Le Mali a bien changé depuis le retrait des troupes françaises du pays, fin 2021. Ils ont été remplacés par les mercenaires russes du groupe Wagner, devenus l'Africa corps, qui secondent l'armée malienne régulière dans des opérations «anti-djihadistes», commettant des massacres et des crimes de guerre.
De nouveaux témoignages émergent. Selon Le Monde, qui a travaillé avec le consortium de journalistes Forbidden stories, les sbires de Wagner auraient torturé bon nombre de civils dans six bases secrètes, dans les localités de Kidal, Nampala, Bapho, Niafounké, Sévaré, et Sofara. Plusieurs d'entre elles seraient d'anciennes bases de la force de l'ONU au Mali, la Minusma. Les histoires récoltées font froid dans le dos.
Nous sommes en juillet 2024. Les troupes de Wagner débarquent dans le village d'un épicier, disant chercher des djihadistes et leurs complices. Le père de famille cinquantenaire, est pointé du doigt par les Russes. Il se défend, mais rien n'y fait: ils l'emmènent.
Il est emmené au camp de Nampala, à quelques kilomètres de là, avec d'autres prisonniers. Il y est torturé de diverses façons, décrites terriblement: on lui brûle la peau au briquet, on s'assied sur une chaise posée sur lui alors qu'il est couché, on lui fourre un tissu gorgé d'eau dans la bouche, on le frappe à la tête. Parfois, il s'évanouit de douleur. Les «Wagnérites» mettent la musique à fond pour éviter d'entendre les hommes hurler.
Mais il a eu «de la chance»: il affirme que les Russes ont égorgé plusieurs hommes sous ses yeux. Il sera libéré après plusieurs jours de supplice, sans explications.
Un autre Malien raconte son calvaire, lui aussi dans la base de Nampala. Entre deux interrogatoires sommaires, il est torturé. Mains et jambes attachées, on lui plonge la tête dans un seau d'eau jusqu'à ce qu'il craque. On le frappe avec des bâtons et des câbles électriques — branchés.
Ou encore un autre homme. L'histoire est la même: arrêté pour d'obscures raisons, il est battu jusqu'à perdre conscience. On l'enferme avec des dizaines de prisonniers dans un conteneur. On y perce à peine quelques trous pour les laisser survivre sous la chaleur du soleil malien. Comme les autres, il sera libéré après quelques jours, sans raison.
Ou encore ce dernier prisonnier, qui a également subi des sévices. Mais il y a ici une «subtilité»: une fois libéré, avec d'autres hommes, on leur ordonne de marcher droit devant — avant de commencer à les mitrailler.
Parfois, les crimes commis sont purement économiques: les membres de Wagner capturent les locaux pour les échanger contre rançon. Des montants de 5 millions de francs CFA, soit un peu plus de 7000 francs. Enfin, pas tout le temps:
Au total, des centaines de Maliens auraient été tués par les mercenaires russes, sans compter les hommes torturés. Ils sont souvent issus des peuples peul et touareg, plus indépendants du pouvoir central malien et assimilés à des rebelles et des djihadistes potentiels.
Le 6 juin dernier, les restes des unités du groupe Wagner ont été officiellement et définitivement démantelés. Elles sont remplacés par celles de l'Africa corps. Mais celle-ci dépend-elle du commandement de l'armée russe ou agit-elle encore à sa guise sur le sol africain? Les choses ne sont pas toujours — volontairement — claires.
Depuis la mort d'Evguéni Prigojine, les unités de Wagner ont continué d'agir sous pavillon privé russe, sous la forme de différents groupes paramilitaires disparates. Les ordres ne venaient pas directement des autorités russes, mais c'était bien Moscou qui tirait les ficelles.
Une chose est sûre: Poutine ne compte pas lâcher les activités de ses sbires en Afrique, comme l'a confirmé Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin, lundi dernier.
(avec ats)