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Dmitri Kozak: l'homme «qui osait contredire Poutine»

«Le solutionneur de problèmes de Poutine» a démissionné

Dmitri Kozak a accompagné l'ascension de Poutine pendant des décennies. Aujourd'hui, cet ancien confident a quitté ses fonctions après avoir osé contredire Poutine.
27.09.2025, 07:0227.09.2025, 07:02
Peter Riesbeck / t-online
Un article de
t-online

Très tôt, il a appris à dire non. C'était en août 1991. A Moscou, l'armée tentait un coup d'Etat. Le dernier président soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, séjournait dans sa datcha d'été en Crimée, Saint-Pétersbourg portait encore le nom révolutionnaire de Leningrad. Le Comité d'Etat pour l'état d'urgence, comme se nommaient les insurgés, essaya aussi de prendre le pouvoir dans l'administration municipale.

Mais un jeune juriste s'opposa aux putschistes: le chef du service juridique, Dmitri Kozak:

«Il a énuméré article par article les violations de la Constitution et a conclu que la prise de pouvoir était sans aucun doute illégale.»
Un de ses compagnons dans un entretien avec Meduza

Peu après, Kozak a rencontré un autre homme ambitieux à la municipalité de Leningrad: Vladimir Poutine. Tous deux sont restés inséparables pendant près de 30 ans. La semaine dernière, Kozak, aujourd'hui âgé de 66 ans, a démissionné contre toute attente de son poste de vice-chef de l'administration présidentielle. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a laconiquement confirmé l'information. Une rupture après des décennies de collaboration.

Dmitri Kozak a osé contredire Poutine.
Dmitri Kozak est un des seuls à témoigner de son opposition à la guerre lancée par le Kremlin.Image: Imago

Meduza le décrit «l'homme de confiance de Poutine», celui qui attire tous les regards. Le média a mené des recherches approfondies sur la chute de ce proche de Poutine et s'est entretenu avec des experts du Kremlin et des compagnons de route. Meduza cite un initié qui affirme que le président russe aurait confié à Kozak «des affaires importantes et urgentes».

Cela ne fait pourtant pas vraiment de lui un homme de main. La Fondation hessoise pour la recherche sur la paix et les conflits (HSFK) parle prosaïquement de «le solutionneur de problèmes de Poutine».

Dmitri Kozak, un homme de droit

Dmitri Kozak s'est toujours considéré comme un homme de droit. Comme en 1991, lors de la tentative de coup d'Etat à Leningrad. Dans la future Saint-Pétersbourg, il a rapidement fait carrière aux côtés de Vladimir Poutine. Sa force: savoir trouver une solution juridique à n'importe quel problème.

VLADIMIR PUTIN, VIKTOR SADOVNICHY, DMITRY KOZAK MGU 144514 12.02.2004 President Vladimir Putin before a meeting with his empowered persons in the Moscow State University MGU. On the right -- the Lomon ...
En 2004, Vladimir Poutine était déjà président de la Fédération de Russie. Au centre, Dmitri Kozak et Viktor Sadovnichy, le recteur de l'Université de Moscou. Image: www.imago-images.de

Poutine l'a convoqué à Moscou, dans l'administration présidentielle, en prenant les rênes du pays en 2000. Dmitri Kozak a alors occupé le poste de vice-premier ministre pendant douze ans, et s'est vu confier l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi en 2014. Mais sa mission officieuse consistait à résoudre les conflits explosifs.

Poutine lui confiait systématiquement les missions les plus délicates. Lorsque l'influence de la Russie dans l'ancienne république soviétique de Moldavie menaçait de s'effriter, Kozak a discrètement réglé l'affaire dans l'intérêt de son chef. Un observateur du Kremlin détaille pour Meduza:

«Il tente de résoudre les problèmes sans provoquer de chaos, en créant un cadre juridique qui tient compte non seulement des intérêts de l'Etat, mais aussi de ceux de ses partenaires et même de ses adversaires»

Dmitri Kozak s'impose ainsi comme l'homme de la situation en 2014, après l'annexion de la Crimée. Il participe activement aux négociations dites de Minsk, au cours desquelles la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande tentent de solutionner pacifiquement le conflit entre Moscou et Kiev.

Dmitri Kozak mise jusqu'au bout sur les pourparlers. Quand le gouvernement de coalition entre en fonction à Berlin en décembre 2021, le conseiller en politique étrangère d'Olaf Scholz le rencontre immédiatement. En vain. Poutine envahit l'Ukraine avec ses troupes en février 2022.

Lors de la réunion décisive du Conseil de sécurité russe trois jours avant l'offensive, Kozak aurait été le seul à oser contredire ouvertement les intentions du président, toujours selon Meduza. Il aurait ainsi évoqué les problèmes persistants liés à la prise de pouvoir dans le Donbass, dans l'est de l'Ukraine. Mais Poutine lui aurait coupé la parole illico. Le mois dernier, le New York Times avait déjà fait état d'une brouille entre ce dernier et son confident.

Anciens militaires et soutiens inconditionnels

Cette démission témoigne ainsi d'une nouvelle concentration du pouvoir au Kremlin. Pour pourvoir d'importants postes parlementaires, Poutine ne s'est récemment tourné que vers des vétérans. La preuve d'une nouvelle militarisation de la politique et de la société en Russie. La situation devient difficile pour les défenseurs de l'Etat de droit comme Kozak.

Officiellement, il aurait justifié sa décision par «son âge, sa fatigue et sa santé», selon des sources proches du dossier, selon Meduza. Mais on lui prête par ailleurs des aspirations à une carrière dans le monde des affaires.

Selon les experts, Dmitri Kozak n'a toutefois pas à craindre pour sa vie, à l'image d'autres proches de Poutine. Celui-ci accordera certainement à son ancien confident «un poste honorifique dans une entreprise publique ou fidèle à l'Etat».

Le Kyiv Independent se montre plus critique. Pour le journal ukrainien:

«Indépendamment des conséquences pratiques pour l'apparatchik, cette démission marque la disparition de l'une des dernières personnalités du cercle gouvernemental qui osait contredire le chef de l'Etat».

Avec le départ de Kozak, la Russie perd son dernier opposant.

Adaptation en français par Valentine Zenker

Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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On avait une très bonne raison d'aller voir des alpagas
Video: watson
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