Les murs gris de l'ambassade russe à Pékin, qui est tout de même l'une des plus grandes représentations diplomatiques du monde, sont actuellement ornés d'images qui attirent l'oeil. Côte à côte, on y voit des photographies de soldats soviétiques de la Seconde Guerre mondiale et des forces spéciales russes en Ukraine. En cyrillique, il est écrit: «Nous avons gagné à l'époque et nous gagnerons aussi maintenant». Et en caractères chinois:
Dans quelle mesure Xi Jinping soutient-il son «vieil ami» Vladimir Poutine dans ses ambitions impérialistes? Cette question est centrale pour de nombreux chefs d'Etat en Europe. Cependant, elle ne sera pas abordée publiquement ce jeudi, lorsque le maître du Kremlin arrivera dans la capitale chinoise. Il s'agit de son premier voyage à l'étranger depuis le début de son cinquième mandat en tant que président russe.
Le programme exact de la rencontre reste un mystère. Le ministère chinois des Affaires étrangères n'a même pas confirmé la rencontre entre Poutine et Xi 48 heures avant le début prévu. Mais il est certain que la direction du parti, à Pékin, déroulera le tapis rouge à l'invité de Moscou. On ne peut certes pas exclure que des questions critiques soient abordées. Mais elles ne seront certainement pas transmises à l'extérieur.
Il y aurait pourtant beaucoup à dire. Les accusations du monde politique occidental sont sur la table. Tandis qu'Olaf Scholz, le chancelier allemand avait adopté une rhétorique amicale lors de sa récente visite à Pékin, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a récemment parlé sans détour:
Le fait est que le commerce bilatéral entre les deux Etats est en plein essor depuis que Poutine a envoyé ses chars en direction de Kiev en février 2022. Alors que la Chine achète du pétrole russe à bas prix, les exportations de la Russie ont également augmenté d'environ 60%.
Cependant, les accusations des Etats-Unis et de l'Union européenne vont au-delà des simples transactions commerciales: ils critiquent la Chine pour ses livraisons à grande échelle de biens dits à «double usage» à la Russie. Il s'agit de produits pouvant être utilisés à des fins civiles et militaires, tels que des moteurs de drones, des capteurs optiques, des machines-outils ou des produits chimiques pour la fabrication de carburant pour fusées.
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Le chercheur Nathaniel Sher du «Carnegie Endowment for International Peace» à Washington a récemment analysé les données douanières publiques de la Chine. Son étude aboutit à ce constat: parmi les quelque 50 produits que l'Occident classe comme «hautement prioritaires» en raison de leur dangerosité, la Russie en a obtenu près de 90% de la Chine, soit par réexportation, soit directement produits en République populaire.
En 2021, cette proportion n'était que d'environ 30%. «Par conséquent, les exportations chinoises ont joué un rôle clé dans le maintien des efforts de guerre de Moscou», écrit l'expert.
Au moins, une tendance positive potentielle peut être déduite des données analysées. Alors que la valeur de ces «biens à double usage hautement prioritaires» s'élevait encore à environ 600 millions de dollars en décembre, elle n'est actuellement plus que la moitié.
La question se pose également de savoir dans quelle mesure l'Etat chinois est directement impliqué. L'année dernière encore, la secrétaire du Trésor des Etats-Unis, Janet Yellen, affirmait que l'évitement des sanctions occidentales émanait de sociétés privées chinoises, et non du gouvernement. Cependant, depuis lors, les signes se multiplient indiquant que Pékin encourage activement ces pratiques – ou du moins ne montre pas une volonté suffisante de les stopper.
Dernièrement, Xi Jinping a promis au président français Emmanuel Macron, lors de leur rencontre à Paris, de «contrôler strictement» l'exportation de biens à double usage vers la Russie. Cependant, l'Union européenne ferait bien de juger le chef d'Etat âgé de 70 ans sur ses actes - et de ne pas prendre ses paroles pour argent comptant.
Traduit et adapté par Noëline Flippe