Alexeï Navalny est mort. La nouvelle a fait le tour du monde comme une traînée de poudre vendredi en début d'après-midi. Il était considéré comme l'opposant le plus important au régime de Poutine. En effet, personne en Russie n'a posé autant de problèmes au Kremlin ces dernières années. Alexeï Navalny et sa fondation ont multiplié les révélations sur la décadence et la corruption de l'élite russe.
Alors, la mort de l'opposant le plus célèbre du pays aura-t-elle des conséquences sur la politique russe? Qu'est-ce que cela signifie pour les élections présidentielles prévues en mars? Et comment Poutine réagit-il?
Andreas Umland, expert du Centre d'études d'Europe de l'Est de Stockholm, pense que la mort de Navalny n'était pas dans l'intérêt du Kremlin. «Ils voulaient certes le tenir à l'écart de la politique, mais pas en faire un martyr», affirme l'expert.
En 2020, Navalny avait été victime d'une attaque à l'agent neurotoxique Novitchok. Les observateurs avaient alors attribué la paternité de l'attentat au Kremlin, mais aucune preuve n'avait été apportée. Selon Andreas Umland, c'est là que réside la grande différence avec la mort de Navalny ce vendredi:
Mais le fait que Navalny soit mort en détention est cette fois-ci un problème pour le Kremlin.
Il n'est cependant pas exclu que sa mort ait été provoquée intentionnellement, selon Andreas Umland. Fin janvier, le frère de l'opposant avait critiqué le fait qu'Alexeï Navalny était torturé en détention «exactement comme dans un manuel». Mais Andreas Umland estime qu'il est peu probable que Navalny ait été activement tué:
D'après l'expert, cela s'explique surtout par le fait que Navalny était plutôt populaire au sein de la population russe:
En raison de cette popularité, la mort de Navalny pourrait avoir des conséquences plus profondes sur la politique russe, estime Andreas Umland:
Il n'est toutefois pas encore possible de prévoir quelles seront ces conséquences. «Dans tous les cas, le Kremlin ne peut pas balayer cette situation sous le tapis», conclut le spécialiste.
Le politologue Alexander Libman voit les choses différemment. Lui mène des recherches sur l'Europe de l'Est et la Russie à l'Université libre de Berlin. Et il est d'avis que la mort de Navalny n'aura pas de conséquences à court terme sur la politique russe:
A moyen et long terme, la mort de l'opposant pourrait toutefois avoir un impact sur la Russie. Il s'agit cependant de l'après-Vladimir Poutine.
D'après le politologue, «l'opposition en exil est à peine entendue sur la scène nationale, notamment parce qu'elle se détache de plus en plus de ce qui se préoccupe vraiment les Russes».
Dans un peu plus d'un mois – du 15 au 17 mars – auront lieu les élections présidentielles russes. Le moment de la mort de Navalny est «étonnant» au vu de cette situation, observe Andreas Umland. Car il est certain que l'opposition va réagir: «La seule question est de savoir comment.»
Une possibilité serait d'organiser de grandes protestations. Dans ce scénario-là, on peut se demander comment réagirait le Kremlin:
Mais il en va de même pour l'opposition: si le Kremlin opte pour une répression sévère, les opposants au régime seront-ils prêts à se sacrifier pour la cause?
Alexander Libman estime toutefois que des manifestations sont peu probables. Et si elles devaient avoir lieu, elles seraient plutôt petites, affirme l'expert:
La question reste de savoir qui pourrait à l'avenir remplacer Alexeï Navalny. Boris Nadejdine est «dans les starting-blocks», souligne Andreas Umland. Il souhaitait se présenter aux élections face à Poutine, mais la commission électorale lui a barré la route. Le politicien a fait recours.
Navalny et son équipe ont soutenu publiquement à plusieurs reprises la candidature de Nadejdine et ont appelé les citoyens à soutenir l'opposant à la guerre.
Celui qui se rêve candidat à la présidence est toutefois «d'un autre calibre que Navalny», à croire Andreas Umland. Et son parcours est différent: ses détracteurs ont affirmé à plusieurs reprises qu'il était en fait soutenu par le Kremlin afin de faire croire à une véritable opposition en Russie.
Andreas Umland ne croît toutefois pas à ce scénario: «Poutine ne contrôle pas tout dans le pays». Pour Alexander Libman, en revanche, Nadejdine est «trop faible» pour représenter une véritable alternative.