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Poutine était avec sa valise nucléaire à Pékin

Russian President Vladimir Putin speaks to journalists following the Belt and Road Forum at the Diaoyutai State Guest House in Beijing, China, on Wednesday, Oct. 18, 2023. (Grigory Sysoyev, Sputnik, K ...
Vladimir Poutine à la maison d'hôtes d'Etat Diaoyutai à Pékin, en Chine, le mercredi 18 octobre 2023. image: keystone

Poutine a fait passer un message à la Chine et au monde

Le chef du Kremlin s'est présenté la semaine dernière dans la capitale chinoise avec une mallette à la symbolique explosive. Elle reflète, en effet, son ambition de conquête mondiale et rappelle à la Chine sa puissance. Explications.
29.10.2023, 08:0329.10.2023, 10:16
Christoph Cöln / t-online
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Lorsque Vladimir Poutine est arrivé la semaine dernière à Pékin pour rendre hommage à Xi Jinping lors du sommet de la Route de la Soie, le maître du Kremlin avait comme toujours un imposant entourage dans son sillage. Derrière les gardes du corps marchaient deux officiers de la marine russe. L'un portait une valise peu anodine: un attaché-case noir au cadre argenté, aussi connu comme le tcheget.

Que contient cette valise?

Cette valise contient les codes nucléaires russes. Grâce à eux, le président peut ordonner une attaque. Le fait que Poutine ait emporté le tcheget à Pékin n'est pas forcément exceptionnel. La valise nucléaire l'accompagne presque partout (bien que Poutine ne voyage pas très souvent par peur des attentats et des arrestations).

Les dirigeants d'autres grandes puissances nucléaires, comme les Etats-Unis ou la Chine, ont également une mallette de ce genre. Juste au cas où.

En revanche, la mise en lumière à Pékin de ce bagage qui porte le nom d'un sommet du Caucase était, elle, plus inhabituelle. L'équipe vidéo du Kremlin n'a pas manqué d'afficher l'officier de marine responsable de la mallette. Les propagandistes du Kremlin ont même zoomé pour lui donner encore plus de visibilité. Ce qui semble relever du détail reste cependant hautement symbolique.

Les images👇

Des scénarios de menace nucléaire

Cette mise en scène, aussitôt reprise par de nombreux médias, avait probablement deux destinataires. Le premier est le chef d'Etat chinois, Xi Jinping. Au cours des 20 derniers mois, celui-ci est en quelque sorte devenu le protecteur de Poutine. Sans le soutien politique de Pékin et l'aide économique et désormais également militaire de la Chine, la Russie serait probablement en grande difficulté depuis longtemps.

La valise nucléaire permettrait ainsi de rappeler à Xi que la Russie dispose toujours d'un arsenal considérable d'armes de destruction. L'empire de Poutine a peut-être vacillé récemment, mais il reste toujours aussi puissant. De quoi éviter un déséquilibre trop important entre les deux autocrates.

Le second destinataire, c'est bien entendu l'Occident. Depuis l'invasion de l'Ukraine, le Kremlin ne manque pas une occasion de jeter de l'huile sur le feu de l'ordre mondial. Dans les médias d'état et sur Telegram, les agitateurs du régime de Poutine – des prédicateurs haineux bien placés comme Soloviev, Medvedev ou Simonian – réclament de manière presque obsessionnelle l'utilisation d'armes nucléaires contre l'Ukraine et ses alliés et fantasment régulièrement sur l'anéantissement nucléaire des capitales occidentales.

L'art de jouer avec les symboles

De son côté, Poutine préfère laisser parler les images et ce n'est pas la première fois que le Kremlin fait le show avec la valise nucléaire. En avril dernier, le dirigeant s'était rendu dans les villes ukrainiennes de Louhansk et de Kherson, occupées par les troupes russes en violation du droit international; la valise nucléaire était présente et bien en vue sur l'image.

Quelques mois auparavant, la Russie avait annoncé l'annexion des territoires occupés sous les protestations d'une grande partie de la communauté internationale. Là encore, les médias du Kremlin avaient clairement fait passer le message de la dissuasion nucléaire.

Vladimir Poutine maîtrise bien le jeu des symboles. Au cours de ses presque 25 ans de mandat, le langage imagé est devenu un instrument central de son règne. Les experts parlent déjà d'une «rhétorique impériale». Un langage qui transcrit la supériorité du peuple russe et la politique d'expansion agressive de la Russie.

Non seulement le dirigeant s'exprime toujours avec une gestuelle pleine d'assurance, mais ses adeptes assurent également en permanence leur propre position avec leurs discours haineux et leurs menaces contre l'Ukraine ou l'Occident. «Regardez, nous sommes à nouveau quelqu'un», semblent-ils crier. Et aussi:

«Nous sommes meilleurs que vous»

La gestuelle rappelle celle d'un adolescent qui s'oppose à l'establishment avec autant de colère que de goût du risque. L'attitude, celle d'un dictateur qui, jeune homme, s'est forgé une réputation de voyou toujours debout dans les arrière-cours de la Kommunalka de Leningrad – ces quartiers communautaires misérables où Poutine a grandi.

Aujourd'hui, il dirige depuis le Kremlin et mise toujours sur l'intimidation. Et la valise nucléaire a remplacé la menace des coups de poing. Une évolution évidemment pas moins dangereuse.

La reprise des essais nucléaires?

Face à la mise en scène pompeuse du voyage à Pékin, on a peut-être perdu de vue ce qui s'est passé mercredi au parlement russe. La Douma a annulé en deuxième et troisième lecture la ratification d'un traité que la communauté internationale attend depuis un quart de siècle: l'interdiction complète des essais nucléaires (CTBT).

De par son retrait, la Russie pourra donc bientôt, et pour la première fois depuis l'effondrement de l'Union soviétique, tester à nouveau des armes nucléaires. Le dernier essai remonte à 33 ans, le 24 octobre 1990.

En refusant de ratifier le traité, la Russie prouve une nouvelle fois sa volonté de renverser l'ordre mondial basé sur des règles de l'Occident et d'imposer son propre agenda. Celui-ci mise essentiellement sur la primauté des intérêts nationaux, la supériorité ethnique, la loi du plus fort et le langage de la violence.

L'un des principaux alliés de cette doctrine politique darwiniste, que Poutine décrit par l'euphémisme «ordre mondial multipolaire», est la Chine. Le dirigeant communiste Xi Jinping partage de nombreuses perspectives russes. Il rejoint surtout Poutine sur l'intérêt de réduire l'influence de l'Occident et notamment des Etats-Unis, et ce même au prix d'une nouvelle guerre froide des puissances nucléaires.

Rien ne symbolise mieux cette ambition de conquête mondiale que le tcheget. Voilà pourquoi elle a fait le voyage jusqu'à Pékin.

Traduit de l'allemand par Valentine Zenker

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