Du 8 au 10 mai, les armes vont se taire en Ukraine. C'est, du moins, ce qu'a déclaré Vladimir Poutine ce lundi, lorsqu'il a annoncé une trêve unilatérale pour des «raisons humanitaires» - tout en assurant que ses forces allaient répondre en cas de violation de la part de Kiev. Ce cessez-le-feu coïncide également avec les célébrations du 80e anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie, que Moscou s'apprête à fêter en grande pompe le 9 mai prochain.
L'annonce du Kremlin n'a pas exactement suscité l'enthousiasme de Kiev et de ses alliés européens. «La Russie peut arrêter les tueries et les bombardements à tout moment, il n'est donc absolument pas nécessaire d'attendre le 8 mai», a sèchement réagi une porte-parole de la Commission européenne.
Vladimir Poutine avait déjà déclaré un bref cessez-le-feu de 30 heures à l'occasion de Pâques, que les deux camps s'étaient ensuite accusés d'avoir violé.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a souligné que Moscou a rejeté la proposition d'un cessez-le-feu de 30 jours avancée par Washington et Kiev. Et de commenter:
Le président ukrainien fait ici référence au défilé militaire que Moscou organise chaque année sur la Place rouge, à l'occasion du 9 mai. En effet, cet événement est l'une des raisons expliquant la trêve de Poutine, estime le centre de réflexion Atlantic Council dans une analyse publiée ce mardi.
Cette année, plusieurs invités prestigieux vont prendre part aux célébrations. Des dirigeants chinois, indiens et brésiliens sont notamment attendus sur la Place rouge. «Il va sans dire qu'il serait extrêmement embarrassant pour Poutine que sa parade de propagande soit éclipsée par des frappes aériennes ukrainiennes à Moscou ou ailleurs en Russie», note l'Atlantic Council. Ces dernières années, les drones de Kiev ont atteint la capitale russe à plusieurs reprises.
La proposition de Poutine ne vise toutefois pas seulement à préserver la réputation du Kremlin auprès de ses partenaires internationaux, écrit l'Atlantic Council. Elle sert une stratégie plus large:
Cela permettrait également de «maintenir l'illusion que la Russie est intéressée par des négociations de paix sérieuses», complète le centre de réflexion Institute for the Study of War (ISW), et d'occulter le fait qu'elle a rejeté la proposition américaine d'un cessez-le-feu plus conséquent.
L'Atlantic Council fait aussi remarquer que le timing choisi par Poutine pour ses annonces n'est pas anodin. Elles sont intervenues quelques heures après les critiques que la Maison-Blanche a formulées à l'égard du Kremlin, accusé de ne pas vouloir de paix. Ces cessez-le-feu constitueraient donc «un élément d'une tactique de blocage» russe:
Finalement, ajoute l'ISW, les Ukrainiens se retrouvent forcés à accepter cette trêve «opportuniste», sous peine de paraître intransigeants à l'égard de l'Occident.
D'autant plus que la Russie n'a pas renoncé à ses objectifs maximalistes en Ukraine. Pas plus tard que ce lundi, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a affirmé au média brésilien O Globo que la reconnaissance internationale de l'annexion russe de la Crimée et de quatre autres régions ukrainiennes était une condition «impérative» à la paix.
Le lendemain, l'ancien président et actuel secrétaire du Conseil de sécurité de Russie, Dmitri Medvedev, a déclaré que la guerre en Ukraine devait se terminer par la «victoire» de son pays et la «destruction» de l'actuel gouvernement ukrainien.
Face à ces positions, la stratégie actuelle des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie est jugée inefficace par l'Atlantic Council, qui dénonce une «situation absurde»:
Le think tank estime que Washington devrait durcir le ton face à Moscou. «Poutine considère la guerre en Ukraine comme une mission historique visant à inverser l'effondrement impérial de 1991 et à redonner à la Russie la place qui lui revient en tant que superpuissance mondiale», commente-t-il. Et de conclure: