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Mali: comment le groupe Wagner s'est pris un gros revers

Au Mali, le groupe Wagner (alias Africa Corps) s'est fait prendre par surprise dans une embuscade par les rebelles touaregs.
Les mercenaires de Wagner sont tombés dans une grosse embuscade, au Mali.image d'illustration / montage watson

«Le Mali est l’une des plus grosses débâcles de Wagner en Afrique»

Le groupe Wagner, encore présent au Mali sous le label Africa Corps, a vécu un gros revers la semaine dernière. Un grand nombre de mercenaires a été tué dans une embuscade de rebelles touaregs. Kiev a tenté de récupérer l'évènement, ce qui s'est retourné contre eux.
11.08.2024, 07:0313.08.2024, 15:29
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Voici près d'un an qu'Evguéni Prigojine a été descendu dans son jet privé en Russie, mais les affaires du groupe Wagner roulent toujours. Désormais sous le contrôle du ministère russe de la Défense, il a été renommé Africa Corps et mène – comme son nom l'indique – des missions de mercenariat en Afrique, au Sahel principalement, bien qu'il soit aussi présent en Libye ou au Soudan.

Comment nommer Wagner en 2024? «Un des noms serait l'Africa Corps, mais les mercenaires sur place portent encore des tatouages ou des patchs de Wagner sur leurs uniformes», relève Dimitri Zufferey, co-auteur du livre Wagner: Enquête au coeur du système Prigojine et membre du collectif All eyes on Wagner, spécialisé en renseignement open source (Osint) et qui traque les activités du groupe de mercenaires russes.

«De nombreux mercenaires de l'ère Prigojine sont encore au Mali»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner

Bamako veut reprendre le contrôle de l'Azawad

Engagée dans le pays par le gouvernement lors du départ des troupes françaises, fin 2021, la troupe de mercenaires avait rapidement fait preuve de brutalité envers la population civile dans sa lutte contre les groupes djihadistes. La tension monte au point que la force armée des Nations unies pour le maintien de la paix au Mali, la Minusma, jette l'éponge en juin 2023 et quitte aussi le pays.

Dans le même temps, le gouvernement malien veut récupérer le contrôle du nord du pays, l'Azawad, où sont actifs différents groupes rebelles. Parmi eux, les indépendantistes touaregs du Cadre stratégique pour la défense du peuple de l'Azawad (CSP), mais aussi le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), par ailleurs affilié à Al-Quaïda.

«Les forces armées maliennes ne sont pas en mesure de pacifier seules leur pays»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner
Les mercenaires de Wagner ont du bon matériel.
Les mercenaires de Wagner au Mali disposent de bon matériel.grey zone

Alors que les Français prônaient une politique d'apaisement en donnant plus de droits aux indépendantistes de l'Azawad, la stratégie de Moscou est simple: vendre les services de ses mercenaires au gouvernement malien, quelle que soit la mission, et tenter au passage de faire main basse sur les ressources naturelles présentes dans le pays.

Mines d'or et gisement d'uranium

En octobre dernier, l'armée malienne et Wagner mènent l'offensive dans la région désertique de Kidal, au nord-est du Mali, jusqu'à prendre la ville du même nom, le fief des rebelles touareg. Coup dur pour le CSP et le GSIM, qui rassemblent leurs forces dans la zone à proximité de la frontière algérienne.

«La reprise de Kidal a été un gros coup de force pour le gouvernement malien»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner

Wagner en aurait profité pour faire main basse sur des mines d'or artisanales, présentes dans la région, note d'ailleurs All eyes on Wagner. Des gisements d'uranium, présents à cet endroit, intéresseraient aussi les Russes.

Le Mali (cf Wagner)
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Les factions en présence arrêtent alors de s'affronter — pour un temps. En juin, l'armée malienne décide de relancer sa conquête de l'Azawad avec l'aide de Wagner. Elle effectue des sorties régulières au nord-est du pays, à la frontière avec l'Algérie, toujours dans la région de Kidal.

Tempête de sable, blindés et hélico de combat

Mais les touaregs du CSP ne comptent pas en rester là. Ils rassemblent leurs forces en attendant le bon moment, scrutant les colonnes russo-maliennes qui patrouillent le désert.

«Les rebelles sont souples et efficaces, ils ont une connaissance parfaite du terrain»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner

Le 25 juillet, les rebelles passent à l'action. Ils ciblent un convoi qui circule à proximité immédiate de la frontière avec l'Algérie, à Tin Zaoutine. La colonne est composée de 24 véhicules, dont six blindés, pour des dizaines de soldats russes et maliens.

Mais les choses ne tournent pas à l'avantage des rebelles. Le convoi se déploie pour contre-attaquer et une bataille s'ensuit, détaille Le Figaro. Les rebelles tiennent bon, mais une tempête de sable se lève et rend les combats difficiles, jusqu'à la tombée de la nuit.

Ils reprennent le lendemain. Le CSP reprend l'avantage, détruisant notamment deux véhicules blindés. Un hélicoptère de combat russe est appelé en renfort, mais les rebelles ne se laissent pas faire. Sous feu nourri, l'appareil est touché et finit par s'écraser.

epa11454608 A Mil Mi-24 attack helicopter of the Senegalese Air Force flies by during the patronal celebration of the Air Force in Dakar, Senegal, 03 July 2024. The Senegalese Air Force was formed in  ...
Un hélicoptère Mi-24, utilisé lors de la bataille (image d'illustration).Keystone

Acculés de tous côtés

Le 27 juillet, les Russes se rendent compte qu'ils n'arriveront pas à vaincre les Touaregs qui sont revenus avec des renforts et seraient «un millier». Ceux-ci lancent également des drones kamikazes dans le combat, une première pour Wagner au Mali.

Le convoi russo-malien décide de se replier vers Kidal. Une poursuite a lieu sur les routes du désert sur une quarantaine de kilomètres. Mais alors qu'ils passent à proximité d'une colline, les mercenaires de Wagner et les soldats maliens sont pris en embuscade par un autre groupe: le GSIM.

Un des rebelles de l'Azawad (Mali), après l'embuscade contre un convoi de Wagner.
Un des rebelles de l'Azawad, après l'embuscade contre Wagner.screenshot youtube

Si les deux groupes ne se sont vraisemblablement pas coordonnés, selon Dimitri Zufferey, la situation n'en devient pas moins désespérée pour les mercenaires de Wagner. Les rebelles touaregs en profitent pour les rattraper et les prendre en tenaille. Les Russes et les soldats de Bamako sont acculés de tous côtés. Un dernier message radio envoyé par l'un des commandants du groupe Wagner en témoigne:

«Nous ne sommes plus que trois, nous continuons à nous battre»
Sergueï Chevtchenkole figaro

Deux géologues parmi les capturés

A la fin des combats, la fumée se dissipe et laisse apparaître les corps des mercenaires. Plus de 80 d'entre eux ont trouvé la mort ainsi qu'une cinquantaine de soldats maliens. Des vidéos montrant les corps rassemblés ont circulé sur les réseaux sociaux. Du côté des rebelles, les pertes sont bien moins élevées, avec douze tués.

«Le Mali devient l’une des plus grosses débâcles de Wagner en Afrique»

L'Etat-major de l'armée malienne reconnaît «un nombre important» de pertes. Du côté russe, cependant, c'est silence radio, alors même que les mercenaires de Wagner sont désormais soumis au contrôle du ministère de la Défense et que plusieurs d'entre eux ont été faits prisonniers.

«Il n'y a pas eu de réaction officielle à Moscou après l'annonce de ces pertes. Il y a par contre eu des opérations de désinformation pour minimiser cette défaite»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner

Selon Dimitri Zufferey, deux géologues russes ont aussi été capturés. Que faisaient-ils avec les mercenaires de Wagner? Si la réponse n'est pas claire, la présence des mines d'or et de gisements d'uraniums dans la région n'y est certainement pas étrangère. D'autant plus que du personnel de Rosatom, l'agence russe de l'énergie atomique, a déjà été aperçu au Sahel.

Récupération des évènements par Kiev

Un autre acteur n'a pas perdu de temps pour surfer sur la défaite de Wagner: l'Ukraine. Dans les jours qui suivent l'annonce de la débandade, le renseignement ukrainien révèle avoir aidé les rebelles touaregs dans leur action. Mais pour Dimitri Zufferey, il n'agit ni plus ni moins que d'une récupération des évènements par Kiev. «Il est improbable que l'Ukraine dispose de forces spéciales dans la région qui auraient pu aider le CSP ou le GSIM au sol», précise-t-il.

«Nous sommes présents partout où il est possible d'affaiblir les intérêts de la Russie»
Andriï Ioussov, chef du renseignement ukrainien

Quid de l'envoi de renseignements aux chefs touaregs, comme des photos satellites, le tracé du convoi de Wagner ou sa composition? Là aussi, cela ne convainc pas Dimitri Zufferey.

«Il y a une volonté maladroite de la part de Kiev de récupérer cette défaite de Wagner»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner

Pour le spécialiste Osint, il s'agit d'une opération de communication, destinée à montrer que le gouvernement ukrainien traquera les Russes partout où il le peut. Mais cette stratégie a provoqué l'effet contraire: mardi, le Mali a décidé de couper ses relations diplomatiques avec l'Ukraine. Kiev tente alors de rétropédaler, mais sans succès. Les Ukrainiens évoquent un «examen approfondi» de l'incident qui n'aurait pas eu lieu, tout en rejetant les accusations de «soutenir le terrorisme international», les troupes du GSIM étant islamistes.

Poutine se frotte les mains

Mercredi, c'était Moscou qui accusait ouvertement Kiev «d'ouvrir un deuxième front au Mali». A Moscou, Poutine doit se frotter les mains. Alors que le Mali s'est isolé de la France et de l'Occident depuis deux ans, la réaction de Kiev a tout pour pousser les officiels et la population malienne un peu plus dans les bras du Kremlin.

Que va-t-il désormais se passer en Afrique de l'Ouest? «Un déploiement de Wagner est évoqué au Tchad», indique Dimitri Zufferey. «Les Américains ont rendu leur base au Niger. Si les Russes, qui ont de bonnes cartes en main, arrivent à la récupérer, ils toucheront le jackpot.»

«Il y a beaucoup d'enjeux dans la région. Les choses vont bouger, mais on ne sait pas encore au bénéfice de qui»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner

Dimitri Zufferey pointe un autre élément d'importante: cela fera un an qu'Evguéni Prigojine est mort, le 23 août prochain. Et on le sait:

«Les Russes apprécient les dates anniversaire...»
Dimitri Zufferey, All eyes on Wagner
L'Ukraine a eu la peau du «char tortue» russe
Video: watson
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