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Ukraine: comment Poutine entraîne l'Iran dans sa guerre

Drones, missiles et plus encore: Poutine entraîne l'Iran dans sa guerre

L'armée russe subit des pertes massives en Ukraine. Poutine mise désormais sur l'aide iranienne. Cette nouvelle alliance fera-t-elle basculer l'issue de la guerre?
20.10.2022, 06:2320.10.2022, 11:43
Patrick Diekmann / t-online
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C'est un acte de désespoir. Face à la contre-offensive ukrainienne, l'armée russe mise sur la terreur. Des roquettes s'abattent sur des zones résidentielles dans tout le pays, les attaques contre les infrastructures clés des grandes villes se multiplient.

Les troupes du Kremlin utilisent une arme efficace: les drones kamikazes de fabrication iranienne. Et ce n'est que le début. Car le régime des mollahs iraniens aurait l'intention de fournir des missiles terrestres à la Russie.

L'attaque russe contre l'Ukraine scelle donc un pacte stratégique entre la Russie et l'Iran. Chaque camp reste, toutefois, sur la réserve. Les dirigeants russes restent discrets. Ils ne veulent pas évoquer la livraison d'armes iraniennes.

Le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, a déclaré n'avoir aucune information sur l'utilisation de drones iraniens lors de frappes aériennes russes en Ukraine. «Du matériel russe avec des désignations russes est utilisé», a-t-il déclaré devant les médias, selon l'agence de presse Reuters.

Iranische Shahed-136-Drohnen in einer Abschussvorrichtung: Angeblich sollen iranische Ausbilder in den russisch besetzten Gebieten Soldaten trainieren.
Des instructeurs iraniens entraîneraient des soldats dans les territoires occupés par la Russie. Sur l'image, des drones iraniens Shahed-136 dans un dispositif de lancementimage: creative commons

L'Ukraine est parvenue à intercepter de nombreux drones kamikazes. Les autorités estiment que les «Shahed 136» iraniens ont simplement été repeints en Russie. En russe, ils s'appellent désormais «Geran-2».

Vidéo: watson

Poutine change son fusil d'épaule

Par le passé, le président russe s'est toujours mis en scène comme un combattant contre le fondamentalisme islamiste. Mais la guerre en Ukraine semble avoir forcé le partenariat entre Téhéran et Moscou. Et ce malgré les conséquences de nouvelles sanctions pour l'Iran. Pour le Kremlin, cette alliance était devenue une nécessité. Elle illustre son désespoir: la Russie n'a pratiquement plus d'alliés.

Le Kremlin ne s'attendait pas à ce que la guerre en Ukraine s'étende sur la durée. Il a sous-estimé la capacité de défense de l'armée ukrainienne et le soutien de l'Occident. L'armée russe manque d'armes plus modernes, d'après ce que rapportent des experts militaires occidentaux.

L'Iran, un choix par défaut pour Poutine

Avant le début du conflit en Ukraine, la Russie était déjà nettement à la traîne dans le développement de drones de combat, en comparaison internationale. L'Iran n'était pas le premier choix de Moscou. Le Kremlin voulait, en fait, acheter des drones Bayraktar à la Turquie. Mais Poutine a essuyé un refus en Turquie. Ce qui équivaut à une gifle.

Russian President Vladimir Putin, from left, Iranian President Ebrahim Raisi and Turkish President Recep Tayyip Erdogan, pose for a photo prior to their talks at the Saadabad palace, in Tehran, Iran,T ...
Le président russe Poutine, le chef du gouvernement iranien Raisi et le président turc Erdoğan. Après la rencontre, Poutine a évoqué les livraisons de gaz à l'Europeimage: keystone

«Il est hors de question de leur laisser des drones dans ces circonstances. Pour le moment, nous soutenons pleinement la partie ukrainienne», a déclaré Haluk Bayraktar, le directeur général de la société turque Baykar, à la BBC. «L'argent n'est pas une priorité pour nous. L'argent et les ressources matérielles n'ont jamais été un objectif dans notre activité.»

L'armée russe n'est pas satisfaite

Dans le domaine des drones, l'Iran a donc servi de bouche-trou au Kremlin. La technologie iranienne présente apparemment de grandes lacunes. «Si vous lancez dix systèmes à moyenne distance, sept arriveront peut-être à destination», a déclaré au Spiegel un expert qui connaît bien les drones iraniens. En septembre, le Washington Post parlait de «nombreuses erreurs» et citait un responsable des services de renseignement américains:

«Les Russes ne sont pas satisfaits»

Malgré cela, le Kremlin utilise les armes iraniennes pour combler ses propres lacunes dans son arsenal. Les services secrets occidentaux rapportent que l'armée russe est à court de missiles modernes. Ces livraisons d'Iran sont donc bienvenues.

Une opportunité pour l'Iran isolé

L'Iran voit dans cette coopération une chance d'échapper à l'isolement international en rejoignant le bloc formé par la Russie et la Chine. «Dans la mentalité politique des dirigeants iraniens, il n'y a pas d'alliés. Ils ne considèrent pas du tout la Russie comme un allié, mais comme un rival dans de nombreux domaines, avec lequel il faut coopérer ponctuellement», décrypte l'expert du Proche-Orient Daniel Gerlach pour la «Deutsche Welle». Pour l'Iran, la crise ukrainienne est l'occasion de revenir dans le jeu.

President of Iran Seyyed Ebrahim Raisi addresses the 77th session of the United Nations General Assembly, Wednesday, Sept. 21, 2022 at U.N. headquarters. (AP Photo/Mary Altaffer)
Ebrahim Raisi, président de l'Iran, s'exprime devant les Nations unies à New York.image: keystone

Il s'agit avant tout pour le régime des mollahs de contourner les sanctions occidentales, notamment si les négociations sur un nouvel accord nucléaire devaient échouer. Téhéran souhaite mettre son pétrole sur le marché, des intérêts similaires à ceux de Moscou.

La Russie semble s'inspirer de l'Iran pour contourner les sanctions occidentales dans le secteur des matières premières. Les médias britanniques rapportent que de nombreux «navires fantômes» russes, dont les balises de localisation sont éteintes, mêlent leur pétrole avec du pétrole «inoffensif» du point de vue politique. Une astuce qui fonctionne généralement bien. Ce procédé porte le nom de «schéma pétrolier iranien». Il devrait coûter cher à la Russie.

Même au-delà, le soutien de l'Iran coûte cher à la Russie. «Nous avons signé avec la Russie un protocole d'accord sur l'exploitation de champs gaziers d'une valeur de quatre milliards de dollars ainsi qu'un accord sur la construction de gazoducs et d'installations de production de gaz naturel liquéfié d'une valeur de 40 milliards de dollars», a déclaré le ministre iranien du Pétrole Javad Ouji en octobre. En clair, cela signifie que l'Iran veut profiter de la détresse de Poutine avant tout sur le plan économique.

L'utilité limitée des armes iraniennes

Pour la Russie, l'intérêt d'une alliance avec Téhéran est économique et politique. Poutine à l'occasion de démontrer qu'il trouve encore du soutien au niveau international. Le fait qu'il s'agisse d'islamistes radicaux est secondaire pour le Kremlin dans la situation actuelle. Le président russe mise également sur le développement des routes commerciales vers l'Inde via l'Iran.

Et sur le plan militaire? L'Iran parviendrait-il à faire basculer la guerre en Ukraine?

Selon les experts militaires, dès le moment où l'Ukraine déploie une défense aérienne moderne, les drones iraniens ne sont plus efficaces. Pour les systèmes S-300 ou même Iris-T, ils sont des cibles faciles en raison de leur faible vitesse.

Vidéo: watson

L'Iran dispose de nombreux systèmes d'armes obsolètes. Leur force de frappe est incertaine, surtout en dehors des combats dans le désert.

Le pays s'est préparé pendant des années à la défense nationale ou à une guerre contre l'Arabie saoudite. Si l'on considère que l'armée de Poutine en Ukraine a désormais surtout besoin d'équipements pour l'hiver, Téhéran n'est probablement pas le bon allié.

Pour Moscou, ce point est peut-être secondaire. Plus l'Iran devient un belligérant offensif aux côtés de Poutine, plus la pression politique sur Israël et l'Arabie saoudite s'accroît.

Le gouvernement israélien est, de toute façon, déjà critiqué au niveau international et national pour avoir renoncé à prendre des sanctions contre la Russie. En renforçant le soutien de l'Iran, Poutine pourrait donc finir par entraîner non seulement Téhéran dans la guerre d'Ukraine, mais aussi d'autres puissances ennemies de l'Iran qui craignent des conséquences au Proche-Orient.

Sources:

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source: ap / dmitri lovetsky
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