armées de Poutine auraient anticipé une telle attaque des mois auparavant et auraient élaboré des plans pour l'empêcher. C'est ce qui ressort de documents sécurisés par l'armée ukrainienne à Koursk et dont le journal britannique Guardian a eu connaissance.
Ces documents proviendraient du ministère russe de l'Intérieur, du service de renseignement intérieur FSB et de l'armée. Les documents les plus anciens auraient été rédigés fin 2023, tandis que les plus récents ne datent que de mi-juin, soit six semaines avant l'attaque ukrainienne sur Koursk. Le journal n'a pas pu vérifier les documents de manière indépendante. Ils porteraient toutefois les caractéristiques de communications authentiques de l'armée russe.
Selon ces informations, les signes d'une attaque ukrainienne se seraient multipliés depuis le début de l'année. Dès le 4 janvier, une alerte aurait été donnée sur la «possibilité d'une percée à la frontière de l'Etat». Fin février, l'armée russe aurait estimé qu'une avancée ukrainienne depuis la ville de Soumy était possible jusqu'à 80 kilomètres de profondeur en territoire russe. A ce jour, les forces ukrainiennes ont réussi à pénétrer sur une dizaine de kilomètres en Russie.
👉Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine👈
En mars, l'armée aurait ordonné de renforcer les lignes de défense à Koursk. Trois mois plus tard, ils auraient mis en garde contre la conquête de la localité russe de Soudja. La localité de Koursk a effectivement été conquise en août par l'Ukraine en l'espace d'une semaine.
Les documents donneraient également un aperçu d'autres tactiques militaires russes: ils mentionnent notamment des manœuvres de tromperie qui utilisent des tranchées et des changements de position:
Des pilotes de drones ukrainiens travaillant dans la région ont toutefois déclaré au journal qu'ils n'avaient pas encore pu observer de telles tactiques dans la pratique.
Par ailleurs, les documents évoquent la faiblesse du moral des soldats russes, qui se manifeste notamment par un nombre élevé de suicides parmi les combattants:
Comme «antidote», les cadres sont encouragés à nourrir les soldats de messages politiques: chaque jour, les unités doivent recevoir cinq à dix minutes de cours politiques, en plus d'une heure d'affilée par semaine, «afin de maintenir et d'améliorer l'état politique, moral et psychologique du personnel», peut-on lire dans l'un des documents.
L'armée russe a depuis longtemps des difficultés à recruter de nouveaux soldats. Le président russe Vladimir Poutine continuerait toutefois de refuser une nouvelle mobilisation, écrit l'«Institute for the Study of War» (ISW) dans son dernier briefing sur la situation dans la guerre en Ukraine. A court et moyen terme, Poutine serait opposé à cette mesure malgré l'insistance du ministère de la Défense.
L'institut indique que Poutine craint qu'une nouvelle mobilisation ne déstabilise le pays. Le dirigeant russe avait annoncé à l'automne 2022 une «mobilisation partielle» qui enrôlerait jusqu'à 300 000 réservistes. Cette mesure avait alors suscité le mécontentement de la population russe.
A Koursk, il est toutefois prévu de repousser les forces ukrainiennes d'ici la mi-octobre, indépendamment des capacités de l'armée russe, écrit l'ISW. Ensuite, la Russie voudrait établir une «zone tampon» dans la région frontalière russo-ukrainienne. L'institut assure cependant qu'une telle entreprise est improbable dans un délai aussi court. Au contraire, l'Ukraine aurait récemment réussi à conquérir des positions supplémentaires.
L'armée ukrainienne a lancé début août une offensive sur la région de Koursk et a pu y gagner en quelques jours d'importants terrains – les estimations parlent d'environ 1000 kilomètres carrés, une superficie plus grande que la canton du Jura.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci